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Qu'est-ce qu'un homme juste ?

Extrait du document

« I.

Conception mystique de la justice. Au sens religieux, « le juste » est l'homme qui se conforme à la loi divine et qui, dans tous ses actes, s'inspire de sa foi.

« Le juste, dit PASCAL (Pensées, fr.

504), agit par foi dans les moindres choses : quand il reprend ses serviteurs, il souhaite leur conversion par l'esprit de Dieu et prie Dieu de les corriger, et attend autant de Dieu que de ses répréhensions.

» C'est en ce sens que l'Écriture parle des « justes » et les oppose aux « impies ».

— Bien que ce sens soit un peu spécial, nous pouvons déjà en tirer une leçon.

Le « juste », en ce sens, n'est pas celui qui obéit simplement à la lettre de la loi, comme les pharisiens, mais celui qu'anime « l'esprit de Dieu » et qui s'inspire en toutes choses, non seulement de la lettre des commandements, mais aussi de l'amour de Dieu et de ses frères.

Nous comprenons ainsi que la justice est, avant tout, une disposition spirituelle. II.

Conception légalitaire de la justice. A.

— En un sens plus spécifiquement moral, la justice est le respect du droit.

Or, le droit est « l'ensemble des règles obligatoires qui déterminent les rapports sociaux tels que la volonté collective du groupe se les représente à tout moment » (H.

Lévy-BRUHL, Aspects sociologiques du droit, p.

48).

L'homme juste sera donc, en ce sens, celui qui respecte scrupuleusement les règles établies. B.

— Une observation est cependant ici nécessaire.

Même dans cette conception légalitaire, plus juridique que proprement morale, le respect de la lettre n'est pas tout.

Les juristes eux-mêmes considèrent qu'il peut y avoir, en certains cas, abus du droit.

Les anciens l'avaient dit : celui qui va jusqu'au bout de son droit, celui-là n'est pas vraiment juste; c'est le summum jus, summa injuria.

Un juriste contemporain raconte l'histoire suivante : « A une dame qui tenait une pension de famille où nous étions descendus, nous demandions, un jour où l'un des nôtres souffrait d'un atroce mal de tête, de prier un voisin de suspendre les coups de marteau que, depuis un moment, il ne cessait de faire résonner au-dessus de la pièce où reposait le malade, défaillant à leur bruit.

Or, quelle n'a pas été notre surprise d'entendre cette dame nous poser, pour toute réponse, la question suivante : " Quelle heure est-il?...

Oui, quelle heure est-il? redisait-elle.

Il n'est pas dix heures, n'est-ce pas? Eh bien! il a le droit! " » (B.

TABBAH, Droit politique et humanisme, p.

314).

L'homme vraiment juste est celui qui, même en dehors de toute disposition légale ou réglementaire, respecte la personne de ses semblables. C.

— Derrière les dispositions du droit, derrière même les règles formulées de la morale, il y a les valeurs qu'elles sont destinées à protéger, et l'une de ces valeurs essentielles est celle de la personne humaine.

BERGSON a distingué deux conceptions de la justice : l'une qui relève de « la morale close » et qui est « règle et règlement, rectitude et régularité »; l'autre, plus large et plus vivante, qui « procède par des créations successives, dont chacune est une réalisation plus complète de la personnalité et par conséquent de l'humanité ».

L'homme juste est celui qui pratique cette dernière. III.

Conception morale de la justice. Il faut aller plus loin.

Nous avons défini jusqu'ici la justice de façon presque exclusivement négative : l'homme juste est celui qui n'empiète pas sur les droits de ses semblables et qui respecte leur personne.

Mais l'homme vraiment juste n'est pas seulement celui qui s'abstient : il agit, il cherche à défendre la justice et à la promouvoir.

La justice, dit PROUDHON, est « le respect, spontanément éprouvé et réciproquement garanti, de la dignité humaine, en quelque personne et dans quelque circonstance qu'elle se trouve compromise et d quelque risque que nous expose sa défense ».

Il est donc tout à fait faux que la justice ne soit qu'une vertu négative.

L'homme juste est animé par un profond amour de ses semblables — et, en ce sens, il est erroné d'opposer la justice à la charité — et cet amour le pousse à revendiquer pour eux tout ce qu'exige le respect de la dignité humaine, à se « révolter » même contre tout ce qui porte atteinte à cette dignité, dût-il lui en coûter à lui-même. Conclusion.

La justice n'est pas seulement le respect des règles établies.

Elle est, comme nous l'avons dit, une disposition spirituelle ou, comme s'exprime PROUDHON, « une faculté de l'âme » : elle repose sur le sentiment profond et actif de la dignité humaine.. »

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