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Qu'est ce qu'être soi-même ?

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La question ne doit pas être travaillée dans la perspective de valider le sens commun, à savoir de justifier le sens usuel de cette expression. Quel est ce sens usuel et comment en faire la critique ?Etre soi-même revient globalement, en un sens ordinaire, à céder à ses désirs, à les satisfaire, à neutraliser tout ce qui en empêche le libre déploiement (la morale, par exemple, mais aussi, plus clairement, la liberté d'autrui en tant qu'il est de son droit de l'exercer), bref ce que le sens commun appelle le « naturel ». Etre naturel, c'est être sans artifice, sans l'exercice d'un contrôle sur soi-même (modération, tempérance, retenue), sans réflexivité par laquelle je me renverrais à moi-même ma propre vie. Etre soi-même, c'est donc avant tout céder aux désirs, aux inclinations, aux tendances, aux impulsions, aux caprices, à savoir précisément à tout ce qui n'est pas soi (à moins d'affirmer que le soi est la totalité de ces désirs). Ces derniers en effet constituent des « blocs d'altérité » qui font face, de tout leur poids, à ma puissance d'auto-détermination (la volonté comme activité ou puissance d'atteindre une fin consciemment représentée, ou encore comme cause première de mes actes) : je ne peux que vouloir pour ou contre un désir, mais je ne suis pas lui. Sur un plan moral, les implications de ce sens usuel de l'expression être soi-même sont claires : il s'agit toujours de faire « comme si » j'étais seul au monde, « comme si » je n'avais pas d'extériorité, ou « comme si » l'extériorité était le champ de mon action, le lieu de déploiement de mes seules volontés, car je ne peux être naturel qu'à ce prix : nier la limitation externe que m'imposent les relations à autrui, c'est-à-dire nier son droit, nier son ipséité [le fait qu'un autre soit également un autre soi]. Je ne peux être moi-même absolument qu'à entrer en conflit avec autrui, auquel par ailleurs, si je veux réellement être moi-même, je ne puis que refuser ce droit, conçu comme possibilité d'être, lui aussi, soi-même.   

« Demande d'échange de corrigé de desegaulx laure ([email protected]). Sujet déposé : Qu'est ce qu'être soi même ? Etre soi-même : c'est l'attitude prônée par le sens commun, qui veut dire par là « être naturel », « faire ce que l'on veut » (ce que ce même sens commun appelle « être libre »).Pourtant, si être soi-même revenait à s'abstenir, à se laisser aller à nos désirs, à faire ce que l'on veut, on n'éprouverait pas tant d'inquiétude.

Or, l'inquiétude, la recherche d'un équilibre et du bonheur, semblent constants : à satisfaire nos désirs, à faire ce que l'on veut, il y a peu de contentement, comme si la satisfaction était d'un autre ordre.

Et, comme nul homme n'a jamais été soi-même en suivant ses désirs ou ses impulsions immédiates, il faut en conclure que le devenir soi-même appartient à un ordre différent de celui de nos satisfactions les plus immédiates.

Qu'est-ce donc qu'être soi-même ? Plan possible : 1.

Analyse sémantique de l'expression : La question ne doit pas être travaillée dans la perspective de valider le sens commun, à savoir de justifier le sens usuel de cette expression.

Quel est ce sens usuel et comment en faire la critique ?Etre soi-même revient globalement, en un sens ordinaire, à céder à ses désirs, à les satisfaire, à neutraliser tout ce qui en empêche le libre déploiement (la morale, par exemple, mais aussi, plus clairement, la liberté d'autrui en tant qu'il est de son droit de l'exercer), bref ce que le sens commun appelle le « naturel ».

Etre naturel, c'est être sans artifice, sans l'exercice d'un contrôle sur soi-même (modération, tempérance, retenue), sans réflexivité par laquelle je me renverrais à moi-même ma propre vie.

Etre soi-même, c'est donc avant tout céder aux désirs, aux inclinations, aux tendances, aux impulsions, aux caprices, à savoir précisément à tout ce qui n'est pas soi (à moins d'affirmer que le soi est la totalité de ces désirs).

Ces derniers en effet constituent des « blocs d'altérité » qui font face, de tout leur poids, à ma puissance d'auto-détermination (la volonté comme activité ou puissance d'atteindre une fin consciemment représentée, ou encore comme cause première de mes actes) : je ne peux que vouloir pour ou contre un désir, mais je ne suis pas lui.

Sur un plan moral, les implications de ce sens usuel de l'expression être soimême sont claires : il s'agit toujours de faire « comme si » j'étais seul au monde, « comme si » je n'avais pas d'extériorité, ou « comme si » l'extériorité était le champ de mon action, le lieu de déploiement de mes seules volontés, car je ne peux être naturel qu'à ce prix : nier la limitation externe que m'imposent les relations à autrui, c'est-à-dire nier son droit, nier son ipséité [le fait qu'un autre soit également un autre soi].

Je ne peux être moi-même absolument qu'à entrer en conflit avec autrui, auquel par ailleurs, si je veux réellement être moi-même, je ne puis que refuser ce droit, conçu comme possibilité d'être, lui aussi, soi-même. 2.

Critique : qu'est-ce que le soi-même ? Ce sens usuel, on le voit, est extrêmement confus.

Il présuppose d'abord, contradictoirement, que le soi est donné ou accessible, mais qu'il n'est pas aisé d'être soi-même, ne serait-ce que parce que poser la question implique qu'être soi-même n'a rien d'une évidence, mais apparaît bien davantage comme un problème.

Or, en premier lieu, sous quelle forme ce soi est-il donné, comment est-il manifesté ? Si c'est dans l'élément des désirs et des impulsions, il est vrai qu'ils sont donnés, mais en même temps on ne voit pas comment il serait malaisé de céder à ses propres désirs : il suffit de s'abstenir de toute volonté, et cette abstention même est ce par quoi le désir se déploie sans entrave.

Aussi, être soi-même serait d'autant plus facile que l'on ne ferait aucun effort, sinon celui de céder à nos caprices. Mais le plus confus est ici la manière dont le soi est conçu.

S'il est en effet la totalité complexe des désirs, s'il se tient dans l'éparpillement des sensations, alors il n'y a plus de soi mais une diversité sensible qui ne se rattache qu'accidentellement à un soi : il est vrai que j'ai des sensations et des désirs, mais je ne suis pas eux.

Si j'étais eux, je n'aurais jamais nulle distance vis-à-vis d'eux et serais entièrement passif à l'égard d'un fond passionnel qui réglerait absolument mes conduites : il n'y aurait plus de sujet ni d'agent des actions, quels qu'en soient les modes.

Le soi, s'il « est », ne peut donc être compris comme diversité sensible.

Mais peut-il être compris au reste comme diversité ? La notion de diversité implique, en tant que pure diversité, que les éléments qui la constituent ne soient pas reliés entre eux ni à rien d'autre : dit autrement, la diversité n'existe pas, ce n'est qu'un mot, il n'y a que des éléments épars, sans aucun principe d'unité. Néanmoins, il est nécessaire que la notion de soi s'articule sur un tel principe d'unité.

En effet, mon identité personnelle n'est telle qu'à être reliée à soi dans l'élément de la conscience de soi réfléchie.

Si je ne suis pas relié à moi comme conscience réfléchie de soi, il n'y a plus d'identité personnelle car aucun sujet n'étant relié à soi, il ne saurait se savoir lui-même comme sujet ou se poser comme tel dans la réflexivité.

Tout sujet est nécessairement conscient de soi comme être existant à distance de soi mais relié à ce soi qu'il est sans l'être sur un mode plénier.

Au fond, ce qui structure le sujet, c'est l'unité relative de son être (relative, car cette unité est vacillante, précaire, jamais acquise, comme le montre par exemple la psycho-pathologie).

Il est donc clair que sans cette unité constitutive du sujet, on ne peut être soi-même.

Ce qui implique que le soi ne peut être diversité et a fortiori diversité sensible. Comment donc, alors, comprendre le statut du soi ? Il n'est pas donné (en ce sens le soi n'est pas sensible) car cette unité subjective, dont nous venons de parler, est une condition fonctionnelle pour qu'un sujet se pose sur soi par réflexion (en un sens, paradoxalement, l'unité précède le sujet dont elle est l'unité, mais cette priorité est logique, non pas chronologique).

En même temps, il est donné comme condition pour qu'un sujet parvienne à soi, dans ce que l'on peut appeler le devenir soi-même : je ne suis pas donné à moi-même comme être figé, fixé par ma naissance ou par mon histoire.

J'ai à devenir moi-même, en faisant l'épreuve du monde, de l'histoire, de la passion, etc.

Ainsi, le soi est indéterminé, non pas en ce qu'il ne signifie rien, mais en ce qu'il est horizontal, il est ce que j'ai à être comme pro-jet, dirait Sartre.

Le soi est donc tâche, et non donné.

Il est l'entrelacement structurant de ma temporalité, de mon vécu et des fins que je vise en tant qu'être raisonnable et réfléchi, mais également en tant qu'être fini et pathique.

Le soi est à venir, terme peut-être in appropriable du devenir soi-même, qui jamais ne finit.

En ce sens, le soi est valeur, et non être, ce que j'ai à être et non ce que je suis. Peut-on être soi-même ? Si le soi est un horizon que je vise, sans jamais l'atteindre jamais (car l'homme ne cesse de devenir : il n'en finit jamais de devenir soi), alors il n'est pas possible d'être soi-même : je ne puis que viser cet être que j'aspire à être.

Le soi est un horizon de fuite : si je m'attache à le déterminer, je m'aperçois de son caractère fugitif et réfractaire à toute détermination univoque, je le saisis de telle manière puis de telle autre, et dans mon devenir même il finit par se laisser saisir autrement qu'il n'a pour un moment été.

En cherchant à le saisir, je ne fais au fond que saisir des soi possibles, ou des vies possibles : jamais le soi, comme unité ontologique de mon être, de mon vécu et des fins que je vise.

Il est vrai que je deviens, que je n'en reste pas à ce qui est et à ce que je suis, mais ce que je deviens, par delà la contingence de mon métier, de mon histoire et de mon vécu en général, cela je ne puis le savoir.

Aussi faut-il en conclure que le soi n'est que l'idée ou l'idéal qui règle globalement et de façon fragmentaire, indécise, ma vie, idée dont je ne puis faire l'économie, sauf à redevenir animal, mais que je ne puis être ce soi.

Etre soi-même ne peut donc être pris comme être, mais comme devenir.

Comme telle, l'expression être soi-même désigne un idéal, non un donné de la subjectivité humaine. Références : lisez l'existentialisme est un humanisme, de Sartre.

En marge du texte, vous trouverez un grand nombre de passages sur le cogito.

Editions Folio Essais. Sujet désiré en échange: Nietzsche. »

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