Qu'est-ce que la maturité ?
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De teneur socratique (“ qu'est-ce que… ”), le thème de cet énoncé s'attache à la tentative de définir la maturité dans son essence.
La
maturité coordonne plusieurs dimensions : elle s'inscrit dans une temporalité, et en tant que telle est à penser comme processus (que
l'atteinte de la maturité soit ou non une étape marquée par une rupture avec un état antérieur) ; ensuite, et comme conséquence de sa
dimension processuelle, elle est extraction de ce qui la précède : la minorité.
La minorité est l'état de tutelle sous lequel se trouve
l'individu encore immature.
Cette extraction de la dépendance tutélaire est opérée par l'éducation.
La maturité engage la question du
savoir.
Mais puisque ce processus d'extraction constitué par une activité de savoir ne saurait concerner des collectivités (bien que certains ont
pu penser l'existence de peuples primitifs au regard de la maturité civilisée), le problème de la définition d'essence de la maturité à
pour foyer l'individualité – c'est-à-dire l'individu comme processus de subjectivisation (devenir-sujet) dans son rapport à la vérité (le
savoir) aboutissant à la détermination de son identité.
Ainsi explicité (individu : temporalité – éducation), le problème de la définition de la maturité peut être développé selon deux enjeux
fondamentaux qui en structurent le développement : premièrement, s'atteler à déterminer l'activité caractéristique de l'état de
maturité, autrement dit penser la maturité comme activité en laquelle se trouvent engagées subjectivité et vérité, ou du moins savoir ;
puis, dans un second temps, rétrocéder au processus qui a rendu possible une telle activité pour en penser la temporalité, ou encore
l'histoire.
I.
La maturité : activité et attitude
En tant que la maturité engage à son principe l'individu dans sa relation au savoir transmis par la tradition et dans l'éducation, son
attitude paradigmatique est concrétisée par la disposition critique cartésienne du début des Méditations.
Descartes, dans sa vaste
entreprise de remise en cause de tout savoir transmis, fait ici figure de l'individu sondant les
fondements des vérités enseignées par les maîtres et rejetant toute argumentation dogmatique,
c'est-à-dire non fondée en démonstration.
La quête d'une certitude ultime ne procède alors plus
de l'obéissance et de la soumission.
L'individu n'est plus sous tutelle d'un quelconque directeur.
Mais si une telle attitude d'examen et de critique doit caractériser l'atteinte du stade de la
maturité, elle reste exclusivement centrée sur l'individu et se conçoit comme réaction envers et
contre toute éducation.
De plus, le rapport à la vérité s'y constitue dans un certain
désengagement de soi-même comme individu éthique dont la valeur identitaire est mise en jeu
par le savoir.
Savoir avec lucidité mais sans pour autant travailler à la constitution et à
l'amélioration de sa propre identité est insuffisant à la définition de l'état de maturité.
Car la maturité, si elle doit passer par une disposition à la critique et à l'examen, ne peut
procéder du simple retrait de toute collectivité pour se destiner à la méditation.
En elle,
l'individu doit s'éprouver dans sa relation à l'altérité des autres et du monde.
Ainsi en est-il de
l'éducation rousseauiste (L'Emile) où la maturité s'inscrit dans un rapport d'éducation de soi à
soi, mais surtout passe par la critique et l'examen de sa propre intériorité (naturelle : le cœur et
les passions) comme gage d'authenticité.
La maturité s'ancre en conséquence dans la
conscience, c'est-à-dire suppose la saisie du soi comme principe de valeur auto-fondé et
dynamique, se réalisant par l'éducation.
II.
La maturité : processus et temporalité
La saisie de soi comme principe de valeur dans l'acte de conscience est de nature réflexive.
Comme telle, elle est le fait d'un sujet se
déterminant lui-même en tant qu'instance d'évaluation discriminante.
Voilà le mouvement de l'Erklärung kantienne : se constituer
comme opérateur critique par l'inspection des conditions de possibilités et surtout des limites du savoir afin de ne plus être docilement
soumis, mais bien d' “ oser savoir ”.
Seul ce mouvement critique de réflexivité puis de constitution de son identité en critère de
détermination de la valeur du savoir peut assurer à l'individu l'extraction de son état de minorité.
Cela semble ici à nouveau ne se construire qu'en des termes négatifs et plutôt faire de la maturité un processus de déconstruction de
l'héritage, certes aveugle.
Mais doit alors être souligné qu'avec Kant, au contraire de Descartes, la mise en jeu du sujet dans son
rapport à la vérité comme procès constitutif de la maturation d'une identité est un engagement moral : la délimitation du savoir doit
assurer la possibilité pour la morale d'exister (limiter la connaissance pour faire place à la croyance).
Le devenir-mature des Lumières
de Königsberg implique la totalité de l'individu sans se restreindre au cognitif.
Raison pour laquelle retour doit être fait aux Anciens : avec les stoïciens (Sénèque, Lettres), la maturité se pense comme processus
réflexif de constitution identitaire de soi.
Réflexif, c'est-à-dire que la maturité est le produit de l'inlassable examen de conscience où le
soi exhibe à lui-même son faire constitutif de son être.
L'économie éthique du soi propre à la maturité s'acquiert dans le rapport
critique au savoir, mais avant tout au savoir de soi.
Ainsi chez Platon (Alcibiade) le gouvernement de soi suppose une réflexivité
engageant le rapport de l'individu à la vérité, à sa vérité, autrement dit à son identité.
Conclusion
-
L'essence de la maturité réside dans l'attitude critique enseignée envers le savoir (de soi).
En conséquence est-elle le
mouvement progressif de constitution de sa propre subjectivité comme identité par et dans le gouvernement de soi : le devenusujet se fait opérateur de véridiction (Foucault, Le gouvernement de soi et des autres)..
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