Pouvons-nous neutraliser tous nos désirs ?
Extrait du document
«
Pour être heureux, disent les stoïciens, il nous suffit de nous rendre totalement indépendants de tout ce qui ne
dépend pas entièrement de nous, indifférents à tout ce qui peut nous arriver.
Or tel est d'abord le cas des besoins,
même quand on les réduit au minimum, comme Épicure le recommande.
La faim, la soif, le froid, la santé, ou même
l'amitié, ne sont pas entièrement en notre pouvoir.
Les stoïciens préconisent en conséquence de nous rendre
indifférents à ce que nous nommerions aujourd'hui nos besoins et nos désirs.
Seul doit nous importer notre désir
d'être indépendants, sereins, et contents, face à ce qui nous arrive et qui ne dépend pas de nous.
Épictète en
indique la raison : « Il y a ce qui dépend de nous, il y a ce qui ne dépend pas
de nous.
Dépendent de nous l'opinion, la tendance, le désir, l'aversion, en un
mot toutes nos oeuvres propres ; ne dépendent pas de nous le corps, la
richesse, les témoignages de considération, les hautes charges, en un mot
toutes les choses qui ne sont pas nos oeuvres propres.
» Pour ne manquer de
rien et devenir l'égal des Dieux, comme l'écrit Descartes faisant l'éloge des
stoïciens, il faut ne rien désirer d'autre que sa liberté intérieure, être
pleinement content de ce qu'on a, et s'accommoder de tout ce qui, en dehors
de nous, est réel et nécessaire.
En définitive, il est indifférent au sage
stoïcien de vivre ou de mourir.
De cette façon, plus rien n'a prise sur lui.
À
l'exception de cette attitude extrême, l'homme est-il condamné à ne jamais
connaître un état de satisfaction pleine et stable ?
Le bouddhisme ou la négation de tout désir.
Le bouddhisme nous propose une sagesse beaucoup plus radicale que celle
d'Epicure.
Les trois premières vérités fondamentales enseignées par le
Bouddha sont les suivantes :
1.
Toute vie est souffrance.
2.
L'origine de la vie et de la souffrance est le désir.
3.
L'abolition du désir entraîne l'abolition de la souffrance.
Nous pouvons présenter ceci par l'équation : vie = Désir = Souffrance.
En effet, il n'y a de vie que par le désir, par le désir farouche de survivre, de se défendre contre les autres vivant,
de se nourrir, de tuer pour cela, comme on le voit chez tous les vivants, les animaux et les hommes.
Le désir
fondamental est donc le désir de persévérer dans son être, lé désir d'être et de persister à être un individu, séparé
et différent du reste du monde, ou, comme disent les Occidentaux, le désir d'individuation.
D ‘autre part, le désir n'est jamais satiable, nous souffrons toujours de désirs inassouvis, que redoublent encore les
douleurs physiques de la maladie et de la vieillesse, qui sont le lot des vivants.
Bref, à regarder les choses
lucidement, la vie est essentiellement faite de souffrance.
Bien rares sont les moments de vraie joie.
Certes, nous
avons l'espoir d'arriver un jour au bonheur par la satisfaction de tous nos désirs : c'est d'ailleurs ce qui nous fait
vivre, mais ce n'est qu'illusion vaine.
Ce qu'il faut donc, c'est arriver à échapper à la souffrance.
Le nirvana, le Karma et la réincarnation.
Comment y arriver ? Comment faire ? La solution s'impose logiquement : il suffit de supprimer en nos tous nos désirs,
y compris notre désir fondamental de vivre et d'être heureux.
Lorsque nous y serons parvenus, nous serons délivrés
du désir, donc de la souffrance.
Nous atteindrons alors à l'état dit de « nirvana », cad de délivrance, qui est
caractérisé comme un état, bienheureux.
Nous voyons que, selon le bouddhisme, il faut tuer en soi tout désir.
Mais
se suicider n'est pas pour autant la bonne solution pour échapper à la souffrance.
En effet, celui qui se suicide le
fait parce qu'il souffre trop de ses désirs inassouvis et par désespoir d'arriver à trouver le bonheur.
Il est donc
encore tout empli du désir de son bonheur personnel.
Dès lors, puisque c'est le désir d'individuation qui produit la
vie, il devra nécessairement revivre, cad se réincarner.
La doctrine orientale de la réincarnation est donc
rigoureusement logique sur ce plan.
Il en va de même pour son corollaire, la doctrine du « karma » (destin), qui est
souvent mal comprise.
Les occidentaux et les religions populaires orientales l'envisagent souvent sous une forme
moralisatrice : si l'on souffre de cette vie, si l'on y est en butte à un destin cruel, c'est que l'on a fait du mal dans
une vie antérieure et qu'on le paie maintenant.
Cette conception suppose une divinité providentielle, qui surveille
nos actes et distribue châtiments et récompenses.
Mais pourquoi alors attend-elle une autre vie ? En réalité la
doctrine du « karma » ne requiert pas l'existence d ‘un tel juge divin.
Elle découle de la logique propre du désir.
En
effet, si l'on meurt avec encore en son âme toutes sortes de désirs inassouvis, de regrets, d'appétits
nécessairement on se réincarne dans un être animé de ces désirs.
Or, plus on a de désirs, plus on souffre.
Le «
karma » n'est rien d'autre que ceci : la souffrance que s'inflige en quelque sorte à lui-même celui qui n'a pas su
surmonter ses désirs dans sa vie précédente.
Dès lors, nos expériences multiples peuvent suivre deux types de trajectoires.
L'une est « descendante » : si en
chacune de nos existences nous accumulons de plus en plus de désirs, nous nous réincarnons chaque fois dans un
être de plus en plus bas, vil, désirant, et souffrant.
C'est ainsi que celui qui est animé de désirs particulièrement
bestiaux finira par se réincarner dans un animal, féroce ou libidineux, et poursuivra sa dégringolade suivant les
degrés de la hiérarchie des êtres.
L'autre direction, « ascendante », appartient à celui qui surmonte peu à peu ses
désirs au cours de ses existences successives.
Dès lors, il se réincarnera dans des êtres de plus en plus nobles, purs
et sages, de moins en moins désirants et souffrants, jusqu'à ce qu'il élimine de lui tout désir et qu'il atteigne le
détachement absolu, le « nirvana ».
Alors son cycle d'existence prendra fin, il cessera de se réincarner et, puisqu'il
aura supprimé en lui le désir d'être un individu séparé, il se réunira avec l'absolu, le « Brahman », et se résorbera en.
»
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