Pourquoi revenir sur le passé ?
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Définition des termes du sujet:
POURQUOI: pour quelle raison, quel motif: raison intellectuelle de parler ou d'agir OU pour quel mobile, force
irrationnelle qui pousse à parler ou à agir.
PASSÉ: Dimension du temps écoulé dans son irréductible irréversibilité.
D'ordre biologique, pulsionnel, social, historique
ou psychologique, le passé pèse sur l'homme dans le sens du déterminisme, mais, il structure aussi activement la
personnalité sans laquelle la liberté serait impossible ou illusoire.
La liberté qui peut d'ailleurs s'exercer à l'égard du passé
lui-même, dans la mesure où le sens accordé au passé reste du choix de l'individu (cf.
Sartre).
Par sa nature même, la
connaissance du passé humain reste, selon les cas, occultée, aléatoire, partielle, subjective, soumise au moment social;
elle laisse ainsi souvent une marge d'indétermination propice aux illusions et à l'action de l'imaginaire.
[Introduction]
Par définition, le passé n'est plus, ou du moins plus intégralement, car sans doute faut-il admettre que quelque chose s'en
prolonge ou s'en maintient dans le présent.
Cela suffit-il pour que l'on ait le besoin, le désir ou même le devoir de revenir
sur ce qu'il fut ? Y a-t-il quelque nécessité ou quelque raison sérieuse qui nous invite ou nous pousse à revenir sur le
passé ? Pourquoi, périodiquement, pouvons-nous en ressentir l'urgence ou l'utilité ? Cette question ne concerne pas le
seul individu, puisque les sociétés dans leur ensemble se montrent également soucieuses d'un tel retour.
Le souci
autobiographique et la recherche historique ne sont peut-être que les formes les plus fréquentes, et donc les plus
aisément acceptées, ou les moins surprenantes, tant elles semblent devenues habituelles, d'une tendance plus générale à
considérer que du passé, il ne s'agit pas de «faire table rase », et qu'il convient au contraire, lorsqu'on est revenu vers ce
qu'il fut ou nous semble avoir été, d'en rapporter quelque chose.
[I.
La présence du passé]
Cette interrogation sur le sens ou la nécessité du fait de revenir sur le passé ne peut sans doute se manifester que pour
une conscience dans laquelle la notion d'histoire et d'un passé en tant que révolu apparaît comme fondatrice de l'existence
elle-même – tant individuelle que collective.
Dans les sociétés à conscience plus orientée par un temps mythique que par la
temporalité historique à strictement parler, le passé est toujours sous-jacent à l'actuel : il le justifie, en formule les valeurs
et le fonde authentiquement.
Aussi ne revient pas sur ou vers lui : bien plutôt lui redonne-t-on périodiquement une
actualité ou une présence pleine par des cérémonies collectives rappelant comment le monde fut ordonné « au début ».
La
société y réactive ses principes et confirme leur durée, c'est-à-dire leur façon d'échapper au temps.
Lorsque le temps est pensé selon une orientation (c'est notamment l'effet du dogme chrétien de la création divine),
l'histoire trouve un rythme, une scansion, qui fait du passé une réalité en constant éloignement, et dont la signification
peut devenir énigmatique.
Pour les Grecs, l'histoire ne présente guère de sens global : elle est une suite d'événements
entre lesquels il est à peu près impossible de repérer un ordre rationnel.
Ce n'est qu'avec les historiens marqués par la
christianisation que se manifeste la possibilité d'un sens de l'histoire, qui soit à la fois une orientation linéaire et une
signification.
Il n'empêche que le passé, tout en étant aboli, reste d'une certaine façon présent, ne serait-ce que parce que ses
conséquences peuvent venir influencer le présent.
Saint Augustin évoque ainsi un triple mode du présent ou de la
présence : il y a le présent du passé, le présent du présent et le présent de l'avenir, puisque la conscience s'ouvre sur ces
trois aspects, et se montre capable d'être préoccupée de manière égale par leurs apports.
Si, pour l'individu, le présent du
passé renvoie à la mémoire, la société doit se composer une sorte de mémoire collective : l'histoire en tant que récit
explicatif.
[II.
Les attentes à l'égard de l'histoire]
On peut ainsi considérer que la raison la plus élémentaire pour revenir sur le passé réside dans le souci de mieux
comprendre l'origine du présent.
Ce qui renvoie à tout autre chose qu'une simple série d'anecdotes si l'on admet, de
manière un peu hégélienne, que «être c'est avoir été» : c'est alors très radicalement que le passé nous constitue, puisque
c'est sur ce que nous fûmes que repose notre être actuel, et le connaître, c'est savoir non seulement d'où l'on vient, mais
aussi ce que l'on est.
De ce point de vue, l'histoire peut révéler aussi bien la grandeur que la médiocrité du passé : si elle autorise une
appréciation du chemin accompli, elle peut légitimer la fierté, mais aussi la mauvaise conscience.
Les débats qui agitent
périodiquement l'actualité dans les médias montrent qu'une société ne connaît jamais assez son passé, et notamment le
plus proche, et qu'elle peut dès lors se faire quelques illusions, tant sur ce qu'elle a accompli que sur les qualités qu'elle se
reconnaît ordinairement.
On constate aisément que les actions les moins honorables cherchent à ne pas être
publiquement étalées : ce qui est vrai pour un individu l'est peut-être encore davantage pour une collectivité.
Et si les
Français par exemple ont pendant longtemps méconnu (préféré méconnaître ?) la réalité des événements concernant la
Résistance et la Collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale, on peut admettre que cette « tache aveugle » de leur
mémoire collective a eu quelques conséquences, non seulement sur leur connaissance des événements en question (ce
qui pourrait ne pas être dramatique : nul n'est sensé tout savoir), mais aussi sur leurs opinions politiques.
Ce qui est sans
doute plus grave, si l'on conçoit que peut alors se produire l'équivalent d'un « retour du refoulé » : des débats non clarifiés
risquent de produire des effets névrotiques faussant la perception du présent lui-même.
Revenir sur le passé peut donc concerner le présent lui-même.
C'est en ce sens qu'un travail d'anamnèse authentique est
toujours nécessaire si l'on veut en finir avec les conflits ou les situations mal réglées.
Le repérage des responsabilités peut
être douloureux, il n'en a pas moins l'avantage de libérer la conscience du poids de ce qui n'est pas formulé.
Ce n'est en
fait qu'en revenant sur le passé, pour l'analyser entièrement et comprendre ce qu'il pouvait avoir de négatif, qu'on
l'empêche de continuer à influencer le présent.
Si, pour certains, la déstalinisation reste inachevée (ce qui signifie que le
stalinisme peut continuer « par d'autres moyens »), c'est précisément parce qu'elle n'a été opérée qu'à peu de frais, de
manière superficielle et en se contentant des explications les plus simplistes..
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