Pourquoi parle-t-on ?
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ANALYSE DU SUJET
Remarquer qu'on ne dit que des hommes qu'ils «parlent» (même si l'on peut admettre, en un certain sens, qu'il existe
des langages « animaux»).
Il sera donc opportun de s'interroger sur le fait que seuls les hommes « parlent ».
Remarquer également que la question «pourquoi» est quelque peu équivoque.
En effet elle peut signifier : « dans
quel(s) dessein(s) parle-t-on ? » aussi bien que « quelles sont les conditions spécifiques qui font que l'on peut parler
? ».
Pourquoi, c'est-à-dire : dans quel but ? pour quelle finalité ? pour quelle raison ? La parole est-elle orientée vers une
finalité ou une fonction précise ? Par exemple, la parole serait-elle née du besoin ? On peut encore se demander
pour quelle raison nous parlons.
Et il s'agirait alors de montrer que la parole est une aptitude spécifiquement humaine
: nous parlons comme dit Descartes précisément parce que nous sommes des êtres de raison, autrement dit des
êtres qui pensent et qui sont conscience.
Dans la Lettre au Marquis de Newcastle, Descartes explique que si les
animaux étaient capables d'exprimer leurs passions et besoins, alors ils seraient capables d'exprimer leurs pensées
s'ils en avaient.
S'ils ne le font pas, c'est bien qu'ils ne pensent pas.
Si donc nous, en tant qu'êtres humains, nous
parlons, c'est alors pour dire que nous sommes humains et exprimer notre pensée, notre humanité.
Si l'homme s'est
mis à parler, c'est sans doute parce que pour survivre à un moment ou à un autre il a été nécessaire de
communiquer avec les autres, d'échanger.
Si nous parlons, c'est pour signifier notre humanité sociale : l'homme a
besoin des autres.
L'homme parle pour lui- même et ce faisant il parle pour les autres.
La parole est pour l'homme
davantage qu'un moyen d'exprimer ses pensées, sa pensée, de communiquer avec autrui présent : la parole est le
lieu de transmission de l'humanité, du passage de la nature à la culture.
Mais on peut également se demander si le
langage est si efficace qu'il pourrait l'être.
Il existe toute une série d'expressions du sens commun qui marquent une
dévalorisation de la parole : des " paroles en l'air ", " ne pas avoir les mots pour le dire ", " se payer de mots ", moins
de paroles et plus d'actes.
Mais il ne faut pas confondre systématiquement la dévalorisation de la parole et celle du
langage.
Parler, c'est agir le langage, le mettre en bouche et en acte.
Ce passage à l'acte modifie le langage, et
c'est peut-être aussi sur cette modification que porte le soupçon.
Il faut étudier les rapports présents dans l'acte
du langage.
Parler, c'est parler à quelqu'un.
Pourquoi aller parler à quelqu'un ?
Introduction
-Parler, c'est produire par la voix un certain langage, dans une langue donnée ; et une langue, c'est un système de
signes linguistiques organisés ; il n'y a donc de parole que selon un langage articulé et symbolique (cf.
Aristote, De
l'Interprétation, 1).
-Comme le remarque Aristote, le langage articulé est le propre de l'homme ; il est donc naturel, si l'on veut
déterminer les raisons de la faculté humaine de la parole, de voir ce qui constitue encore le propre de l'homme.
-Selon Aristote, deux autres caractéristiques sont définitoires de l'homme, et ce qu'elles lui appartiennent en propre
: sa nature socio-politique, et sa nature rationnelle.
-Ainsi, le langage humain tient-il à la nature socio-politique et rationnelle de l'homme ? Ou bien faut-il en rechercher
la cause en amont de ces caractéristiques ? Le langage ne constitue-t-il pas une faculté qui dépasse les autres
carctéristiques propres de l'homme, tout en les fondant ?
I.
La parole constitue la conséquence de la nature politique de l'homme (Aristote).
Aristote (Politique, I, 2) : l'homme est le seul animal à avoir la parole ; tandis
que les animaux peuvent utiliser les sons de la voix pour exprimer la douleur et
le plaisir, l'homme possède la parole (logos), qui lui permet d'exprimer l'utile et
le nuisible, ainsi que le juste et l'injuste.
L'homme est le seul animal à
posséder les valeurs politiques, celles-là mêmes qui sont traduites dans le
langage articulé, et c'est la possession commune de ces valeurs, transmises
et exprimées par le langage, qui constitue une cité, c'est-à-dire une
communauté politique.
Ainsi, le langage a une nature profondément politique :
on parle pour partager des valeurs "politiques" (au sens où la justice constitue
une vertu, par exemple, qui assure la bonne tenue de la cohésion sociale),
dont le langage constitue le principal vecteur.
Par suite, un homme est un
homme parce qu'il vit en communauté (sans quoi, selon Aristote, il est soit
une bête, soit un dieu), et donc parce qu'il parle, puisque la parole est d'ellemême le signe de la nature politique de l'homme : il n'y a de parole que parce
qu'il y a échange, et la condition principielle de l'échange, c'est le vivreensemble.
II.
Mais il n'y a pas de parole sans cohérence et sans rationalité : on
parle aussi et surtout pour penser (Descartes).
Tous les hommes sans exception, même fous ou stupides, sont capables de
parler ou d'employer des signes pour faire connaître leur pensée.
Au contraire, il n'existe aucun animal qui soit.
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