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Peut-on se reconnaitre soi même ?

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« L'intitulé articule trois notions pouvant servir de matrice à la réflexion : l'identité (la subjectivité réflexive du " soi-même ") – la temporalité (le re- de " reconnaître ") – le pouvoir (la mise en jeu de la (re)connaissance comme possibilité dans le " peut-on ").

Le " on " figure la concrétion de ces trois dimensions en ce qu'il est, comme sujet de l'énoncé, transversal à la triple réflexivité du " se ", du " re- " et du " -même ". Le problème posé par ce sujet peut consister en la légitimité de l'association-identification du " on " comme " soi-même " dans une relation cognitive, c'està-dire dans la relation réflexive à soi comme même.

Relation cognitive dans laquelle le savoir met en jeu un certain pouvoir en tant qu'il est la mise en œuvre d'une rationalité critique et exclusive, autrement dit d'un pouvoir de distinction (krinein) permettant la reconnaissance et le rejet du non-même. Trois enjeux peuvent alors structurer la trame du développement : le rapport du " on " au soi proposant le thème de l'altérité ; la temporalité comme lieu de la répétition du déjà de la reconnaissance ; la structure de la réflexivité plurielle comme espace de manifestation du pouvoir de la rationalité. I.

Identité : le " On " e(s)t le Soi Dans la notion de soi du " soi-même " s'inscrit la question de l'identité d'une subjectivité réflexive, d'une subjectivité qui se saisit comme étant le même d'elle-même.

Le soi du " soi-même " fonde la possibilité de l'identité dans la réflexivité.

Sans supposer de référent substantiel et pérenne [Ricœur, Soi-même comme un autre], l'ipséité engage la possibilité de l'identification par distinction exclusive du différent : le même se saisit comme même en excluant l'autre. Dès lors quelle est la condition de possibilité d'instanciation du soi en le " on " qui se constitue dans l'énoncé où s'entremêlent l'impersonnalité indéfinie (le " on ") et l'intimité du soi rendue inexpugnable par la réflexivité (le " soi-même ") ? Ainsi faut-il penser la dialecticité de cette relation d'altérité, lorsque l'autre extérieur du " on " se réduit par intégration en l'intimité intérieure du soi. Cette relation dialectique implicite subsumant le " on " (adresse anonyme de l'énoncé) en l'ipséité, comme condition de la réflexivité de l'identité, procède de mouvements selon deux dimensions distinctes : la spatialité et la temporalité.

La spatialité est la scène de l'ex-stase sur laquelle le soi s'extrait de luimême en l'autre anonyme pour se reconnaître (de l'extérieur).

Se saisissant comme le même de soi depuis l'ailleurs (de soi), le soi peut penser l'extension de la relation de mêmeté à l'autre par analogie, et transférer au " on " le pouvoir de réflexivité.

Dans sa dimension temporelle, la relation d'altérité consiste en un acte de pro-jection vers l'autre (l'analogie) dans une distance dont le soi pensant le " on " suppose la réductibilité, voire l'extinction comme effacement de la différence du soi à l'autre permettant la pensée du " on " (dans son identité réflexive).

L'ipséité, dont procède l'anonymat du sujet de l'énoncé, exprime ainsi à son principe une relation réfléchie à l'identité que l'on reconnaît.

Dire le même du soi exige toujours déjà la possibilité de sa reconnaissance (réflexive). II.

Temporalité à venir La temporalité du mouvement de la pro-jection est celle de l'avenir en tant qu'elle est geste au devant vers l'autre dont le soi voudrait abolir la différence pour que le " on " soit comme pure réflexivité indistincte (en tant que possibilité de réflexion) du soi.

Le " re-connaître " est ce mouvement-geste qui tend à abolir au futur la distance de la séparation intervenue avec l'ex-stase pour réunir dans la sphéricité close de l'identité à soi l'autre et le même. En conséquence, comment penser le pouvoir (jeu de force) mis en œuvre par l'acte de ou du " reconnaître " ? Dans l'acte de la reconnaissance, où s'opère un mouvement de rétro-référence selon un processus d'extraction (de soi) et de retour (à soi), le soi comme même ouvre la scène de la représentation (autrement dit, conditionne la possibilité d'identité réflexive plus haut mentionnée) dans sa propre reconnaissance réflexive comme principe.

Outre qu'il est la condition de possibilité de la reconnaissance, le soi du " soi-même " est, en tant que principe auto-institué (principe auto-posé ou préposé, auto-présenté comme sous-jacent [le Worüber fondamental de Heidegger – in Chemins qui ne mènent nulle part, " L'époque des conceptions du monde "]), le principe transcendant de l'objectivité. Pouvoir se reconnaître, c'est-à-dire être un soi qui se saisit et se sait comme même constitue ainsi la possibilité de la connaissance de l'autre, alors distingué mais non exclu.

En conséquence, vouloir savoir si l'on peut se reconnaître soimême présuppose que l'on se soit reconnu soi-même puisque la reconnaissance de soi comme même est la condition nécessaire à la connaissance de toute chose et de l'autre, y compris la connaissance de la possibilité de la reconnaissance. III.

Structure du " pouvoir " Le futur de la projection s'inscrit dans la temporalité de l'à venir comme lieu de la possibilité de la répétition du déjà.

Et le déjà de la répétition est dans la reconnaissance le maintenant d'une réflexivité par le futur (pro-jection).

La structure double de la réflexivité (l'espace de l'ex-stase et le temps dans ses trois dimensions) trouve son fondement dans le principe transcendantal (le soi du " soi-même ") comme point nodal (la duplicité réflexive s'y conjoint) de son pouvoir (il est le peut du " peut-on "). Le " se " du " se reconnaître " manifeste la concrétion de ce principe.

Quelle est la teneur de ce maintenant de la reconnaissance condensée dans le " se " réflexif de l'infinitif qui ne fait qu'accentuer l'intensité de l'identité déjà convoquée dans le " même " du " soi-même " [Ricœur, op.

cit.] ? Voilà constitué le problème de l'objet de la saisie du " se " dans la reconnaissance et l'identité. Ce problème résume le paradoxe d'un énoncé en apparence tautologique : il s'agit de reconnaître (autrement dit de penser l'identité au même) la possibilité du même – la réflexivité du " se " consistant en le soi du " même ".

C eci exprime une tension aux limites mêmes de la pensée qui, de cette confrontation, ne peut que confesser l'impuissance à justifier le fondement (auto-institué) puisque ce qui est à reconnaître comme fondement (de la possibilité) de la reconnaissance est lui-même hors du monde de la reconnaissance, hors de la scène de la représentation [Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 5.6sq].

Le mouvement duplice de la réflexivité (temps et espace) implose avec le surajout de " se ", fragmentant ainsi la possibilité de saisir le soi comme soi-même dans la réflexivité d'une reconnaissance.

Seuls s'atteignent dès lors les mouvements de différence ou différance en lesquels se dissout le soi du " soi-même " lorsqu'il tend à son principe antérieur à sa rationalisation dans le même : la philosophie se pense ici " dans la terreur avouée d'être fou " [Derrida, L'écriture et la différence, " Cogito et histoire de la folie]. Conclusion Le problème de l'énoncé a consisté en la diffraction temporelle et spatiale de la possibilité de la réflexivité à partir de l'accouplement conflictuel du " on " au " soi-même " – résumant simplement le problème de l'identité du locuteur de la question.

La résolution de la tension entre le " on " et " soi-même " manifeste l'opérateur de discrimination rationnel qu'est l'acte de réflexivité (résorption de la différence et exclusion du non-rationnel ou condamnation au silence du hors-scène de la représentation) – qui n'est autre qu'un des avatars du logocentrisme dont la métaphysique est déconstruite par Derrida.

En opposition à cette constitution mythique de la réflexivité conduisant à l'aveu de ses limites et de son impuissance peut être entreprise une enquête archéologique et historicisante de la constitution de la réflexivité subjective en termes de complexes de pouvoirs-savoirs (Foucault, L'archéologie du sujet).. »

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