Peut-on réduire la morale aux moeurs ?
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«
Peut-on réduire la morale aux mœurs ?
La complexité d'une telle question réside évidemment dans la définition des termes « morale » et « mœurs ».
Car si
la morale apparaît comme une notion éminemment philosophique, il semble que les mœurs renvoient davantage à des
questions d'ordre sociologique ou anthropologique.
Néanmoins, si la question d'une réduction de la morale aux mœurs
se pose, c'est qu'une confusion repose sur l'acceptation de ces termes.
Il apparaît donc nécessaire , dans un
premier temps, d'essayer de définir ces notions qui semblent a priori si proches.
Les mœurs, (du latin mores) désignent en général les pratiques sociales, les usages communs à un groupe, un
peuple ou encore une époque.
Elles constituent en ce sens un ensemble de règles établies selon les habitudes du
groupe en question.
Nous voyons déjà, à travers cette définition que les mœurs sont relatives à la société qui les
adopte.(le terme de société devant être compris ici dans son sens large d'association de personnes réunies selon
des intérêts communs)
Or, peut-on soumettre la morale à un tel « relativisme » ? Il semble au contraire que la morale, loin de répondre à
des besoins particuliers, définisse au contraire un ensemble de règles universelles, soumises non pas aux intérêts
particuliers mais plutôt au bien commun.
En ce sens la morale peut être rapprochée de l'éthique.
Mais si certains philosophes ont établi clairement la distinction entre ces deux termes, il semble que pour certains,
morale et mœurs soient intimement liés.
Il s'agit donc de comprendre quels sont les enjeux de la relation entre
mœurs et morale.
I/ Nietzsche : le ressentiment comme origine des valeurs morales
La conduite morale des individus répond, selon Nietzsche à ce qu'on pourrait
appeler la nature même des individus.
La morale n'est alors plus le point
d'encrage sur lequel pourront s'établir les conduites individuelles.
Elle ne
devient que la réponse à un processus de hiérarchie sociale.
Pour illustrer cette idée, Nietzsche, dans La généalogie de la morale utilise
l'exemple du maître et de l'esclave.
Il considère que la morale est une
entreprise qui trouve sa source dans le ressentiment des esclaves à l'égard
des maîtres.
En effet, en étant faibles et incapables d'affirmer quelque chose
de vraiment positif, les esclaves se trouvent soumis aux maîtres, non pas
seulement en tant que détenteurs du pouvoir mais parce qu'ils sont
créateurs.
Etant eux-mêmes dans l'incapacité de créer positivement, les
esclaves demeurent dans une passivité négative qui consiste à réagir plutôt
qu'à agir.
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est cette réaction
négative qui est à l'origine des valeurs morales.
« La morale des esclaves a
toujours et avant tout besoin, pour prendre naissance, d'un monde opposé et
extérieur.
»
Car à la vue des maîtres, les esclaves ne peuvent que ressentir un sentiment
d'amertume, de rancœur, de rancune lié à leur situation d'infériorité.
Et c'est
ce ressentiment même des esclaves à l'égard des maîtres qui est, selon
Nietzsche à l'origine des valeurs morales.
II/ Rousseau : les mœurs comme conduites individuelles répondant à
une morale universelle
S'il est vrai que les mœurs d'une société constituent l'ensemble des habitudes
et des usages de celle-ci, il semble qu'elles ne doivent pas nécessairement
répondre à impératif moral.
Des règles peuvent être établies « par habitude »
et non en vertu de ce qui est juste ou bien absolument.
Les mœurs ne
deviennent dès lors que le fruit de coutumes instaurées par l'histoire, c'est à
dire par le vécu d'une société donnée.
La morale quant à elle, exige que les particularités disparaissent, que les
actions individuelles se soumettent à une volonté générale, à une obligation
morale universelle.
Il faut donc que la morale dépasse les volontés particulières, l'égoïsme des
individus pour prétendre s'élever vers la volonté générale et le bien commun.
Si elle est accomplie sous le règne de la vertu, la volonté générale peut alors
s'incarner dans l'obligation morale, c'est à dire « selon la loi du devoir »
(Discours sur l'économie politique).
Car pour Rousseau, c'est cette obligation
morale qui doit être au fondement de la politique, les mœurs n'étant que
l'application de cette loi du devoir (qui est universelle), que des conduites
individuelles obéissant à unordre moral.
Il y a donc pour Rousseau une unité profonde de la morale et de la politique,
c'est à dire de la distinction universelle entre le bien et le mal et de son
application « particulière » dans toutes les sociétés existantes.
« [ …] parmi cette prodigieuse diversité de mœurs et
de caractères, vous trouverez partout les mêmes notions de bien et de mal.
» ( Emile ou de l'éducation).
»
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