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Peut-on penser ce qu'on ne saurait pas dire ?

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« Il est courant de dire, tel Descartes, que le langage n'appartient qu'à l'homme parce qu'il est le seul à penser.

Cette idée fait donc de la pensée la condition nécessaire au langage.

Mais il s'agit de voir ici si ce n'est pas l'inverse qui a réellement lieu, à savoir si le langage n'est pas la condition de la pensée.

Le mot "pensée" ne renvoie pas à un sens constant et unique.

Il peut en effet au sens large définir l'ensemble des phénomènes produits par l'action de l'esprit et dans un sens restreint aux phénomènes de la connaissance.

Au sens large, comme vécu de l'esprit, il semble que la pensée préexiste au langage, qu'elle lui donne quelque chose à dire.

Le langage ne serait alors que l'expression extérieure d'une pensée.

Comment en effet une pensée personnelle subjective pourrait n'être que des mots généraux et objectifs? D'un autre côté peut-on vraiment dire qu'une pensée qui ne peut être exprimée à autrui, qui ne peut être dite est vraiment une pensée? N'est-elle pas qu'une vague perception? Dès lors, le langage n'est-il que penser? L'homme ne peut-il pas signifier par d'autres moyens? La pensée comme totalité de la conscience existe avant tout langage "Tous les hommes de sciences ont dû ...

prendre conscience de ce que leur réflexion au niveau profond n'est pas verbale...

On sait que de nombreuses observations objectives prouvent que chez l'homme les fonctions cognitives, même complexes, ne sont pas immédiatement liées à la parole." Jacques Monod, Le hasard et la nécessité Descartes donne une acceptation très large : penser, c'est aussi bien douter, comprendre, porter de jugements qu'imaginer ou sortir.

La pensée chez lui se confond pratiquement avec la conscience.

La pensée peut donc être considérée comme le flux de la conscience et dans ce sens là elle peut exister sans mot sous la forme de conscience immédiate. Ainsi les sentiments font parti de cette conscience et il est possible de ressentir un sentiment, une émotion avant de pouvoir la verbaliser.

Il est même possible qu'un ressenti ne trouve pas de mots pour s'extérioriser.

Il me faudra trouver les mots et si je cherche mes mots, c'est que la pensée précède le langage. Pour Bergson, les mots sont distincts, juxtaposés, généraux et ils ne peuvent rendre compte de toute la vie de nos pensées, sa continuité et son originalité. « Chacun d'entre nous a sa manière d'aimer et de haïr et cet amour, cette haine reflète sa personnalité tout entière.

Cependant, le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n'a-t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine et des mille sentiments qui agitent l'âme ». Le langage sert à chaque individu pour trouver son rôle et sa place dans la société.

Les signes du langage sont à la fois généraux et mobiles.

Ils permettent aux objets de passer de l'ombre à la lumière, ils les font devenir choses. Mais pratiquant le langage, l'intelligence applique des formes qui sont celles-mêmes de la matière inorganisée.

Le langage pétrifie le monde, le durcit en le découpant en fonction de nos besoins et de nos habitudes.

De par sa généralité, il use des mêmes vocables, pour ce qui, chez chacun, est pourtant un état psychologique ou un sentiment unique.

Chacun de nous a sa manière propre d'aimer et de haïr, et pourtant, nous sommes obligés de parler tous le même langage.

Il ne peut donc que fixer l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, ou de tout sentiment qui nous traverse.

La pensée authentique demeure donc incommensurable au langage, dans lequel nous associons nos idées en les juxtaposant les unes aux autres, sans pouvoir exprimer leur compénétration ni leur lien intime.

Alors que les idées s'engendrent les unes des autres de manière vivante, le langage ne peut faire autrement que les accoler les unes derrière les autres.

A l'égard du monde, les mots sont comme des étiquettes que l'on collerait sur les objets, et qui tout en les nommant, les dissimulent.

Tous les mots, à l'exception des noms propres désignent des genres, soit des généralités. Le passage de la pensée au langage est un passage de l'immédiat du vécu de la conscience au médiat du langage et du particulier au général. La vraie pensée est structurée à partir du langage Pourtant il semble impossible de formuler une idée claire sans mot et l'intellectualisme est une doctrine qui postule que le sens est le privilège de la raison et ne peut se former sans langage. Ainsi pour beaucoup de philosophes, la pensée doit s'incarner dans les mots.

Sans eux, la conscience de l'individu reste une vague sensation, un flou dans lequel aucun sens ne peut apparaître.

Ainsi, pour Rousseau, sans le mot la pensée ne peut naître Dans la même optique, Saussure (un linguiste) affirme que la pensée ne serait nébuleuse sans rien de délimité avant l'apparition de la langue.. »

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