Peut-on parler de tout et de rien ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
Définition des termes et problématisation : Parler possède plusieurs synonymes qui permettent de souligner
ses différentes acceptions.
Ainsi parler c'est dire, énoncer, discourir mais aussi discuter, communiquer, converser et
enfin il peut être synonyme de bavarder.
Nous pouvons donc en dégager trois sens.
Parler signifie tout d'abord
produire un discours raisonné sur un sujet déterminé (parler de quelque chose).
Il signifie d'autre part un échange
d'informations, il implique donc une relation avec une ou plusieurs personnes et pour que l'échange ait lieu il faut que
le discours du locuteur soit intelligible par les auditeurs (parler avec quelqu'un).
Ces deux premiers sens se
rapprochent dans la mesure où ils exigent la production d'un discours ayant une signification communicable.
Le
dernier sens contraste avec les deux autres parce qu'il identifie la parole au verbiage, c'est-à-dire au fait que le
locuteur utilise beaucoup de mots pour exprimer une pensée pauvre.
C'est en ce sens que l'on entend l'expression
« parler pour ne rien dire ».
Les deux autres termes importants du sujet sont « tout » et « rien ».
« Tout » peut être
pris en deux sens : soit il correspond à une collection d'objets ou d'individus soit il est compris comme ce qui
comprend toutes choses et donc ne laisse rien en dehors de lui, dans ce cas il est dit achevé.
« Rien » peut
également être pris en deux sens, il signifie soit ne pas être réel et dans ce cas il pourra englober les êtres
imaginaires et les concepts qui n'ont pas d'existence hors de nous, soit il signifie ne pas être du tout et dans ce cas
il est synonyme de néant.
Le sujet nous demande de nous interroger sur la possibilité ou l'impossibilité de parler de
tout et de rien, et sur la signification que pourrait avoir cette activité.
Or cette expression prise non exclusivement
comme bavardage, est problématique.
Tout d'abord parce que la parole suppose un objet précis et singulier qui
puisse être saisi par l'auditeur.
Si l'objet est imprécis alors il y aura un défaut de signification et donc de
communication.
Cette expression est problématique dans un second sens.
Le fait de parler en effet peut-il être sans
objet ? Il est impossible de dire ce qui n'est pas parce qu'à partir du moment où l'on produit un discours sur lui il
devient quelque chose.
PLAN DETAILLE
Première partie : Le sophiste est la figure de celui-ci qui prétend parler de tout et de rien mais dans ce cas
parler doit être compris dans le sens de bavarder car il ne s'agit alors ni d'énoncer un discours sensé sur tel ou tel
objet ni de communiquer des informations sur telle ou telle chose mais simplement de parler pour ne rien dire.
1.1 Le sophiste prétend pouvoir parler de tout mais en réalité ne parle de rien parce qu'en prétendant tout
connaître il ne connaît rien.
« Le sophiste est donc celui qui possède une sorte de science de l'apparence sur toutes choses, mais non la
vérité.
» PLATON, Le Sophiste, 233 c.
1.2 Le bavardage est l'indice d'un discours creux, vide de sens.
Il tente l'homme parce qu'il lui permet de se
divertir et d'échapper aux interrogations, sur la mort par exemple, qui troubleraient son repos.
« Que de menues et méprisables bagatelles tentent chaque jour notre curiosité ! Et qui pourrait énumérer nos
chutes ? Que de fois, quand on nous raconte des balivernes, nous commençons par les souffrir pour ne point
offenser la faiblesse d'autrui, et puis peu à peu nous y prêtons une attention complaisante.
» SAINT AUGUSTIN,
Confessions, X 35.
Transition : Le sophiste rend effective la possibilité de parler de tout et de rien mais cette réponse reste
insatisfaisante parce que le verbe parler n'est pris que dans le sens de bavarder.
Il faut donc interroger ses deux
autres acceptions ainsi que les deux autres notions que sont le « tout » et le « rien ».
Deuxième partie : L'homme ne peut parler de tout car il y a de l'indicible, il ne peut non plus parler de rien
car tout discours porte nécessairement sur quelque chose de déterminé.
2.1 Le pouvoir du langage est limité : le sentiment est indicible.
Le deuxième sens de parler fait alors défaut :
communiquer.
« Ainsi chacun de nous a sa manière d'aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité
tout entière.
Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n'a-t-il pu
fixer l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l'âme.
Nous jugeons
du talent du romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait fait descendre,
des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur
primitive et vivante individualité.
Mais de même qu'on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions
d'un mobile sans jamais combler l'espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul, que nous
associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓