Peut-on parler de tout ?
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«
Introduction
Le langage peut caractériser, en un sens large, tout système de signes pouvant servir au moyen de
communication.
Le langage est une fonction d'expression verbale de la pensée, soit intérieure, soit extérieure :
« L'intention de parler, qui n'est point nécessairement langage, pas même langage intérieur, aboutit au langage
intérieur ou à la parole » (Delacroix, Le langage et la pensée).
En ce sens, langage s'oppose à la parole, en tant que
par parole, on entend exclusivement le langage extérieur, comme l'indique aussi cette phrase de Delacroix : « Le
langage intérieur n'est pas nécessaire à la parole ».
L'intériorité, qui peut évoquer bien des choses que la parole ne
peut restituer (sentiments, intuitions, etc.), soulignera peut-être la caractère inachevé du langage qui ne peut tout
exprimer.
Dès lors, après avoir réfléchi sur la nature fonctionnelle du langage, peut-on lui attribuer un droit à pouvoir
signifier l'ensemble des faits physiques et psychiques, voire métaphysiques ?
I.
naturalité ou conventionalité du langage ? (le Cratyle)
Le Cratyle de Platon est un dialogue sur la correspondance entre mots et choses.
Ainsi on se demande si les mots sont conformes aux choses qu'ils désignent, et
comment ? La première thèse (celle de Cratyle) propose qu' « une juste dénomination
existe naturellement pour chacun des êtres » (383a-b).
Cela implique un présupposé,
selon lequel les mots désignent les choses (et parler est un acte qui concerne les
choses).
Mieux, s'il n'est autre que l'imitation vocale de l'objet imité, son image
graphique ou vocale, alors, il imite l'essence des choses.
Etant « juste », c'est-à-dire
approprié à la nature de l'objet qu'il désigne, il nous dévoile ce qu'elles sont, nous les
fait connaître.
Les mots sont donc faits pour nous instruire sur la réalité.
Les
onomatopées sont ainsi l'exemple type du mot (mot dont la prononciation rappelle le son
produit par l'être ou la chose qu'il dénote).
Par exemple, les « r » sont propres à rendre
les sortes de mouvements (426c), les « l », les glissements, etc.
Le mot « nuage »
refléterait, par sa forme, et sa sonorité, le contour vague ou la consistance cotonneuse
de la chose correspondante.
La seconde thèse (celle d'Hermogène) affirme qu'il existe
une conformité entre les mots et les choses, mais qu'elle n'est pas naturelle.
Les noms ou les mots sont des
conventions, fondées dans la volonté des sujets individuels.
Nous sommes individuellement libres de faire signifier
aux mots que nous employons les idées que nous voulons.
La convention (de « convenire » : venir ensemble),
caractérise l'accord officiel passé entre les hommes.
Je décrète que le mot « chaise » n'est pas naturel.
Ce débat
insiste alors sur l'équivocité du pouvoir du langage, puisqu'il peut être ramené à deux sources opposées.
II.
Le langage doit refléter la structure des faits (Wittgenstein)
Pour Wittgenstein, le seul langage pourvu de sens est celui qui produit une image du monde, c'est-à-dire dont
la forme logique reflète la structure des faits.
L'auteur postule, en effet, que tout fait est exprimable par une
proposition obtenue en combinant des liaisons de propositions « atomiques » (thèse de l'atomisme logique) et dont
la valeur de vérité ne dépend que de celle de ses ultimes composantes (thèse d'extensionnalité).
Cette forme
logique joue le rôle d'un système universel de référence dont la « géométrie » délimite nécessairement et a priori les
structures d'un monde possible.
Ces contraintes, qui sont donc à la fois celles du langage pourvu de sens (de la
pensée) et du monde, sont manifestées par les tautologies du calcul des propositions.
Wittgenstein est l'inventeur
d'une présentation significative des liaisons propositionnelles au moyen de « tableaux de vérité ».
Le fait lui-même
est défini comme « existence d'états de choses » et un état de choses est une « combinaison d'objets » : l'objet,
ou chose, n'apparaît donc pas dans le Tractatus comme une entité concrète présente hic et nunc ; c'est le nœud
de toutes les combinaisons virtuelles auxquelles il peut participer pour constituer des états de choses.
Le fait était
plongé dans l'« espace logique » déterminé par les tautologies ; la chose est, elle aussi, plongée dans un espace
logique qui délimite a priori et nécessairement les types d'états de choses dans lesquels elle peut entrer.
Mais
l'auteur du Tractatus ne développe qu'une logique des faits, le calcul propositionnel, et ne dit rien de cette logique
des choses dont il affirme pourtant l'existence.
Puisque tout discours pourvu de sens exprime des faits, on ne
saurait concevoir de langage correct portant sur les lois mêmes du langage : la logique ne peut que se montrer, non
se dire.
De cette limitation intrinsèque du langage découle un autre interdit : le sens global du monde et de ma
situation dans le monde, n'étant pas de la nature d'un fait, échappe au discours correct.
Ainsi, l'éthique,
l'esthétique, la métaphysique ne peuvent donner matière à une expression véritable ; et philosopher, c'est
finalement parvenir à reconnaître l'obligation du silence.
III.
contemplation esthétique et disposition mystique (l'effacement de la parole)
a .
Le mystère de la beauté interroge celui de l'union de l'âme et du corps, le mystère du connaître, de
l'espérance, le mystère de l'amour, de la présence, de l'être.
Selon Gabriel Marcel « Quand je dis qu'un être m'est
donné comme présence ou comme être (cela revient au même, car il n'est pas un être pour moi s'il n'est une
présence), cela signifie que je ne peux pas le traiter comme s'il était simplement posé devant moi ; entre lui et moi
se noue une relation qui, en un certain sens, déborde la conscience que je suis susceptible d'en prendre ; il n'est
plus seulement devant moi, il est aussi en moi ; ou plus exactement, ces catégories sont surmontées, elles n'ont
plus de sens.
» On pourrait croire, en lisant par exemple tel traité de scolastique sur le statut de l'art humain, que
toute œuvre, à condition d'être belle, participerait de la Beauté considérée comme qualité transcendantale et ainsi
travaillerait à « exprimer » le divin, tout simplement.
Et telle serait la teneur « théologique » de toute création.
»
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