Peut-on faire la paix ?
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APPROCHE
Bien lire le sujet : le sujet tel qu'il est formulé appelle un traitement vaste où il sera bon de songer, par exemple, à la paix
de l'âme.
Par ailleurs, bien qu'une réflexion sur l'actualité soit utile, il conviendrait de ne pas tomber dans le travers du
point de vue journalistique qui masquerait une véritable pensée philosophique.
Un point de départ à discuter : la paix est une notion difficile à définir.
On pourra ainsi la comprendre dans un premier
temps comme absence de guerre, pour essayer ensuite de la fonder plus solidement.
Recherche du problème : comme absence de guerre, la paix reste conçue négativement.
Elle doit être comprise comme ce
qui non seulement peut, mais aussi doit être recherché et fondé.
La paix en ce sens est une vertu qui, comme la justice,
est le fruit d'un long effort.
Pour faire la paix, il faut déjà que la paix ne soit pas donnée sous forme d'un point de départ, mais existe comme point
d'aboutissement.
Pour faire la paix, il faut donc être dans la guerre ou dans le conflit, que ce soit du point de vue individuel
ou collectif.
La question est alors de savoir si cette sortie de la guerre, de la violence ou du conflit est possible, dans les
faits, et légitime, en droit.
S'agissant des faits, on sait bien qu'il est possible de faire la paix et les traités de paix
internationaux le prouvent qui ont mis fin à de longues périodes de guerre.
Pourtant faire la paix n'est jamais la faire à
perpétuité et les traités de paix sont parfois fragiles, le mal que l'homme est capable d'infliger à l'homme revenant sans
cesse de façon cyclique.
Mais ce n'est parce que la paix est factuellement fragile et historiquement précaire que nous
devons renoncer à l'idéal moral qu'elle représente.
Il faut donc examiner cet idéal ou cette valeur.
Doit-on faire la paix ?
Oui, à chaque fois que la guerre nous empêche de nous réaliser comme être humain de conscience et de raison.
Mais si la
paix est un impératif inconditionnel, faut-il faire la paix si la paix nous conduit à renoncer à ce à quoi nous croyons, alors
qu'il nous faut parfois nous battre pour voir triompher certaines valeurs.
Le problème est alors de savoir s'il faut faire la
paix lorsque la guerre est juste.
I.
La paix comme absence de guerre.
Définie comme conflit violent entre deux États, la guerre s'inscrit dans la trame même de l'Histoire.
La paix, quant à elle, ne
semble être que l'intervalle entre deux conflits.
La paix n'est alors qu'une situation temporaire et peut prendre les formes
d'une course à l'armement, d'une guerre froide, ou encore de tensions diplomatiques, commerciales, etc.
La paix ne
semble pouvoir se définir que négativement comme absence de guerre.
C'est la définition qu'en donne Hobbes dans le
"Léviathan".
Le pessimisme ou le réalisme estiment que la paix est toujours fragile et brève et, en revanche, que la guerre est
inévitable.
Conséquence d'une agressivité inscrite dans la nature humaine, la guerre ne laisserait que peu de répit aux
hommes, et la paix serait celle des cimetières.
Cette paix des cimetières qu'évoque Kant ne peut devenir dans le meilleur des cas qu'une paix fondée sur la crainte
mutuelle des États.
Craignant les frais d'une guerre trop coûteuse, les puissances sont obligées, à contrecœur, de
préférer la paix.
Une paix peut dès lors s'établir par le biais d'intérêts commerciaux bien compris, qui ne font que voiler des
intentions belliqueuses.
II.
La paix comme réconciliation.
1.
Le souci de réconciliation.
Néanmoins, même une telle paix armée, par son existence même, témoigne de la volonté des Etats d'éviter la guerre.
Afin
de rendre possible cette paix, il faut de part et d'autre une volonté de réconciliation.
Cette paix peut ainsi devenir objet de
recherche, une fois les méfiances tombées.
C'est d'ailleurs à une telle réconciliation qu'a oeuvré Leibniz, qui fut diplomate
en même temps que philosophe.
Son souci de rétablir la concorde entre les Églises
protestantes et catholique a animé sa carrière politique et diplomatique.
L'irénisme,
la volonté de faire la paix, est lié au désir du philosophe d'introduire une véritable
harmonie au sein de l'humanité.
2.
L'accord.
Ainsi peut s'interpréter l'importance pour Leibniz de la pensée de l'harmonie :
l'humanité est, écrit-il, un choeur.
Cet universalisme se manifeste aussi dans le désir
de Leibniz de créer une langue universelle qui permettrait à n'importe quel homme
de se faire comprendre de tous les autres et de résoudre à l'amiable, par un calcul
sans contestation possible, tous les conflits, toutes les disputes susceptibles de voir
le jour.
3.
La paix comme justice.
Cette paix tant souhaitée par Leibniz consiste à établir une justice universelle: car
l'harmonie entre les hommes n'est autre que la justice irradiant la cité platonicienne.
La paix, comme la justice, est pensée comme conciliation, concorde.
En ce sens, la
paix à rechercher est tout autant intérieure qu'extérieure : de même que dans la
cité de Platon la justice dans la cité n'est que l'image, en grand de la justice dans
l'individu, de même, à la paix dans l'État ou entre les États répond la paix de l'âme,
qui est réconciliation de soi avec soi..
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