Peut-on être l'historien de son temps ?
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Peut-on être l'historien de son temps?
L'historien est celui qui à travers le récit des événements du passé, analyse, classe et étudie ce passé.
L'histoire
dont il s'agit n'est pas fantaisiste ou anecdotique, elle n'est pas l'effet d'une inspiration artistique, littéraire mais
l'effet du travail d'une raison, d'une construction intellectuelle.
L'historien qui étudie l'histoire et qui en propose une
connaissance rationnelle et objective, mobilise une certaine méthodologie.
L'historien n'est donc ni un simple
chroniqueur ni un simple recenseur des événements.
L'histoire est une discipline qui porte sur un passé, un temps révolu, temps dont l'historien précisément n'est pas le
contemporain.
Le passé est en effet, un critère majeur pour la définition de l'histoire, comme enquête.
Pourtant,
l'historien qui se penche sur son temps n'a-t-il pas toutes les données à disposition pour son étude? N'a-t-il pas une
vision globale là où les autres n'ont qu'une vision fragmentaire basée sur des rares documents? De plus, tout
historien est marqué par la mentalité de son époque.
Dès lors, l'historien qui prend l'actualité comme objet d'étude
n'a-t-il pas les mêmes contraintes que les autres historiens?
L'historien a une profusion de documents à sa disposition
- On reproche souvent à l'histoire d'être lacunaire, de ne pas pouvoir une vision réelle de ce qu'était le passé, parce
que l'on s'appuie sur des documents qui nous donnent que des détails.
Ainsi, l'histoire antique se base sur des
objets, des écrits retrouvés, mais l'on ne saura jamais réellement comment se passait la vie à cette époque.
Dans la
masse des faits du passé, l'historien est obligé de faire des choix et il est obligé de reconstruire une histoire
continue à travers un matériau divers et fragmentaire.
C'est pour cela qu'Anatole France affirme que "l'histoire n'est
pas une science, mais un art.
On n'y réussit que par l'imagination."
L'historien qui se penche sur son temps, a énormément de documents, de journaux à sa disposition.
Il peut aussi
aller directement vérifier ses sources et les témoignages.
De plus, il connaît ce qu'il se passe dans sa totalité et n'a pas qu'une vision restreinte des événements.
Il accès à la
continuité des événements.
On ne peut avoir de recul sur ce qui se passe dans notre présent
L'historien n'est ni un journaliste, ni un chroniqueur, ni même un simple narrateur.
Il ne s'agit pas pour faire de
l'histoire de décrire ou de relever des faits dans leur déroulement actuel, comme il ne s'agit pas de recenser leur
chronicité.
L'historien doit mettre à distance de l'histoire, du passé pour pouvoir l'observer et l'analyser.
Il est, en
effet, impossible d'analyser son objet quand on y participe encore.
Le rôle de l'historien est donc de déchiffrer, d'expliquer et de comprendre le passé.
C'est pour cela qu'il prend des
distances par rapport à son objet et ne peut dès lors connaître son propre temps.
Dans ses leçons sur la philosophie de l'histoire, Hegel affirme que l'historien ne fait pas que rapporter les
événements, en être témoin.
Il insiste sur l'insuffisance de l' "histoire originale", c'est-à-dire de la simple chronique
événementielle établie par le témoin direct des événements.
L'historien ne veut pas rapporter, il veut comprendre.
De même, Marrou définit l'histoire comme la "connaissance du passé humain" et dans cette expression il insiste sur le
terme connaissance, qui n'est ni narration, ni récit.
Connaître pour l'historien, c'est "s'élever au-dessus de la
poussière des petits faits, de ces molécules dont l'agitation en désordre a constitué le présent pour y substituer une
vision ordonnée, qui dégage les lignes générales, des orientations susceptibles d'être comprises." Il n'y a donc
d'histoire que rationnelle, que s'il y a reprise active du passé par l'historien.
»
Aucun historien ne peut être totalement objectif
Pour que l'historien soit objectif, il faudrait, selon Fénelon, qu'il ne soit d'aucun temps, ni d'aucun pays.
On sait
aujourd'hui que cela est impossible, toute conscience de l'histoire est une conscience dans l'histoire.
L'auteur
appartient à une culture déterminée différente de celle des époques dont il traite et reçoit le passé à travers la
mentalité de cette culture.
Dès lors, tout historien se doit d'essayer de se dégager de son époque, de ses coutumes, de prendre du recul :
l'historien qui étudie une civilisation, comme celui qui tente de comprendre son temps.
Fénélon disait encore que les historiens de métier transcendent l'actualité dans laquelle ils vivent et qui "traitent le
plus reculé comme actuel en esprit."
Dès lors, l'historien qui se penche sur son temps, doit essayer comme pour tout objet d'étude de s'extraire de son
actualité et de prendre du recul pour sa réflexion.
En définitive, subjectivité et objectivité sont, en histoire, dans un rapport étroit, mais cela ne lui enlève pas sa
prétention scientifique.
L'historien se base toujours sur des documents dont il vérifie l'exactitude et la vérité.
Il
tente de trouver des lois de causes à effets dans les évènements.
L'objectivité comme idéal
Beaucoup de penseurs d'aujourd'hui ne croient plus que l'idéal d'objectivité impassible dont les positivistes avaient
rêvé, que Fénelon lui-même prônait jadis (« Le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays ») soit réalisable.
Dans toute la masse des faits du passé que nous pouvons reconstruire à partir de leurs traces, il nous faut faire un
choix.
Mais comment distinguer le fait historique, le fait important du fait non historique insignifiant ? Seignobos
disait que l'on juge de l'importance d'un fait à ses conséquences mais celles-ci à son tour ne seront-elles pas.
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