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Peut-on être juste tout seul ?

Extrait du document

« La grande conquête de l'humanité est dans cette substitution de la justice à la vengeance, du Bien au Mal.

Ainsi que l'écrit Paul Ricœur, « au court-circuit de la vengeance, la justice substitue la mise à distance des protagonistes ».

La justice suppose un conflit et un tiers pour départager les intérêts qui se heurtent.

La justice est dans cette « médiation » du tiers, réputé impartial, situé à juste distance des protagonistes et qui crée la juste distance entre les protagonistes.

Le triangle est le symbole de la justice, si trois (2 + 1) est le chiffre du procès.

La justice, « ce à quoi chacun peut légitimement prétendre (en vertu du droit) », doit tendre vers « ce qui est idéalement juste », c'est-à-dire « ce qui est conforme aux exigences de l'équité et de la raison ».

Il paraît évident qu'on ne peut être juste seul, que la justice la présence de deux individus, l'un ayant subi un dommage, un préjudice, et d'au moins un troisième individu qui puisse trancher la situation de manière équitable.

Il est dès lors difficilement concevable d'imaginer une justice qui pourrait se faire seul, sans que personne ne soit là pour en témoigner.

Etre juste seul serait un contre-sens, un non sens. 1) L'homme peut être injuste, peut fauter seul. Tel qu'il est rapporté par le livre de la Genèse, le récit de la chute et du châtiment du premier couple humain, comme les mythes des primitifs, n'a pas pour fonction principale de rapporter un fait individuel ancien, réel ou imaginé, mais bien plutôt d'exprimer une condition humaine générale.

Il le fait en incluant un trait familier aux anciens écrivains bibliques : la dépendance des générations vis-à-vis de celles qui les ont précédées.

« Dieu châtie l'iniquité des pères sur les fils jusqu'à la troisième et la quatrième génération.

» Saint Paul (Romains, V, 12-21) a fait une allusion très claire à ce texte biblique.

Plus nettement que les écrits juifs contemporains, il attribue expressément à Adam d'avoir fait entrer dans le monde non seulement la mort, mais le péché.

Bien que le premier couple de l'humanité soit seul, il est possible d'être dans le mal et l'injustice, c'est péché originel qui serait à l'origine des autres fautes de l'humanité.

Les racines du mal n'aurait pas besoin de la société pour exister, elle serait en germe dans l'homme. 2) La justice exercée seule : le privilège de Dieu ? Jésus, ne va pas cacher qu'il partage avec le dieu le commandement de tout l'univers.

Paul proclamera, en coadjuteur du Christ, qu'il a « reçu grâce et mission d'apôtre » pour conduire « toutes les nations » à la foi, donc à l'obéissance nouvelle.

Aussi la Lettre aux Romains est-elle un traité politique complet, de même que le Coran, dont la première sourate dira : « Hommage à Dieu, souverain de l'univers.

»Le césarisme céleste pourra se reconstituer entièrement.

Bourdaloue pourra s'écrier : « Quand Dieu se montrera pour la seconde fois au monde, ce sera sous le visage le plus effrayant, et la foudre à la main.

» Le jugement de Dieu sera « sans grâce et sans compassion ». « Une justice sans miséricorde ne lui convient pas tandis que nous sommes sur la terre ; mais elle lui conviendra quand le temps des vengeances sera venu.

» Alors « aux dépens des pécheurs, lui-même juge et arbitre dans sa propre cause, il entreprendra de se satisfaire ».

Ce Dieu qui exercera « sa justice toute pure à peu près comme nous l'exerçons envers nos plus déclarés ennemis » sera tel que « ce qui est en nous dureté, dans Dieu sera sainteté : ce jugement sans miséricorde que la charité nous défend et dont on nous fait un crime, c'est ce qui fera sa gloire.

De ce point de vue, Dieu est effectivement juste seul, car il n'est pas humain, qu'il ne vit pas en société.

Il est bien au contraire la source de la justice.

Un homme qui aurait intériorisé cette justice divine n'aurait pas besoin d'autres hommes pour savoir ce qui est juste et pour respecter les lois divines. 3) La justice est ce qui définit l'harmonie des rapports humains. La justice selon Aristote dans le livre V de l'Ethique à Nicomaque, consiste à donner à chacun son dû, peut être, dans la tradition platonicienne, définie par référence à un ordre mathématique : ainsi la justice distributive (à chacun selon son mérite) s'exprime-t-elle dans une proportion.

Mais Aristote n'est pas moins sensible à ce que la détermination mathématique et l'ordre juridique ont d'abstrait et de rigide par rapport à la diversité des cas particuliers.

La faiblesse de la loi, si bien faite soit-elle, est qu'elle est générale et qu'elle ne peut prévoir tous les cas.

D'où la nécessité d'une justice qui ne se laisse pas enfermer dans des formules, mais soit accueillante aux cas particuliers, et qu'Aristote appelle l'équité.

Ce qui fait la valeur de l'équitable est précisément que sa règle n'est pas droite, car ce qui est droit est rigide : « de ce qui est indéterminé [les situations particulières] la règle aussi est indéterminée » Face à la rigidité de la loi, le travail même du juge est d'adapter cette même loi aux cas particuliers, appliquer la loi d'une manière aveugle serait de l'injustice.

La justice distributive ne pourrait exister, car on n'observerait pas le mérite de chacun, les qualités, les antécédents des personnes.

La justice qui préside à la distribution des honneurs et des richesses se fonde sur une égalité proportionnelle entre les personnes et les biens, non sur une égalité arithmétique, comme dans le cas de la justice corrective.

Elle ne peut être que controversée, car la discrimination entre les personnes selon le mérite est une opération politique, l'importance accordée à la naissance, à la vertu, à la richesse différant selon les régimes.

La réciprocité qui est au principe de la justice commutative intéresse principalement les transactions économiques et les compensations justes, c'est-à-dire l'échange qui ne requiert pas la présence d'un tiers, juge ou responsable politique.

Aristote, après avoir établi dans le même ouvrage que le juste. »

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