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Peut-on dire que tout homme a un prix ?

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« Peut-on dire que tout homme a un prix ? Analyse du sujet : Le sujet peut surprendre : en effet, il est peu commun d'employer le vocabulaire marchand pour être humain comme s'il était un vulgaire bibelot à vendre. Cependant, c'est sur ce premier point qu'une difficulté apparaît, révélant un premier aspect du sujet.

Le terme « prix » peut exprimer de prime abord le montant d'une marchandise, comme dans un échange commercial.

Dire que tout homme a un prix signifierait que chacun d'entre nous pourrait être vendu : en tant qu'esclave, ce qui révolte les consciences, ou en tant que corrompu, ce qui nous révolte tout autant puisque impliquant que nous serions tous pervertis, même le plus honnête des hommes.

Ainsi, une première approche du sujet serait de répondre par la négative.

Mais le « prix » renvoie également au sens de valeur, d'importance.

Et le sujet prend une toute autre tournure. Dans cette acception, l'homme serait compris comme un être d'exception puisqu'il serait investit d'une valeur intrinsèque.

Il serait donc respectable et estimable en tant que tel.

C'est une approche ontologique qui accorde une importance primordiale à tout être humain.

Cependant, cette valeur qui caractérise l ‘homme et qui nous pousse à ne pas le traiter comme un vulgaire animal, n'exclut pas une égalité radicale entre les hommes.

Si chacun a un « prix », nous n'avons pas nécessairement le même.

Aussi, dire que tout homme a un prix est une phrase à double tranchant : on pourrait alors mépriser celui qui a peu de prix, au détriment de ceux qui en ont beaucoup plus.

La notion de prix se révèle donc relative, conditionnelle et comparative, ce qui pose là aussi des problèmes. Problématique : En quel sens faut-il comprendre le prix d'un homme ? Que cette valeur soit marchande ou ontologique, quelle conception de l'homme entraîne-telle ? Et lorsque le prix est synonyme d'importance, quel comportement avec autrui cela implique-t-il? Proposition de plan : 1) Lorsque le prix s'entend comme une valeur marchande, cela implique que l'homme peut appartenir à un autre.

L'homme devient un instrument, un objet quelconque, un ustensile ou encore un outil.

Même si Aristote dans La politique (Livre I, Chap.

5) traite de l'esclavage naturel, notre société moderne et contemporaine rejette une telle conception de l'homme.

D'ailleurs, Aristote parle d'esclavage naturel, ce qui sous-entend que tous les hommes ne sont pas à vendre. On ne peut pas dire que l'homme est une marchandise tout comme une orange ou une banane car cela reviendrait à signifier que notre corps, notre vie et notre être tout entier ne nous appartient pas.

Il appartiendrait donc à un autre mais cet autre appartiendrait encore à un autre, et ainsi de suite, ce qui n'a pas de sens (car le sujet stipule qu'il s'agit de TOUT homme ; il s'agit d'une conception de l'homme qui est en jeu et non pas d'individus particuliers). Mais on peut encore acheter les hommes comme on achète leur silence ou leur conduite.

A-t-on le droit alors de supposer que l'être humain est a priori corrompu ? Dire que chacun d'entre nous a un prix relève d'un cynisme assez poussé.

C'est nier toute moralité et capacité à l'homme de s'élever au-delà de la vénalité ; c'est considérer l'homme comme un être dépravé et uniquement guidé par l'appât du gain.

On peut le penser, encore faut-il bien en mesurer les conséquences... Transition : si l'on peut toujours avoir cette vision noire de la nature humaine, nous confinant dans un monde désenchanté et immoral, on peut (et l'on doit) aborder la question sous un angle nouveau : l'homme, au lieu d'être réduit à une marchandise, pourrait être compris comme un être ayant une importance, une valeur intrinsèque qui l'empêcherait d'être chosifié. 2) « Ça n'a pas de prix ! » Ainsi, s'exclame-t-on pour justement indiquer la dignité et l'importance d'une chose échappant à toute emprise bassement commerciale. On pourrait appliquer cette phrase à l'homme pour lui conférer une valeur noble qui nous inviterait à le respecter et non pas à l'employer comme une chose.

On peut retrouver l'esprit des Droits de l'Homme qui le dote dès sa naissance de droits inaliénables lui attribuant ainsi une protection contre toute déshumanisation. La philosophie chrétienne, en proclamant que l'homme est créature de Dieu, lui confère une valeur sacrée.

Le Décalogue (« Honore ton père et ta mère, Tu ne commettras point d'homicide, Tu ne commettras point d'adultère, Tu ne déroberas point, Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain », et surtout le dernier « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain ») sont autant d'invitations à respecter l'homme et à ne pas l'avilir.

Le Décalogue nous invite au respect de l'homme.

En ce sens, tout homme a un prix et de ce fait il est honorable.

D'autant plus que le Dieu chrétien créa les animaux pour servir les hommes : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.

» L'homme est investi d'une valeur quasi divine ; valeur qui instaure entre tous les hommes une égalité métaphysique. Kant, dans cette optique, conceptualise l'idée dans Fondements de la métaphysique des moeurs : la morale est celle qui ordonne : « Agis toujours de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais seulement comme un moyen » .

L'acte moral est donc celui qui invite à donner une valeur morale à l'homme et à ne pas l'instrumentaliser ; on peut donc dire que tout homme a un prix mais pas une valeur marchande. Transition : Si tout homme a un prix au sens moral du terme, il n'implique pas une égalité de fait : la notion de prix est par nature différentielle. 3) C'est Kant dans Métaphysique des moeurs (Doctrine de la vertu, § 11) qui insiste sur l'aspect conditionnel du prix à propos des fins relatives.

Celles-ci ont un prix nous dit-il, mais seule la fin en soi (sans visée empirique, désintéressée) est digne.

Alors quand quelqu'un a un prix ce serait toujours par comparaison avec un autre.

Ainsi, loin de traiter autrui en respect, il nous pousserait à une concurrence malsaine.

Le prix d'un individu est déterminé en fonction des autres (plus ou moins capables, compétents, bons...) A la lumière kantienne, la seule moralité, la seule valeur capable de rendre respectable l'homme n'est pas le prix, (car toujours relatif) mais la dignité qui suppose de s'élever au-delà des aspirations empiriques.

La dignité relève de l'absolu, le prix du conditionné. Dire que tout homme a un prix c'est donc, par une logique de définition, le placer dans une concurrence avec autrui, concurrence propice à se servir des autres plutôt qu'à les respecter.

Finalement, les choses ont un prix mais l'homme a une dignité.. »

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