Peut-on dire que tout est dit ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
DIRE: signifie ici affirmer en connaissance de cause, mais cela désigne aussi l'opinion qui dit n'importe quoi, qui
se contente d'affirmer ce qu'elle affirme, qui transforme son désir en vérité universelle.
CORRIGE
L'autorité des modèles anciens...
« Tout est dit et l'on vient trop tard », écrit La Bruyère dans le contexte querelleur du débat entre Anciens et
Modernes.
De fait, le goût classique se plaît à rappeler la perfection des modèles anciens : quelle tragédie prétendon écrire encore après celles de Sophocle? Quelles passions n'ont pas été dépeintes, quelle réalité n'a pas été
vécue par les écrivains de l'Antiquité auxquels force s'impose de céder? N'est-il pas vain et sot de prétendre après
eux inventer? La Bruyère persiste et signe : « Un auteur moderne prouve ordinairement que les Anciens nous sont
inférieurs, en deux manières, par raison et par exemple : il tire la raison de son goût particulier et l'exemple de ses
ouvrages.
» Les modernes sont donc des vaniteux frappés d'une hybris (orgueil chez les Grecs) que les dieux de
l'Antiquité savaient châtier (cf.
l'Ajax de Sophocle) !
...
condamne-t-elle à l'imitation...
On ne saurait donc que se livrer à l'imitation des Anciens qui eux-mêmes cherchaient à imiter la Nature.
La doctrine
classique, éprise de naturel et de simplicité dans l'expression est une victoire de la mimesis.
De fait, La Bruyère ne
se cache pas d'imiter Théophraste en commençant par en traduire les Caractères.
De la même façon Boileau trouve
son inspiration chez Horace, Molière chez Plaute, La Fontaine chez Ésope...
Il n'y aura guère que Perrault puis plus
tard Voltaire et Rousseau pour oser prétendre inventer.
Or l'argument des classiques ne saurait évidemment convaincre.
Car si ceux-ci empruntent en effet aux Latins et
aux Grecs, leur oeuvre est bien davantage qu'une simple imitation.
Il ne faut pas se méprendre : traduire, ce n'est
pas imiter, c'est toujours réinterpréter.
...
ou à la réinterprétation créative?
On peut certes prétendre que tous les « scénarii » ont été imaginés.
Et cela bien avant Jésus-Christ.
Lire la Bible,
en effet, c'est lire une succession d'histoires d'amour et des -aventures dont la richesse ne sera plus jamais égalée.
Mais si le contenu des oeuvres du passé semble impérissable la forme ne résiste pas de la même façon aux injures
du temps.
Les langues ne cessent de se transformer, les mots naissent et meurent, quant aux choses auxquelles ils
renvoient elles apparaissent et disparaissent dans le mouvement de l'histoire.
A titre d'exemple illustratif, Toffler
dans Le choc du futur parvient à évaluer quelle serait l'étendue du lexique actif (l'ensemble des mots utiles et
spontanément utilisés) de W.
Shakespeare ressuscité dans l'Angleterre contemporaine : l'auteur de Macbeth pourrait
à peine comprendre et manier quatre mots sur neuf !
Si tout est dit, tout n'en demeure pas moins à redire...
La traduction est nécessaire parce que chaque âge réclame
sa formalisation.
C'est en ce sens qu'il faut comprendre la phrase provocatrice d'A.
Artaud : « Les chefs-d'oeuvre du
passé sont bons pour le passé, ils ne sont pas bons pour nous.
» (Le théâtre et son double)..
»
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