Peut-on dire "C'est plus fort que moi" ?
Extrait du document
«
PROBLEMATIQUE ENVOYEE PAR L'ELEVE: Il s'agit ici d'une expression de la langue courante.
Votre premier travail
doit donc consister à explorer les situations dans lesquelles on l'utilise afin de commencer par en analyser le sens.
On peut voir rapidement que cela renvoie à quelque chose qui nous dépasse par sa force : on dit cela lorsqu'on veut
signifier qu'on ne peut pas faire autrement.
Cette expression signifie ainsi qu'on ne se maîtrise pas totalement ou
qu'il y a quelque chose d'autre que notre pouvoir de décision qui peut présider à nos actions.
Il semble ainsi que la
question abordée soit en partie celle de la liberté.
Quel peut donc être le sens du " C' " ici ? Quelle est " cette chose
" qui est plus forte que moi et qui est donc autre que le moi ? L'expression semble faire appel à une forme de
nécessité qui s'impose en dehors de ma volonté et qui me contraint à agir.
Il faut alors s'interroger sur cette
nécessité.
Celui qui, par exemple, est sous l'emprise de la passion pourra dire c'est plus fort que moi.
Il a beau
tenter de lutter ou même savoir que ce qu'il fait est condamnable, il se peut qu'il soit incapable de résister à cette
force qui s'impose.
Dès lors, dire « c'est plus fort que moi » ne consiste-t-il pas à affirmer la faiblesse de notre
volonté ? On peut alors se demander si ce constat ne peut pas devenir parfois une excuse.
En faisant appel à une
force qui s'impose à moi je peux me dédouaner des actes que je commets.
C'est dans ces conditions qu'on est
parfois amené à dire d'une personne qu'elle n'est pas responsable de ses actes.
Mais peut-on ainsi échapper à la
responsabilité ? On pourrait, par exemple, invoquer l'inconscient pour désigner cette force qui nous dépasse.
C'est
ainsi que Freud montre que « Le moi n'est pas maître dans sa propre maison ».
Mais il faut alors se demander si nous
devons en rester simplement à ce constat et se résigner ou s'il n'est pas possible de lutter contre cette soumission.
Ici, vous pouvez penser aux analyses de Spinoza sur la liberté qui montre que cette dernière est avant tout la
nécessité comprise.
En effet, face aux lois de la nature, je peux aussi dire qu'elles sont plus fortes que moi.
Cela
implique-t-il que je ne suis pas libre.
Spinoza montre alors que la connaissance des lois de la nature permet de s'en
libérer ; non pas en les transformant, mais en les utilisant.
Vous pouvez également, pour revenir sur la question de
l'inconscient, lire attentivement l'article de Freud qui s'appelle « Une difficulté de la psychanalyse ».
Il montre alors
que la reconnaissance de l'inconscient ne consiste pas nécessairement à introduire une fatalité dans la vie de
l'homme.
PROBLEMATIQUE:
1.
Il faut d'abord analyser le sens global de cette expression.
« C'est plus fort que moi » : c'est ce qu'on dit non pas
lorsqu'on se heurte à des forces extérieures supérieures à la nôtre, mais à une force interne.
D'où le statut
problématique de l'adjectif démonstratif « ce » (c'est plus fort que moi »).
Comme si nous voulions dire : ce qui me
fait agir est en moi mais n'est pas moi, ou plus exactement : est en moi sans que je m'y reconnaisse, sans même
que je le veuille, alors même que je veux faire ou penser le contraire.
En ce sens, la question pose évidemment le
problème de l'inconscient (que Freud appelle significativement le « ça »).
Ce que signifie l'expression « c'est plus fort
que moi », c'est qu'il existe des pensées ou des actes que le sujet conscient et volontaire que je suis n'assume pas
: je pense, mais ça pense en moi, malgré moi, contre moi.
2.
Élucider le sens de l'expression est nécessaire mais non suffisant.
Car la question posée concerne la valeur de
cette expression.
Savoir ce que l'expression « c'est plus fort que moi » vaut peut signifier deux choses.
• D'abord, quelle est sa valeur de vérité ? Existe-t-il réellement des pulsions, des désirs, des mobiles inconscients
qui me font agir malgré moi ?
• Ensuite, et surtout, sa valeur morale.
Demander quelle est la valeur de cette expression invite explicitement à se
situer du point de vue moral : est-ce une excuse valable à certains de mes actes ? Puis-je me défausser de ma
responsabilité, dire : « ce n'est pas moi, puisque c'est plus fort que moi » ?
[Il y a des réactions impulsives que je ne peux pas maîtriser et des forces en moi capables de submerger
ma volonté.
Dans l'émotion et dans la passion, il est des moments où le sujet est dessaisi de sa maîtrise
de soi.
Il peut alors se produire des phénomènes dont le contrôle échappe à la fois à la volonté et à la
conscience.]
Sous le coup d'une émotion, je ne contrôle pas mes réactions
Tout le monde a fait l'expérience des larmes impossibles à retenir, du fou-rire incontrôlable ou du coup de
sang ou de poing...
Toutes ces émotions ou passions semblent me submerger, être plus fortes que moi.
Nous
connaissons tous aussi l'envie irrésistible de faire quelque chose que notre conscience réprouve et nous y
avons tous succombé un jour, lorsque «la tentation était trop forte».
Dans tous ces cas, «l'homme n'est
même plus maître dans sa propre maison»..
»
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