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Peut-on dire avec Bachelard que "l'opinion ne pense pas" ?

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« Il faut définir « dire » : par le fait d'affirmer, plus encore par le fait d'affirmer une connaissance en toute connaissance de cause.

La notion d'opinion doit quant à elle être ici penser comme une croyance, un jugement premier, contenant par degré un certain niveau de certitude et portant sur la réalité ou sur la vérité d'une chose et en la considérant donc comme inférieur à une vérité d'ordre scientifique par exemple.

Il faut donc s'interroger sur la capacité de l'opinion à émettre une vérité ayant une validité d'ordre scientifique ou encore d'ordre morale.

Il faudra alors se demander comment une vérité qui ne pense pas peut avoir une valeur, si l'opinion a toujours tort, et finalement se demander ce qui peut donner une valeur à l'opinion. L'opinion comme obstacle : « L'opinion, écrit Bachelard, pense mal, elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances.

En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître.

On ne peut rien fonder sur l'opinion, il faut d'abord la détruire.

Elle est le premier obstacle à surmonter.

» .

En somme, l'opinion est fausse par nature et non pas par accident, elle se fonde sur l'intérêt et plus généralement sur des critères autres, que ceux que doit mobiliser la vérité. Bachelard a contribué à donner à l'épistémologie française ses lettres de noblesse, en particulier en déclarant dès les premières pages de « La formation de l'esprit scientifique » (1938) : « C'est en terme d'obstacle qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique.

» Bachelard s ‘est battu contre deux idées fausses portant sur les sciences, répandues dans le public.

D'une part, celle qui veut que le savant arrive pour ainsi dire l'esprit « vierge » devant les phénomènes à étudier, d'autre part celle qui voit le développement des sciences comme une simple accumulation de connaissance, un progrès linéaire. En affirmant cette citation, il souhaite montrer les difficultés inhérentes à l'acte même de connaître.

Les obstacles à une connaissance scientifique ne viennent pas d'abord de la complexité des phénomènes à étudier, mais des préjugés, des habitude de savoir, des héritages non interrogés.

« Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune.

Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés.

» La première bataille à livrer pour accéder à la connaissance scientifique est donc une bataille contre soi-même, contre le sens commun auquel le savant adhère spontanément.

C'est une bataille contre l'opinion : « L'opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissance.

» Ainsi les travaux de Bachelard peuvent-ils être compris comme une « psychanalyse de la connaissance ». Mais il va plus loin : « En fait on connaît toujours contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même fait obstacle à la spiritualisation.

» Non seulement nous avons à nous défendre des préjugés communs, mais aussi des connaissances scientifiques antérieures.

Bachelard a su se rendre très attentif aux périodes de crise et de révolution scientifique, celles où l'on passe d'une théorie à une autre, d'un système à un autre, d'une méthode à une autre.

Si « La Formation de l'esprit scientifique » est consacrée aux obstacles premiers et naturels de la connaissance scientifique, « Le Nouvel Esprit Scientifique » s'interroge sur les révolutions scientifiques contemporaines.

La relativité Einsteinienne, la naissance de la mécanique ondulatoire, l'émergence des mathématiques axiomatiques sont le résultats d'efforts pour penser « contre une connaissance antérieure », mais cette dernière prend alors moins l'aspect de nos préjugés naturels que de notre héritage scientifique, qu'il faut reconsidérer et réformer. Or, en prenant un exemple peu Bachelardien, on aimerait illustrer le propos de l'auteur : « Il y a rupture et non pas continuité entre l'observation et l'expérimentation.

» En effet, si la science moderne prend naissance avec l'apparition de l'expérimentation, la croyance en l'observation, en l'expérience première et en ses prétendus faits est l'obstacle premier et majeur à la connaissance rationnelle. L'exemple le plus célèbre et le plus célébré reste le dispositif expérimental par lequel Galiléé, à l'aube du XVII ième, parvint à établir correctement la loi de la chute des corps.

Pour étudier cette chute des corps, Galilée ne se fie pas à l'observation commune, mais construit un dispositif, sélectionne les paramètres décisifs pour la loi qu'il veut établir, et invente le moyen de mesurer leurs variations réciproques.

Il s'agit simplement de faire rouler des boules dans un canal rectiligne creusé dans un plan incliné.

Il suffit ensuite de mesurer le temps de chute de la boule en fonction de la distance parcourue. Un certain nombre de traits remarquables se dégagent de cette expérience.

Tout d'abord Galilée a su comprendre que le mouvement de la boule est une chute, ralentie certes, et identique à la chute des corps. Deux mouvements différents pour le sens commun (la chute d'une pomme, par exemple, et le glissement d'une boule sur un plan incliné) sont compris comme identiques.

Mais, alors que le premier est difficilement mesurable avec les instruments de l'époque, le second peut l'être.. »

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