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Peut-on désirer ne pas avoir de désir ?

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Peut-on désirer ne pas avoir de désir ?

« Peut-on désirer ne pas avoir de désir ? Selon la logique classique, on ne peut à la fois penser une chose et son contraire sans poser une contradiction.

La contradiction détruit l’être même, l’essence & la consistance de ce que l’on pense.

Par suite, l’objet se dérobe à la pensée, il échappe.

Le désir comme tout objet devrait répondre à ce principe de non-contradiction et avoir une certaine identité.

Mais le désir répond-il à ce principe ou, au contraire, n’est-ce pas la spécificité du désir de lui résister ? Le désir peut-il entrer dans un raisonnement, fondé sur l’identité & la non-contradiction, sans être réduit ? Le désir, par nature, ne déborde-t-il pas sans cesse toutes les formes logiques de la pensée ? S’il est vrai que le désir ne peut avoir en lui-même la stabilité des choses et que son être se construit & se détruit en même temps, ne faut-il pas alors penser que la logique du désir est plus paradoxale que ne l’envisage la logique rationnelle ? • Dans un 1er temps, il s’agit de confronter le désir avec les concepts qui supposent des réalités identiques afin de montrer, d’une part, comment la pensée a cherché à exclure le désir pour sauver la raison et, d’autre part, en quoi cette tentative est vouée à l’échec. • Le désir échappe au cadre logique, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien de logique dans le désir.

Le désir est ce qui nous entraîne à penser différemment en nous introduisant à un nouveau concept de l’être. I L’EMPRISONNEMENT RATIONALISTE DU DÉSIR Le principe de contradiction fonde toute la pensée rationnelle, car le souci de la pensée est de se fonder sur quelque chose de durable.

Tenir un discours de raison, c’est poser une thèse qui puisse être identifiée.

On ne peut soutenir à la fois le même et l’autre et poser, pour la même chose, des énoncés contradictoires.

Or, dans le sujet nous avons une contradiction : le désir du non-désir.

Un sujet qui désire, désire quelque chose qu’il n’a pas. Comment peut-il le désirer ? S’il désire ce qu’il n’a pas et qu’il le souhaite, c’est pour l’obtenir.

Mais : – 1° où peut-il prendre le savoir de ce qu’il n’a pas sans présupposer qu’il l’a déjà d’une certaine manière ? A ce paradoxe, Socrate répond par la réminiscence ; – 2° en désirant ce qu’il n’a pas , il désire la fin du désir : il désire le non-désir – ce qu’il n’est pas (puisqu’il est un être désirant).

C’est contradictoire et les penseurs rationalistes ont préféré exclure le désir. Pour Platon, le désir est ce qui doit être maîtrisé (Banquet, Phèdre).

Il y a de bons et mauvais désirs : bons quand ils servent l’élévation de l’âme, mauvais quand ils enferment dans “la prison du corps”.

Cette distinction est fondée sur la différence entre lieu sensible et lieu intelligible.

Pour Descartes aussi il est nécessaire d’exclure ce qui est irrationnel, contradictoire en soi, si je veux établir “quelque chose de ferme et de constant dans les sciences”.

La fonction du doute méthodique est d’extirper la possibilité de l’irrationnel : il doit être tenu hors de l’entendement. C’est afin de préserver le désir de savoir dans la pure orientation du meilleur qu’il faut apprendre à conduire sa raison selon des règles sûres.

L’esprit agité de désirs doit garder le cap : ce qui prime est de garder l’identité avec soi. Pour les Anciens : stoïciens, épicuriens ou sceptiques, c’est l’absence de troubles, l’ataraxie ou l’apathie, qui est visée et il faut se méfier du désir qui entraîne la volonté hors de soi.

Mais vouloir l’ataraxie est contradictoire, car cela revient à désirer l’absence de désir.

Le sceptique triomphe en exigeant la suspension de tout jugement.

Mais je ne peux désirer la suspension sans la troubler à nouveau avec ce désir. Il y a donc deux limites à cette conception du désir compris comme ce qui amène la contradiction, l’agitation ou le trouble dans nos représentations : 1° La raison croit pouvoir rationaliser le désir, du moins tout ce qui peut l’être.

Elle pense que le désir peut être purifié des éléments qui fragilisent l’être.

Mais le côté irrationnel lui échappe car elle ne préserve que le côté qui l’intéresse, qui dépend d’elle.

Le désir comme tendance maîtrisée par la conscience, éclairée par le savoir, ne constitue ainsi que l’aspect qui se rapproche le plus de l’identité de la raison. 2° La maîtrise du désir provient encore d’un certain désir.

Il reste toujours du désir même lorsqu’on cherche à l’exclure.

Le désir de surmonter le désir n’est pas pris en compte et sa racine est laissée aveugle dans l’obscurité. On voit ainsi comment le désir déborde la simple raison.. »

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