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Peut-on considérer l'homme comme une machine?

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« Le terme de machine renvoie à la forme développée de l'outil, c'est-à-dire a un ensemble de mécanismes combinés, destinés à produire un effet approprié à partir d'une impulsion initiale.

La machine est donc un ensemble uni et entièrement déterminé.

Or, à partir du XVIIe siècle, la machine a servi de modèle à la science physique pour penser la nature.

L'animal mais aussi le corps humain ont été également englobés dans cette conception, qui refuse de prendre en compte ce qui dans l'homme peut relever de l'expression d'une cause finale, ou de l'exercice de forces immatérielles telles que l'âme. Si la nature est donc devenue rationnelle pour l'homme grâce à une conception modélisée sous la forme de la machine, nous constatons pourtant que l'homme risque à travers cette conception de nier ce qui fait sa particularité au sein des étants. Car considérer l'homme comme une machine, uniquement déterminée par des phénomènes physiques et chimiques, n'est-ce pas risquer de nier sa spécificité, c'est-à-dire son pouvoir de se déterminer, que nous nommons liberté? Que cette machine soit l'oeuvre aveugle de rouages qui la déterminent ou qu'elle soit subordonnée à une idée prédéfinie, qui pourrait être celle d'un Dieu créateur, d'un Dieu horloger, comme le pense Descartes, l'homme se voit ici refuser une autonomie qui semblait le différencier. Cependant, un tel risque ne suffit pas, rationnellement, à écarter la possibilité d'une conception mécaniste. Comment, dès lors, préserver ce qui distingue l'homme des autres étants et réfuter la position qui le considère comme une simple machine, seulement plus complexe que les autres ? Plusieurs voies sont ici possibles.

La première consiste à différencier clairement ce qui relève du mécanisme de la machine, voire de sa nouvelle puissance de calcul (développée dans les ordinateurs) et ce qui relève de la pensée. La pensée caractérise l'homme en ce qu'elle fonctionne sur le mode de la compréhension et non de l'extension.

Nous faisons à travers elle l'expérience de choix permanents. Mais le choix que nous devons nécessairement faire lorsqu'on nous demande par exemple de dire le nombre pi, nombre qu'il nous faudra tronquer arbitrairement là où la machine continuera de calculer les décimales, est-il vraiment un choix ? L'aspect compréhensif de notre pensée ne résulte t'il pas avant tout de notre capacité limitée de connaissance, là où la machine semble aujourd'hui capable de tout calculer ? L'argument décisif semble donc être moins la spécificité de notre processus de pensée que la pensée elle-même dans sa capacité à faire retour sur elle-même, à être réflexive.

Cette capacité que nous désignons par le terme de conscience semble être résolument absente dans le fonctionnement de la machine qui réagit, sans faire retour sur ses propres réactions, sans se les représenter.

Cette capacité est d'ailleurs ce qui rend possible chez l'homme son individuation, le fait qu'il devienne un être en particulier, un sujet, là où la machine reste anonyme, indifférenciée. Mais une fois encore, si la conscience est spécifiquement humaine, est-elle cependant autre chose que l'expression d'un mécanisme sophistiqué exprimable en des termes physico-chimiques que nous ne sommes pas encore à même de penser? Il s'agirait donc d'accorder que l'homme est effectivement une machine mais qu'il a la spécificité en tant que machine de pouvoir se déterminer, se représenter ses propres réactions.

L'homme aurait parmi toutes les machines la particularité d'être une machine elle-même créatrice.

Là où la machine reste déterminée et close, l'homme est capable de s'adapter et de se perfectionner. Pourtant, un problème nouveau se dessine.

Car cette conception ne permet pas de différencier essentiellement l'homme du simple objet.

Il ne s'agit ici que d'une différence spécifique.

Dès lors ; il semble difficile de concilier le déterminisme mécaniste que la science modélise et l'idée que l'homme est un sujet responsable de ses propres choix, c'est-à-dire une personne. Il semble que la seule voie nous permettant de sortir de la conception mécaniste appliquée à l'humain soit dès lors, paradoxalement, notre seul sentiment de ne pas être des machines, cette impression forte d'être différents de celles que nous construisons. Dire que l'homme n'est pas une machine relève donc d'un acte où se révèle justement notre capacité à nous déterminer, Le sujet offre ainsi une piste puisqu'il nous demande non pas si l'homme est une machine mais si nous pouvons considérer l'homme comme tel.

Le verbe considérer désigne ici le choix d' un angle de vue qui n'est pas neutre.

C'est le choix de cette position qui me permet d'accéder à une vision éthique de l'humanité, qui respecte l'homme sur le principe qu'il n'est pas un simple objet.

Si nous ne pouvons pas, au sens scientifique, prouver que l'homme n'est pas seulement un être qui réagit a des impulsions sans aucune marge d'autodétermination, du moins pouvons-nous, au sens éthique, refuser une telle conception.

L'expérience de la considération de l'autre, de sa reconnaissance en tant que sujet vient apporter ici un exemple essentiel.

Je peux considérer l'autre comme un objet de ma représentation qui réagit à des mécanismes déterminés.

Mais la sensation de ma propre souffrance, de ma joie ou de celle d'autrui semble apporter à la thèse rationnelle du mécanisme appliquée à l'homme une réfutation qui, si elle n'est pas rationnelle, n'en a pas moins sa propre force pratique et sa propre nécessité, non pas scientifique mais éthique.. »

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