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Penser par soi-même est-ce ne pas penser comme les autres ?

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« On vous demande ici de donner une définition de l'expression « penser par soi-même».

Pour construire cette définition, on vous en propose une qui ?consiste à assimiler opposer « soi-même » aux autres.

Quand on demande à ?une personne de penser par elle-même, on lui demande généralement de ne pas simplement répéter ce que disent les autres, de ne pas être le produit de ?leurs discours, de ne pas simplement transmettre ce que les autres ont pensé à sa place.

Ainsi, c'est par différence à l'égard des autres que l'on définit ce que signifie penser par soimême.

Toutefois, il s'agit de se ?demander si cette approche est suffisante pour définir ce qu'on entend par « penser par soi-même ».

En effet, si ce que pensent les autres est vrai, ?faut-il nécessairement pour penser par soimême, s'y opposer ? Vous pouvez ? Remarquer que tout dépend donc de ce que les autres pensent.

Je peux sans ? doute penser par moi- même et penser comme les autres.

C'est donc beaucoup plus ?la définition de la pensée qui est en jeu ici.

Penser par soi-même c'est ?sans doute ne pas subir les influences des autres et c'est en ce sens qu'on ?doit entendre le « soi-même », mais si en pensant on fait usage de sa propre ?raison, il se peut qu'on pense comme les autres si ces derniers font également usage de leur raison.

Penser par soi-même, ce n'est donc pas faire l'expérience d'une pensée forcément originale mais faire l'expérience d'une pensée qui se détermine selon la raison et qui refuse de s'en tenir à l'opinion.

Si penser par soi-même est synonyme d'une pensée libre, nous constatons ainsi que c'est par la recherche rationnelle de la vérité que la pensée peut se libérer effectivement.

Mais cette recherche, loin d'écarter le concours des autres, l'appelle au contraire.

Penser par soi-même n'est en effet nullement contradictoire avec le fait de penser avec les autres, dans un concours argumenté et lucide.

Vous pouvez ici penser à la formule de Kant ?dans « Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée ? » : « Mais penserions-nous bien et penserions-nous beaucoup si nous ne pensions pas pour ainsi dire par ?nous-même et en commun avec les autres qui nous font part de leurs pensées et à qui nous communiquons les nôtres».? Le dialogue comme pensée à la fois commune et critique serait ainsi un exemple où l'individu pense par soi-même avec autrui.

Une telle conception revient à justifier l'usage des thèses d'autres personnes dans une réflexion personnelle.

Car cet usage, s'il est fait en connaissance des thèses utilisées et de manière critique, satisfait à l'exigence de se libérer de l'opinion, d'exercer sa raison et, de ce fait, de penser par soi-même. 1) Le refus de calquer sa pensée sur celle d'autrui est ce qui définit communément l'expression « penser par soi-même ».

Par là il faut entendre le refuse de l'opinion commue, voire de l'argument d'autorité. "Les Lumières, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable.

L'état de tutelle est l'incapacité à se servir de son entendement sans la conduite d'un autre.

On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre.

Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières.

Paresse et lâcheté sont les causes qui font qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les eut affranchis depuis longtemps d'une conduite étrangère, restent cependant volontiers toute leur vie dans un état de tutelle ; et qui font qu'il est si facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs.

Il est si commode d'être sous tutelle.

Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un directeur de conscience qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime alimentaire, etc., je n'ai alors pas moi-même à fournir d'efforts.

Il ne m'est pas nécessaire de penser dès lors que je peux payer ; d'autres assumeront bien à ma place cette fastidieuse besogne.

Et si la plus grande partie, et de loin, des hommes (et parmi eux le beau sexe tout entier) tient ce pas qui affranchit de la tutelle pour très dangereux et de surcroît très pénible, c'est que s'y emploient ces tuteurs qui, dans leur extrême bienveillance, se chargent de les surveiller.

Après avoir abêti leur bétail et avoir empêché avec sollicitude ces créatures paisibles d'oser faire un pas sans la roulette d'enfant où ils les avaient emprisonnés, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace s'ils essaient de marcher seuls.

Or ce danger n'est sans doute pas si grand, car après quelques chutes, ils finissent bien par apprendre à marcher ; un tel exemple rend pourtant timide et dissuade d'ordinaire de toute autre tentative ultérieure." KANT 2) Penser par soi-même revient dès lors moins à penser différemment des autres qu'à exercer sa raison pour rechercher le vrai.

Si penser par soi-même c'est penser librement, nous voyons donc que la « liberté de penser », expression à la mode, n'est pas à comprendre comme une autonomie radicale de la pensée mais comme un travail de recherche critique qui peut d'ailleurs coïncider avec celui d'autrui. "La liberté de penser signifie que la raison ne se soumette à aucune autre loi que celle qu'elle se donne à elle-même. Et son contraire est la maxime d'un usage sans loi de la raison." KANT "Comme le libre jugement des hommes est tout à fait divers et que chacun pense à lui seul tout savoir, et qu'il est impossible que tous pensent également la même chose, et parlent d'une seule voix, ils ne pourraient vivre en paix si chacun n'avait pas renoncé au droit d'agir selon le seul décret de sa pensée.

C'est donc seulement au droit d'agir selon son propre décret que l'individu a renoncé, non au droit de raisonner et de juger; par suite personne ne peut, sans danger pour le droit du pouvoir souverain, agir à l'encontre du décret de celui-ci, mais il peut totalement penser et juger, et par conséquent aussi s'exprimer, à condition cependant qu'il se contente de parler et d'enseigner, et de défendre son opinion par la seule Raison, sans introduire par la ruse, la colère et la haine quelque mesure contraire à l'État qui ne ressortirait que de l'autorité de son propre vouloir." SPINOZA 3) Il est donc possible de penser par soi-même avec autrui et comme autrui, dans une communauté où la raison et l'esprit critique s'exercent.

Bien plus, toute pensée rationnelle, qui se détache de l'opinion, a besoin de l'autre comme interlocuteur de façon directe, dans le dialogue, mais également indirecte, à travers des thèses dont j'ai pris connaissance, les textes que j'ai lus.

L'histoire de la philosophie témoigne d'une telle pensée en commun.

La pensée est toujours intersubjective, ce qui ne l'empêche pas de se. »

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