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Passion et passivité

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« VOCABULAIRE: PASSION: * C e que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

C hez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). A.

Ce qui n'est point action est passion L'étymologie du mot passion (du latin pati, qui signifie « supporter », « endurer ») semble suggérer un état subi par le sujet.

De fait, l'action et la passion sont deux des dix catégories d'A ristote qui correspondent respectivement à la voix active et à la voix passive du verbe.

Et c'est encore le sens que Descartes, au XV IIe siècle, donne à ce mot.

Il entend par passion « toutes les pensées qui sont ainsi excitées en l'âme sans le concours de sa volonté, [... ] par les seules impressions qui sont dans le cerveau ».

Perceptions, sentiments, émotions...

tout ce qui n'est pas manifestation de l'activité volontaire, tout ce qui, dans notre psychisme, provient du corps est passion pour Descartes. B.

La passion n'est pas une émotion prolongée A ujourd'hui, on entend par passion un sentiment devenu tyrannique, exclusif.

La passion est la polarisation du psychisme sur un unique objet, ce qui implique l'indifférence du sujet à l'égard de tout le reste.

A ux yeux du passionné, une seule chose compte : l'être aimé (dans le c a s de la passion amoureuse), l'argent (pour I'avare), la conquête du pouvoir (chez l'ambitieux)...

Tout le reste de l'univers est dévalorisé.

A insi la passion n'est pas simplement une émotion prolongée.

En effet, il y a dans la passion quelque chose d'organisé, de cohérent et de systématique qu'on ne trouve pas dans l'émotion, qui est plutôt une réaction brutale et passagère, une sorte d'orage affectif.

«L'émotion agit comme une eau qui rompt la digue, précise Kant dans son A nthropologie (1798) ; la passion comme un courant qui creuse toujours plus profondément son lit.

» « Ce que l'émotion de la colère ne fait pas dans le moment de l'exaspération, elle ne le fait pas du tout ; de plus, elle s'oublie aisément.

Mais la passion de la haine prend son temps pour s'enraciner profondément et pour penser à son ennemi [...].

Celui qui va en colère vous trouver dans votre chambre pour vous dire des gros mots dans son emportement, engagez-le poliment à s'asseoir ; si cela réussit, ses injures seront déjà moins violentes, parce que la commodité d'être assis est une absence de tension musculaire qui va mal avec des gestes menaçants et les cris de l'homme dressé.

La passion, au contraire, se donne du temps, si violente qu'elle puisse être, pour atteindre sa fin ; elle est réfléchie.

L'émotion agit comme une eau qui rompt sa digue ; la passion comme un torrent qui se creuse un lit de plus en plus profond [...]. Où il y a beaucoup d'émotion, il y a généralement peu de passion.

On voit facilement que les passions, justement parce qu'elles peuvent se concilier avec la réflexion la plus tranquille, portent une grande atteinte à la liberté, et que, si l'émotion est une ivresse, la passion est une maladie qui résiste à tous les moyens thérapeutiques [...].

L'émotion ne porte qu'une atteinte momentanée à la liberté et à l'empire sur soi.

La passion en est l'abandon et trouve son contentement dans le sentiment de la servitude.

» KANT. questions indicatives Différences(s) de l'émotion et de la passion en regard du temps ? Importance de ces remarques ? La passion est « réfléchie » ? cela signifie-t-il qu'elle est rationnelle ? cela signifie-t-il qu'elle est raisonnable? Pourquoi, selon Kant, les « passions » portent-elles la plus grande atteinte à la liberté ? Kant distingue ici entre passion et émotion.

C elle-ci est éphémère et irréfléchie, celle-là, durable et réfléchie.

C 'est pourquoi la passion constitue une atteinte à la liberté et à l'empire sur soi beaucoup plus profonde que l'émotion.

Il peut être bon de considérer cette déduction comme un paradoxe.

Pour quelles raisons, en effet, Kant, alors qu'il admet l'alliance de la plus froide réflexion et de la passion, prétend-il que celle-ci est plus préjudiciable à la maîtrise de soi que l'émotion qui déroute notre raison ? L'émotion est soudaine et, parce qu'elle est imprévisible, l'homme qui en est la victime perd subitement tout empire sur lui-même ; il est « hors de lui ». La colère fournit ici un excellent exemple, mais il serait également possible d'évoquer la frayeur.

L'émotion est accompagnée de réactions corporelles plus ou moins marquées : tremblements, rires nerveux et, dans le cas de la colère, une tendance à frapper.

C ertains philosophes, comme William James, se sont d'ailleurs demandés si ces réactions n'étaient pas la cause véritable de l'émotion.

Si, en effet, nous essayons de nous représenter un homme en colère sans les phénomènes corporels qui accompagnent cette émotion, nous imaginons un homme qui juge, sans s'émouvoir un seul instant, opportun de frapper qui l'a offensé.

A utrement dit, cet homme, qui n'a pas du tout perdu le contrôle de lui-même, joue la colère mais ne l'éprouve pas vraiment.

On comprend alors la sagesse du conseil de Kant : ôter à l'émotion son cortège de corrélats corporels, c'est réduire aussitôt son intensité.

L'homme en colère qui accepte de s'asseoir se calme sans délais. Un tel remède n'a malheureusement aucune efficacité sur les passions.

La haine ne s'oublie pas du jour au lendemain.

Elle est, contrairement à la colère, lourde d'arrière-pensées et calcule, avec un sang-froid qui fait frémir, les moyens d'atteindre son but.

Dès lors, on comprend que l'aliénation passionnelle soit beaucoup plus grave que l'égarement émotionnel.

La passion se sert de la raison, l'enrôle à son service.

C royant disposer d'une certitude qu'il ne veut pas remettre en doute, l'homme passionné use de sa raison pour justifier sa passion.

L'homme en proie à la haine trouve toujours plus de raisons d'haïr son ennemi, l'amoureux, d'aimer sa belle, le jaloux, de suspecter sa compagne — qu'on pense à Othello...

Leur servitude est totale car si la raison est momentanément déroutée par l'émotion, elle est durablement dévoyée par la passion. C.

Le passionné voit le monde à travers sa passion C omme l'ont montré les psychologues, les moralistes et les romanciers, l'état de passion implique à la fois un enrichissement et un dessèchement de l'affectivité.

L'objet de la passion devient la source des émotions les plus vives.

Le père Grandet est d'une extrême sensibilité pour tout ce qui touche à son argent, mais à l'égard de ses proches, c'est un coeur sec, un monstre d'insensibilité.

Et si le passionné ne manifeste pas toujours cette indifférence, s'il semble parfois s'intéresser à d'autres choses qu'à l'objet défini de sa passion (l'amoureux, par exemple, devient sensible à la musique), c'est précisément parce qu'il aperçoit le monde entier à travers son délire, parce qu'il « projette » sa passion sur l'univers.. »

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