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Pascal, « Qu’est-ce que le moi ? »

Publié le 01/12/2023

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« Pascal, « Qu’est-ce que le moi ? » Exemple d’une première et d’une deuxième partie d’explication de texte. Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on ? moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même.

Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste.

On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées. Blaise Pascal - Pensées (688 - Édition Lafuma, 323 - Édition Brunschvicg) I – Présentation du texte et de ses difficultés Ce texte de Pascal est introduit par une question simple : « Qu’est-ce que le moi ? », question qui précède deux paragraphes dans lesquels on peut distinguer deux parties et une conclusion.

La première partie est composée d’une série de trois questions-réponses, qui semblent vouloir séparer l’idée du moi de ce qui n’est pas elle, c’est-à-dire l’ensemble des qualités, même des qualités « morales ».

La deuxième partie est elle aussi constituée d’une série de questions : l’auteur semble indiquer que le moi est inconnaissable, inaccessible (« Où est donc ce moi… ? »), et que l’illusion qu’il soit possible d’aimer quelqu’un pour son « moi » doive céder la place à ce constat un peu amer : « On n’aime jamais personne, mais seulement des qualités ».

La conclusion, paradoxale, est en forme de morale : ne méprisons pas ceux qui courent après les honneurs, car s’il y a quelque chose de non superficiel, il est probablement inaccessible, et nous ne nous attachons jamais à la « substance de l’âme », mais uniquement à des « qualités empruntées ». Commentaire [E1]: Présentation linéaire « globale » On peut remarquer que cette structure linéaire se double d’une structure thématique : à la question de la nature du moi se superpose la question : qu’aime-t-on quand on aime ? La première semble ne recevoir aucune réponse satisfaisante (ce qui est sans doute un type de réponse) ; la seconde aboutit à la conclusion pessimiste en apparence : « on n’aime jamais personne… », et justifie la conclusion (« Qu’on ne se moque donc plus… car on n’aime personne que pour des qualités empruntées »).

Ces deux questionnements sont évidemment ici solidaires.

Le lien entre les deux questions est donc sans doute un des enjeux d’une interprétation de ce texte. Commentaire [E2]: Présentation thématique (mais qui annonce aussi, pour finir, un plan possible, ou une piste de travail). Si nous rentrons dans le détail de ce texte, un certain nombre de difficultés se surajoute à l’aspect déjà obscur du passage. Pascal entend-il répondre ici à sa question initiale ? Ce qu’est le moi, il le dit, ou plutôt il le définit : le texte assimile le « moi » à la « personne », et plus précisément à la « substance de l’âme ».

Cette définition même ne semble pas contestable : le terme pourrait aussi désigner (comme d’ailleurs le terme de « personne »), cette « substance de l’âme et ses qualités, comme d’ailleurs l’ensemble âme-corps ; mais Pascal isole ici, en quelque sorte, un objet particulier, auquel le nom de moi s’applique spontanément assez bien , désignant en gros ce qui me définit, ce qui m’est le plus essentiel, voire le support de toutes mes qualités, par opposition à ce qui se succède en moi, et n’affecte pas mon essence.

Définition recevable, donc, qui revient apparemment simplement à préciser ce dont parle ici Pascal.

Mais cette définition suffitelle ? Visiblement, il demeure difficile de savoir ce qu’est ce moi, s’il ne se confond avec aucune des « qualités ».

Pascal n’en arrive-t-il pas à douter de la pertinence même de cette idée, lorsqu’il pose cette question : « Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’âme ? » Le texte vise-t-il donc à nous donner une réponse, ou à nous faire comprendre une difficulté ? La première partie est donc composée de trois questions-réponses, qui soulèvent chacune des interrogations bien distinctes.

L’homme qui s’est mis à la fenêtre pour regarder les passants s’est-il mis là pour me voir ? Évidemment non.

La réponse est évidente, mais quel est le lien avec la question initiale ? Il ne viendrait à l’idée de personne de confondre ce qu’on est avec le fait d’être un passant.

Alors pourquoi cet exemple ? Le deuxième exemple paraît moins étonnant, mais bien banal : je ne suis pas ma beauté ; ma beauté peut passer, je demeure « moi » ; sans doute pas « le même », mais c’est bien « moi » qui change, et qui de beau deviens laid par la petite vérole ; tout cela est clair, et semble pour tout dire assez banal.

Avions-nous besoin de Pascal pour nous dire que nos qualités physiques ne constituent pas ce qui fait le « moi » ? Que lorsque je dis : « j’ai changé », il est bien clair que la formule suppose à la fois une succession de qualités (la beauté, puis la laideur) et l’identité du sujet, sans quoi on ne parlerait même pas de changement ? Les qualités physiques se succèdent, elles sont « périssables » ; le moi demeure.

Qui s’attache au périssable ne s’attache pas au moi. Le troisième exemple est plus paradoxal, car il nous semble légitime d’assimiler le « moi » à ce qu’on appelle les « qualités morales », au moins, précisément, les moins passagères, les moins « périssables ». Pourtant ici encore Pascal vient dire : « si l’on m’aime pour ma mémoire et mon jugement, m’aime-t-on, moi ? Non, car je peux perdre ces qualités sans me perdre ».

L’idée dérange, car nous avons tendance à identifier le moi aux qualités morales, au moins les plus permanentes ; et il semble bien que la « mémoire » et le « jugement » (sans doute faut-il entendre ici l’intelligence) ne soient que deux exemples de ces facultés qui semblent définir mon individualité, me caractériser, bref être de celles auxquelles je ferais appel pour dire ce que je suis ; l’argument dérange, car nous savons bien que c’est une question, parfois douloureuse, de savoir si un être qui a perdu mémoire et jugement (comme cela semble être le cas dans la maladie d’Alzheimer), est encore la même « personne ».

Si j’y réfléchis, je constate qu’en un sens j’ai tendance à penser le moi comme le sujet des qualités (et c’est ainsi que semble le penser Pascal avec un maximum de cohérence) ; en un autre sens j’ai tendance à l’identifier à certaines de ces qualités, que je désignerai comme « essentielles ».

Ne faut-il pas choisir ? Pour le moins, Pascal nous invite ici à un nettoyage de nos pensées. La deuxième partie semble se résumer à deux conclusions pessimistes : le moi est peut-être inconcevable ; le moi n’est jamais l’objet de l’amour.

C’est cette dernière conclusion qui est la plus développée.

Concernant la première, on pourrait la comprendre ainsi : si je me tiens à cette définition du moi comme sujet des qualités, et surtout des qualités morales, je ne peux rien en dire ; on en viendrait presque à se demander si cette idée conserve un sens (« Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni Commentaire [E3]: Retour sur la question initiale.

Rappel, questionnements. Commentaire [E4]: Ici il est clair que j’ai « commenté » un peu.

Mais c’est pour écarter une approche « polémique » qui n’a pas lieu d’être.

Dire qu’on peut entendre par « moi » autre chose que ce qu’entend ici Pascal, ce n’est pas encore énoncer un point de désaccord avec l’auteur.

Il faut se situer sur le terrain du texte, c’est-à-dire accepter de ne pas parler que de ce dont il est question ici. Commentaire [E5]: Retour sur la première partie (pour chaque sous-partie, rappel, questionnement). Commentaire [E6]: Ici, évidemment, je situe ma question au-delà de quelque chose que je considère comme clair (mais que je rappelle au correcteur), ce qui nécessite un peu d’analyse à l’intérieur de ce travail de présentation. Commentaire [E7]:.... »

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