Parler, est-ce que c'est naturel ?
Extrait du document
«
Introduction
C'est généralement en approchant de ses deux ans que l'enfant se met à parler.
La parole semble alors lui venir
« naturellement », dans le sens où il n'apprend pas encore exactement à parler ; simplement parvient-il finalement à
énoncer ses premiers mots, en répétant ceux des parents.
Le fait est que la nature a fourni à l'enfant les outils pour la parole.
Toutefois ces outils se réduisent-ils aux organes
utilisés pour formuler un mot ? En supposant cela, le perroquet est alors tout comme l'homme capable de parler, lui
aussi en répétant ce qu'il entend.
Qu'est-ce qui est alors spécifique à la parole humaine ?
La parole est un acte d'expression par lequel on fait usage d'une langue.
C'est évidemment bien plus que ce dont est capable un perroquet.
Mais alors la question de savoir ce qui est naturel
dans le fait de parler, de prendre un jour la parole, est loin d'être résolue.
Un enfant à qui on n'aurait jamais adressé la parole se mettrait-il un jour à parler ? Il est permis d'en douter.
Par
opposition à la nature, est-ce alors la culture qui permet alors de parler ? la parole est-elle culturelle ?
Chaque culture a son langage.
De ce fait, celui-ci est proprement culturel.
Mais la parole n'est pas exactement le
langage – pas plus qu'elle n'est la communication.
Sous la culture, sous chaque culture, y a-t-il alors une nature de l'homme à laquelle appartient le fait de parler ?
Pour s'interroger quant au fait de savoir s'il est naturel de parler ou non, il convient donc d'articuler deux analyses :
d'une part il faut étudier ce qu'est la parole, d'autre part il faut se demander ce que signifie le « naturel » dans le
comportement de l'homme.
Car cela peut avoir plusieurs sens en effet.
Il peut s'agir évidemment de ce qu'il y a
d'inné en l'homme, de ce qui lui appartient d'emblée du simple fait qu'il vient au monde.
Mais un comportement
naturel c'est aussi un comportement spontané, une « façon de faire ».
Par exemple, il n'est pas « naturel » pour
tous ceux qui ont des tracas d'en « parler » ; ou encore, face à un conflit par exemple, la parole n'est pas toujours
la réponse naturelle, immédiate.
Alors en quel sens et jusqu'à quel point est-il naturel ou non de parler ?
Dans une première partie, on essaiera de cerner plus précisément ce qu'est la parole.
Ensuite, on montrera que la
parole doit être transmise par la culture, pour en déduire que ce qu'il y a de décisif dans le fait de parler n'est pas
naturel.
Enfin, on se demandera s'il n'est pas possible d'envisager que la culture elle-même soit un dessein de la
nature.
Dans ce cas là il redeviendrait alors « naturel » de parler.
Première partie : Qu'est-ce que parler ?
a)
le langage est lié à la pensée
Descartes, Discours de la méthode, 5e partie.
« [...] On peut aussi connaître la différence qui est entre les hommes et les bêtes.
Car c'est une chose
bien remarquable qu'il n'y a point d'hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés, qu'ils ne
soient capables d'arranger ensemble diverses paroles, et d'en composer un discours par lequel ils fassent entendre
leurs pensées; et qu'au contraire il n'y a point d'autre animal, tant parfait et tant heureusement né qu'il puisse être,
qui fasse le semblable.
Ce qui n'arrive pas de ce qu'ils ont faute d'organes : car on voit que les pies et les
perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c'est-à-dire
en témoignant qu'ils pensent ce qu'ils lisent; au lieu que les hommes qui étant nés sourds et muets sont privés des
organes qui servent aux autres pour parler,- autant ou plus que les bêtes, ont coutume d'inventer d'eux-mêmes
quelques signes, par lesquels ils se font entendre à ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d'apprendre leur
langue Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu'elles n'en ont
point du tout : car on voit qu'il n'en faut que fort peu pour savoir parler; et d'autant qu'on remarque de l'inégalité
entre les animaux d'une même espèce, aussi bien qu'entre les hommes, et que les uns sont plus aisés à dresser que
les autres, il n'est pas croyable qu'un singe ou un perroquet qui serait des plus parfait.
de son espèce n'égalât en
cela un enfant des plus stupides, ou du moins un enfant qui aurait le cerveau troublé, si leur âme n'était d'une
nature toute différente de la nôtre.
Et on ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels, qui
témoignent les passions, et peuvent être imités par des machines aussi bien que par les animaux; ni penser, comme
quelques anciens, que les bêtes parlent, bien que nous n'entendions pas leur langage.
Car s'il était vrai, puisqu'elles.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓