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On ne peut pas mûrir pour la liberté si l'on n'a pas été préalablement mis en liberté. Kant

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? Cette remarque de Kant figure dans une note de bas de page au paragraphe 4 de la deuxième section de la quatrième partie de La Religion dans les limites de la simple raison, ouvrage du philosophe allemand publié en 1793. Dans ce livre qui lui valut d'ailleurs des démêlés avec la censure de son temps, Kant, distinguant religion naturelle et religion révélée, s'attache à démontrer qu'il existe un accord possible entre la philosophie morale qu'il avait élaborée dans ses travaux précédents et les principes religieux que pose le christianisme.

« On ne peut pas mûrir pour la liberté si l'on n'a pas été préalablement mis en liberté.

Kant Cette remarque de Kant figure dans une note de bas de page au paragraphe 4 de la deuxième section de la quatrième partie de La Religion dans les limites de la simple raison, ouvrage du philosophe allemand publié en 1793.

Dans ce livre qui lui valut d'ailleurs des démêlés avec la censure de son temps, Kant, distinguant religion naturelle et religion révélée, s'attache à démontrer qu'il existe un accord possible entre la philosophie morale qu'il avait élaborée dans ses travaux précédents et les principes religieux que pose le christianisme. Au détour d'une note de bas de page, dense et percutante, Kant expose donc sa conception de la liberté.

Il le fait en réfutant le discours de son temps, celui qui consiste à voir dans la liberté un bien inaccessible à la masse, incapable d'en jouir sans risque car éternellement mineure : «J'avoue que je ne m'accommode pas bien de l'expression dont se servent des hommes pourtant avisés : tel peuple (que l'on conçoit en train d'élaborer sa liberté légale) n'est pas mûr pour la liberté, les serfs d'un propriétaire terrien ne sont pas encore mûrs pour la liberté; et ainsi de même; les hommes en général ne sont pas encore mûrs pour la liberté de croire.

» Ce que Kant montre de manière très claire, c'est qu'à tenir ce discours, on ne peut que repousser indéfiniment le moment de l'émancipation des peuples et des individus.

En effet, il poursuit : « Mais suivant une telle hypothèse la liberté ne surgira jamais.

Car on ne peut pas mûrir pour la liberté si l'on n'a pas été préalablement mis en liberté (on doit être libre pour se servir utilement de ses forces dans la liberté).

» Les idées exposées ici sont extrêmement proches de celles développées par Kant dans des textes antérieurs comme Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée? (1786) et surtout Qu'est-ce que les Lumières? (1784).

Répondant dans le Berlinische Monatsschrift à une question posée par le pasteur Miner, Kant avait tracé un bref tableau d'une humanité confinée dans la servitude et la minorité par la mauvaise foi de tuteurs décrivant la liberté comme le plus dangereux des états et ceci afin, bien entendu, d'asseoir leur propre pouvoir : « Que la plupart des hommes (et parmi eux le sexe faible tout entier) finissent par considérer le pas qui conduit à la majorité, et qui est en soi pénible, également comme très dangereux, c'est ce à quoi ne manquent pas de s'employer ces tuteurs qui, par bonté, ont assumé la tâche de veiller sur eux.

Après avoir rendu tout d'abord stupide leur bétail domestique, et soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ont enfermées, ils leur montrent ensuite le danger qu'il y aurait à essayer de marcher tout seul.

Or le danger n'est sans doute pas si grand que cela, étant donné que quelques chutes finiraient bien par leur apprendre à marcher; mais l'exemple d'un tel accident rend malgré tout timide et fait généralement reculer devant toute autre tentative.

» Kant définit donc les Lumières comme le mouvement d'émancipation par lequel les individus aliénés retrouvent en eux l'usage propre de leur raison et donc leur liberté : « Les Lumières se définissent comme la sortie de l'homme hors de l'état de minorité, où il se maintient par sa propre faute. La minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre.

Elle est due à notre propre faute quand elle résulte non pas d'un manque d'entendement, mais d'un manque de résolution et de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre.

Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières.

» Kant affirme donc dans ces divers textes l'existence de la liberté pour laquelle, comme il l'écrit, Dieu a créé l'homme.

Il souligne également que cette liberté, c'est seulement par l'usage qu'elle prendra sa signification véritable.

La liberté ne peut en effet être donnée de l'extérieur — quelle valeur aurait-elle alors? — elle doit être l'objet d'une expérience personnelle : il faut prendre le risque de sa liberté afin de pouvoir en découvrir la nature et en éprouver la réalité. Mais c'est une mise en garde qu'également Kant nous adresse.

Mise en garde d'abord à l'attention de ceux qui par leur sophisme soutiennent que l'homme est fait, par nature, pour une servitude qui ne sert que leur désir de puissance.

Mise en garde surtout pour ceux qui revendiquent cette liberté qui leur est due.

Kant souligne en effet que si l'émancipation est la condition première et nécessaire pour l'apprentissage de la liberté, elle est également très dangereuse car on ne passe pas sans risques, et d'un coup, de la servitude à la liberté : «Les premiers essais (de la liberté) seront sans doute grossiers et liés d'ordinaire à une condition plus pénible et plus dangereuse que lorsqu'on se trouvait encore sous les ordres mais confié aux soins d'autrui.

» Le chemin vers la liberté, affirmait déjà Kant dans Qu'est-ce que les Lumières?, ne peut être que long et difficile.

Il ne naîtra pas d'une rupture violente et soudaine, mais d'une progressive conversion : « Un public ne peut accéder que lentement aux Lumières.

Une révolution entraînera peut-être le rejet du despotisme personnel et de l'oppression cupide et autoritaire, mais jamais une vraie réforme de la manière de penser; bien au contraire, de nouveaux préjugés tiendront en lisière, aussi bien que les anciens, la grande masse irréfléchie.

» La mise en garde de Kant et surtout la critique de la servitude qu'il formule s'adressent bien entendu encore à notre temps.

Le sophisme qu'il démonte et dénonce — celui qui consiste à refuser la liberté aux peuples en alléguant de leur incapacité à assumer cette liberté — a servi à tous les régimes : c'est en son nom, par exemple, qu'on a longtemps refusé aux peuples colonisés leur indépendance, prétextant d'une sorte de minorité culturelle et politique qui leur aurait interdit de se prendre en charge seuls.. »

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