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Montesquieu et la politique

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L'effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l'une a intérêt d'acheter, l'autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. Mais, si l'esprit de commerce unit les nations, il n'unit pas de même les particuliers. Nous voyons que dans les pays où l'on n'est affecté que de l'esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l'humanité demande, s'y font ou s'y donnent pour de l'argent. L'esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d'un côté au brigandage, et de l'autre à ces vertus morales qui font qu'on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu'on peut les négliger pour ceux des autres.

« L'effet naturel du commerce est de porter à la paix.

Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l'une a intérêt d'acheter, l'autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. Mais, si l'esprit de commerce unit les nations, il n'unit pas de même les particuliers.

Nous voyons que dans les pays où l'on n'est affecté que de l'esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l'humanité demande, s'y font ou s'y donnent pour de l'argent. L'esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d'un côté au brigandage, et de l'autre à ces vertus morales qui font qu'on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu'on peut les négliger pour ceux des autres. MONTESQUIEU I - LES TERMES DU SUJET Les concepts centraux ici sont évidemment ceux de "commerce" et d'"esprit de commerce". MONTESQUIEU note d'abord que le commerce possède la vertu de rapprocher les peuples (paragraphe 1).

Il remarque ensuite (paragraphe 2) que, s'agissant des particuliers, le concours du commerce est plus ambigu.

Le commerce dégénère souvent en trafic.

Il indique enfin que l'esprit de commerce (qu'on pourrait aussi appeler "disposition au commerce") développe un certain "sentiment de justice". "Commerce" peut du reste s'entendre en un sens étroit et en un sens large : il peut s'agir des échanges marchands mais aussi bien des échanges en général (au sens où on parle du "commerce de quelqu'un").

Cependant, c'est primordialement du sens étroit qu'il s'agit ici. II - ANALYSE DE L'ARGUMENT DU TEXTE MONTESQUIEU soutient que le commerce est vecteur de paix entre les nations.

Cette thèse peut surprendre en ceci que, comme le rappellera MAX WEBER, les rapports entre Etats sont des rapports entre puissances. Mais reconnaître qu'existent des différends commerciaux, c'est aussi reconnaître que ces derniers ne prennent pas un tour d'affrontement militaire.

Affrontement commercial entre puissances ne signifie pas congé donné à la paix. La raison principale, rappelée par MONTESQUIEU lui-même est que le commerce crée des liens réciproques de dépendance : chaque pays a besoin de l'autre dans la mesure où l'un produit ce que l'autre ne produit pas.

On peut même aller plus loin et remarquer, comme le fera plus tard RICARDO, qu'un pays peut avoir intérêt à acheter à l'étranger ce qu'il produit lui-même s'il peut en contrepartie lui vendre autre chose. Aussi les échanges marchands créent-ils des liens d'interdépendance, qui font que chaque pays n'a pas intérêt à attaquer militairement l'autre.

Même s'il n'y a pas communauté d'intérêts, il y a au moins intérêt à ne pas attaquer l'autre. Le commerce joue donc ici un rôle formellement comparable à celui de la Société des Nations dans le Projet de paix perpétuelle de KANT.

Le besoin mutuel est donc un instrument préventif contre les conflits. Il n'en va pas de même s'agissant des particuliers, hélas.

MONTESQUIEU a en vue les formes dégénérées du commerce (le trafic) et l'inclusion dans la sphère marchande "de toutes les valeurs morales". Ce n'est donc pas le commerce -évidemment- qui est en cause mais les situations où il n'y a QUE l'esprit de commerce, sans que rien ne vienne le contrebalancer. Pour reprendre une expression pascalienne, il convient que l'esprit de commerce reste dans son ordre, sinon, c'est la tyrannie du commerce et de l'argent sur toute chose, qui s'impose. L'esprit de commerce, selon MONTESQUIEU, induit enfin un "sentiment de justice exacte".

L'auteur oppose ce sentiment au brigandage mais aussi aux attitudes morales dans lesquelles on ne place pas ses intérêts au premier plan. Négliger ses intérêts pour ceux des autres, c'est ne plus commercer. III - QUELQUES REFERENCES POSSIBLES - KANT, Projet de paix perpétuelle, Idée d'une histoire universelle (propositions IV, V, VI, VII) - SMITH, La Richesse des Nations IV - LES CONTRESENS Il faut éviter le point de vue moralisateur et ne pas limiter le propos du texte à ce qui est dit au paragraphe 2. Par conséquent, il convient d'expliquer en quoi le commerce peut bénéficier aux deux partenaires de l'échange et les placer dans une situation de dépendance bénéfique. V - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR Texte suggestif mais dont le propos - en particulier dans le dernier paragraphe - est elliptique et demande à être établi soigneusement. L'intérêt du passage est d'obliger les candidats à sortir d'une vision unilatérale du commerce (trafic, mercantilisme) pour envisager les vertus de rapprochement et de pacification qu'il recèle. Ce n'est pas la "ruse de la raison" hegelienne (la paix se réalisant par son contraire) mais un "effet naturel" qui bénéficie aux différents protagonistes.. »

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