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Mémoire et liberté ?

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« Mémoire et liberté a) Oubli de l'histoire, aliénation et servitude Si la mémoire d'un peuple constitue sa pensée, l'oubli du passé entraîne l'oubli de sa propre identité, et le peuple devient alors étranger à lui même.

De là les discours sur la "perte" et la "recherche des racines" chez les peuples qui s'émancipent. L'oubli du passé, du moins d'un certain passé, surtout politique, oubli volontaire ou imposé et qui a le plus souvent pour corollaire une reconstruction tendancieuse de ce passé, peut mener à une perte de liberté politique, où l'accompagner, selon la maxime illustrée par le roman d'Orwell, 1984 : « Celui qui maîtrise le passé maîtrise le présent ».

(On pense notamment ici aux falsifications et aux réécritures permanentes de l'histoire dans les systèmes totalitaires, par exemple dans l'U.R.S.S.

stalinienne.) b) La maîtrise du présent et de l'avenir La mémoire du passé conçue comme une connaissance objective de ce passé est nécessaire à un peuple pour tenter de comprendre les lois qui régissent les actions humaines, afin de les utiliser pour la réalisation de ses projets.

En ce sens, l'examen du passé répond à une volonté de comprendre sa situation présente et les diverses décisions possibles à l'éclairage d'autres situations. Toutefois cette utilité de la connaissance du passé a été contestée, par exemple par Paul Valéry, pour qui l'histoire, contenant des exemples de tout, justifie tout ce que l'on veut, de sorte qu'elle ne saurait rigoureusement rien enseigner ; aussi, toujours selon Valéry, l'histoire serait « le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré.

Ses propriétés sont bien connues.

Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, insupportables et vaines ». Cependant on peut tout aussi bien considérer que la connaissance objective du passé, liée à celle du présent, est susceptible de constituer au moins un principe de réalité qui invite à la modestie, au relativisme culturel, et assure à un peuple que le destin et l'idéal de vie choisis ne sont pas chimériques, ou qui invite à les modifier.

Elle est en quelque sorte la pierre de touche du bien-fondé de l'engagement existentiel d'un peuple, lui permettant notamment de comprendre quelle est la valeur réelle de ses valeurs.

Le sens historique, explique Heidelberg, est la seule protection contre cette espèce de duperie de soi-même qui se répète chez les individus, chez les peuples et dans tous les âges, et qui consiste à considérer comme universellement humain ce qui nous est particulier.

En faisant abstraction, dans les institutions de quelques particularités saillantes, on avait établi, jadis, un droit naturel qu'on considérait comme l'expression immédiate de la raison.

Maintenant il n 'est personne qui ne considère comme pitoyable un tel procédé.

Mais tous les jours nous voyons encore des gens qui considèrent leurs concepts et leurs opinions juridiques comme purement rationnels, pour la seule raison qu'ils n'en connaissent pas les origines.

Dès que nous ne nous rendons plus compte de notre relation individuelle avec la totalité du monde et de son histoire, nous devons nécessairement voir nos idées sous la fausse lumière de la généralité et l'originalité.

Contre cela nous ne sommes protégés que par le sens historique dont l'application la plus difficile est, certes, celle qui se dirige sur nous-mêmes.

» (La vocation de notre temps pour la législation et la jurisprudence, 1814, p.

5). La mémoire est ainsi une des conditions essentielles à un plein exercice de la liberté : « En s'occupant du passé, on décide de soi-même.

» (E.

Weil, Essais et conférences, I, p.

210).. »

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