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MACHIAVEL: la fortune est femme

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La fortune est femme. MACHIAVEL

« PRESENTATION DU "PRINCE" DE MACHIAVEL Machiavel (1469-1527) est conseillé politique de la ville de Florence, à une époque où elle est menacée par des crises intérieures, mais aussi par les royaumes voisins.

Ces derniers n'hésitent pas à s'allier à la France et à l'Espagne pour affronter Florence, se pliant ainsi à la convoitise des deux grandes puissances étrangères.

C'est pour éviter ce genre de crise et d'assujettissement que Machiavel écrit Le Prince qui soulève quelques paradoxes : dédicacé à Laurent de Médicis, il donne au prince des conseils des plus cyniques pour régner ; mais, en même temps, il dévoile au peuple les ficelles du pouvoir.

On est donc à la fois dans la représentation et dans les coulisses du pouvoir. La fortune est femme. C’est au chapitre 25 du « Prince » : « Ce que la fortune peut dans les choses humaines et comment on peut lui résister », que l’on retrouve la formule : « il est meilleur d’être impétueux que circonspect, car la fortune est femme, et il est nécessaire à qui veut la soumettre de la battre et la rudoyer ». Machiavel utilise le terme fortune dans son sens traditionnel de puissance aveugle, régie par le hasard, qui dispose du cours du monde et de la vie des hommes.

Il s’agit donc de s’interroger sur ce que peut l’homme et plus précisément l’homme politique confronté à la prétendue fortune. Le chapitre 25 débute de la sorte : « Je n’ignore pas que beaucoup ont été et sont dans l’opinion que les choses du monde soient de telle sorte gouvernées par la fortune et par les dieux, que les hommes avec leur sagesse ne puissent les corriger (…) Cette opinion a été plus en crédit de notre temps à cause des grands changements qu’on a vus et voit chaque jour dans les choses, en dehors de toute conjecture humaine.

» Cette opinion commune, alimentée par les malheurs du temps, l’instabilité politique propre à l’Italie de la Renaissance, amène à une sorte de désespoir.

L’action humaine serait vaine et réduite à l’impuissance face à la Providence et à ses desseins impénétrables (la Providence répond à cette idée que le cours de l’histoire est régi par la volonté divine) ou encore face à la puissance aveugle et hasardeuse de la fortune.

Or cette conception ruinerait toute tentative machiavélienne et plus radicalement tout essai de penser l’action politique et ses conditions. Ce chapitre s’inscrit donc au cœur de deux préoccupations propres à Machiavel.

D’une part il s’agit comme dans tout le « Prince » de proposer les conditions d’une action politique efficace, et d’une stabilité politique qui fait cruellement défaut à l’Italie.

D’autre part, Machiavel balaye toute différence entre histoire sacrée et histoire profane : ainsi comme il avait précédemment éliminé toute différence essentielle entre un législateur sacré comme Moise et un législateur profane, comme Thèsée ou Lycurgue, Machiavel place-t-il ici la Providence et la Fortune sur le même plan. La formule ici éclaire le double projet de Machiavel dans notre passage. Il s’agit tout d’abord de récuser la notion de hasard pour restaurer les droits de l’action politique efficace.

Ainsi lit-on que l’on peut soumettre la fortune, qui n’est donc qu’une puissance imaginaire.

Elle n’est pas une puissance impossible à maîtriser qui s’imposerait à nous malgré nos actes et nos volontés, un destin, mais quelque chose que nous pouvons diriger. Mais d’autre part, l’idée de l’audace nécessaire à l’action politique, les notions de lutte et de violence tendent à montrer qu’il n’y a pas de modèle précis de l’action politique, que celle-ci contient toujours une part irréductible d’aventure, de risque. Aussi Machiavel se bat-il sur deux fronts ; : contre l’idée irrationnelle de fortune ou de destin qui pousse au désespoir et contre l’illusion inverse d’une possibilité de totale maîtrise de l’action. Pour remplir son premier objectif, Machiavel compare la fortune aux fleuves en crue « qui, lorsqu’ils se courroucent, inondent les plaines, renversent les arbres et les édifices […] chacun fuit devant eux, tout le monde cède à leur fureur ».

La métaphore rend bien compte de l’idée d’une force naturelle déchaînée et irrésistible, devant laquelle il est vain de lutter.

Mais : « il n’en reste pas moins que les hommes, quand les temps sont calmes, y peuvent pourvoir par digues et par levées.

» Autrement dit l’idée de fortune n’est qu’une illusion résultant de l’imprévoyance des hommes.

De même qu’on ne peut prévoir le moment et la force de la crue, mais qu’on sait qu’elle peut avoir lieu et donc prévoir et aménager l’avenir pour rendre cette crue inoffensive, de même les risques politiques sont prévisibles et aménageables. « Il en est de même pour la fortune, qui manifeste sa puissance là où il n’y a pas de forces organisées pour lui résister.

» La fortune, le destin, ne désignent aucune force positive, mais ne sont que l’envers de l’absence d’organisation des hommes.

Si toute la vertu, la virtuosité politique (la « virtù ») consiste pour Machiavel a « jeter de bons fondements », alors la fortune n’est que la projection illusoire de l’absence de « virtù » des hommes. C’est dans les moments de calme politique que le dirigeant vertueux sait prévoir, anticiper et par suite conjurer les dangers politiques.

Il s’agit donc de comprendre ses propres forces pour éliminer l’idée de fortune ou de destin « qui manifeste sa puissance là où il n’y a pas de forces organisées pour lui résister ».. »

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