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L'inconscient est-il notre ennemi ?

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« [Le rêve nous révèle les forces primitives, sauvages, qui sommeillent en nous.

L'inconscient est la partie vicieuse et redoutable de l'homme.

Animé par des désirs archaïques, il est totalement immoral.] Quand l'homme dort, les démons qui l'habitent se réveillent Platon, dans La République, dépeint ce qui se passe lorsque la partie de l'âme qui raisonne s'endort et cesse de commander l'autre partie, la «partie bestiale et sauvage». «Il n'est point d'audace devant quoi elle recule», écrit-il.

Elle est capable «de se souiller de n'importe quel meurtre», de se complaire dans la plus immorale des luxures, de devenir, comme Oedipe, amant de sa mère et assassin de son père. L'inconscient ignore la morale « L'inconscient est une méprise sur le moi, c'est une idolâtrie du corps.

On a peur de son inconscient.

» ALAIN. Alain, professeur de philosophie, journaliste, écrivain se consacre à la diffusion d'une pensée rationaliste qui réfute les courants à la mode au profit de la « grande philosophie » traditionnelle, représentée, selon lui, par Platon, Descartes, Hegel, Comte.

Il considère la philosophie comme un instrument de libération où l'esprit maîtrise l'imagination et les désordres de la passion.

Cette victoire de la raison, qui est toujours à recommencer, passe par la soumission du corps et le rejet des inerties « qui, si on n'y prend garde, prennent le masque de la pensée.

» Aussi Alain refuse-t-il, chaque fois qu'il a à s'exprimer sur ce point, la croyance à l'inconscient.

Dans « Éléments de philosophie », il écrit : « L'inconscient est une méprise sur le moi, c'est une idolâtrie du corps.

On a peur de l'inconscient ; là se trouve logée la faute capitale.

Un autre moi me conduit qui me connaît et que je connais mal. L'hérédité est un fantôme du même genre.

» (Livre II, chapitre XVI). Ici la formule est empreinte d'une certaine réserve, mais souvent la dénonciation est beaucoup plus violente.

Ainsi, dans son « Histoire de mes pensées », il écrit : « J'allais ainsi contre le plus fort préjugé des temps modernes ; et de toute façon je devais être jugé sévèrement par tous les docteurs, du moment que je n'adorais pas à quatre pattes l'inconscient, le subconscient, le seuil de conscience, et d'autres articles de la philosophie simiesque.

» En tout cas, elle est de principe : « Dans les disputes sur l'inconscient, où, contre toutes les autorités établies et reconnues, je ne cède js un pouce de terrain » (« Sentiments, Passions et Signes »). Ce n'est certes pas, on s'en doute qu‘Alain ignore tout de Freud (pour l'inconscient psychique), ou de Darwin (Pour les lois de l'hérédité).

« Qu'un mécanisme semblable à l'instinct des bêtes nous fasse souvent parler et agir, et par suite penser, cela est connu et hors de discussion » (« Sentiments, Passions et Signes »).

On ne peut pas dire non plus qu'Alain n'ait pas un moment essayé de comprendre cette doctrine : « Ne cherchez jamais à quoi pense un foi, mais plutôt observez comment un dérangement mécanique produit des signes qui n'ont pas de sens [...].

Je pensais à ces choses comme je lisais la « Psychanalyse de Freud ; ce n'est qu'un art de deviner ce qui n'est point » (« Propos », « Signes ambigus », 17 juillet 1922). Ou encore dans un « Propos » antérieur : « Cette idée de l'inconscient, tant vantée et si bien vendue, je n'en fais rien ; [...] quand j'ai voulu en user, afin de me mettre à la mode, elle n'a rien saisi de l'homme, ni rien éclairé » (« Fantômes », 23 septembre 1921). Il s'agit, pour Alain, de quelque chose de plus qu'une simple question de mots.

Il estime qu'on ne peut aucunement, à partir des doctrines sur l'inconscient ou l'hérédité, fonder une quelconque morale : « Le public comme les auteurs n'ont point coutume de dire conscience morale ; ils disent conscience, et tout est dit », ou encore, « J'étais aidé par la langue commune, qui n'admet point d'autre sens du mot conscience que celui qui implique le jugement moral. » (Alain, « Histoire de mes pensées « ).

Au contraire, lorsque Freud parle d'inconscient, il le fait en référence à la conscience psychologique, et pas du tout par rapport à la conscience morale. Certes la conscience est toujours double, car la conscience oppose toujours ce qui devrait être à ce qui est.

« La conscience suppose une séparation de moi d'avec moi, en même temps qu'une reprise de ce qu'on juge insuffisant, qu'il faut pourtant sauver.

» Il s'agit là, comme le dit Alain, d'une « conception héroïque de la morale », qui explique parfaitement que l'inconscient ne soit alors conçu que comme « une conscience subalterne, errante et séparé », à proprement parler comme quelque chose d'inintéressant, sinon d'impossible. Ce qui est en jeu, pour Alain, c'est un conflit sans cesse recommencé entre les passions (l'inconscient) et la raison (le conscient), ou, plus simplement encore, entre le corps et l'esprit.

Les partisans de l'inconscient estiment sans doute que les signes qui viennent du corps sont des pensées qui méritent d'être interprétées ; pour les tenants du rationalisme, il n'y a de pensées véritables qu'en liaison avec une extrême attention.

Une « pensée qui n'est point. »

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