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l'homme peut-il se dispenser du travail ?

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« « Aux larmes, au travail le peuple est condamné » écrit Racine.

Nous assimilons depuis des siècles la notion de travail à une activité contraignante, à une besogne.

Et comme c'est une activité qui est nécessaire d'accomplir, il semble que nous n'ayons pas le choix. Mais si nous cherchons à définir précisément le travail, il semble que celui-ci se caractérise par l'activité, le résultat du travail et l'exécution et les conditions du travail. Se dispenser signifie étymologiquement « accorder une dispense ».

Se dispenser du travail revient à s'autoriser à ne pas faire quelque chose de prescrit par une loi, une règle.

On se permet de ne pas faire quelque chose d'obligatoire.

Dans le monde moderne, le travail n'est pas qu'une notion philosophique et politique.

Il a une réalité économique.

M ais aussi biologique : le travail développe le cerveau qui est stimulé par une activité.

Le travail semble agir de manière positive sur le développement même des facultés humaines. Problématique : L a possibilité qu'on puisse vouloir se dispenser du travail, cela revient-il à refuser une soumission, voire une servitude ? M ais est-il possible de se dispenser d'une activité spécifiquement humaine qui est la matière même par laquelle l'homme peut se donner forme et se rendre libre ? 1 – Le travail comme activité. - Selon l'anthropologue M aurice Godelier, l'homme primitif travaille peu et travaille de façon discontinue pour couvrir l'ensemble de ses besoins.

Le travail implique d'emblée un rapport au besoin.

Il produit quelque chose pour pallier au manque.

De plus, Godelier note que l'homme primitif ne produit pas de surplus.

Les Kuikuru travaillent trois et demis par jour et consacrent les dix ou onze heures restantes à se reposer.

Le travail n'est pas qu'une réalité économique, il est une opération double qui a un aspect technique et un aspect magique et rituel. - De plus, le travail est une activité qui se caractérise par la technique.

Et celle-ci est mise au service du travail car c'est en travaillant que l'on met au point des outils efficaces e adaptés.

L'homme a des mains qui sont l'outil de toutes les techniques.

C omme le dit A ristote, la main est un outil.

L'être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d'outils.

O r la main n'est pas un outil, mais plusieurs.

Elle est l'outil de loin le plus utile.

La main est ainsi le symbole de l'activité.

Elle est ce lien majeur entre le monde extérieur et la pensée.

Outil originaire, la main est l'organe essentiel par lequel l'homme a pu s'adapter à son environnement. O n sait que les grands singes utilisent ce qui semble avoir une fonction comparable à l'outil dans leur activité de chasse ou de protection contre les prédateurs.

P ar exemple, un chimpanzé est capable de se servir d'une branche d'arbre qu'il aura pris soin d'effeuiller préalablement pour recueillir des termites ou des fourmis au fond de leur trou.

De la même manière, un castor est capable de fabriquer ce qui ressemble à nos barrages sur les rivières...

P our Leroi-Gourhan, il y a une différence de nature et pas seulement de degré entre la capacité humaine à inventer des outils et ce qui s'apparente plutôt chez l'animal à un simple détournement d'objet: " La fabrication et l'usage du biface relèvent d'un mécanisme très différent, puisque les opérations de fabrication préexistent à l'occasion d'usage et puisque l'outil persiste en vue d'actions ultérieures.

" Le biface, c'est la pierre taillée la plus primitive que l'on connaisse en paléontologie.

Mais il révèle déjà une pensée et pas seulement un instinct.

Les opérations de fabrication préexistent à l'usage de l'objet : autrement dit, l'homme fabrique d'abord le biface dans sa tête avant de passer à l'acte avec le silex.

P ar ailleurs, il y a conservation de cet outil, ce qui signifie que l'homme sait qu'il va pouvoir s'en servir ultérieurement. - A ristote lui ajoute l'idée de polyvalence.

La technique est l'expression de cette polyvalence par laquelle l'homme invente de manière infinie des formes données aux besoins.

En développant la technique, l'homme développe son intelligence.

Selon l'ethnologue A ndré Leroi-Gourhan, l'activité de la main est étroitement solidaire de l'équilibre des territoires cérébraux.

Le cerveau et ses régions sont stimulés par l'effort que nécessite de répondre à tel ou tel besoin.

Les techniques qui nous semblent si familières aujourd'hui ont dû être inventés.

C 'est le cas de la roue, de la charrue… 2 – L'exécution et les conditions du travail. - P our comprendre la notion de travail, il faut se rappeler de son étymologie.

Le travail vient du latin tripaliare qui signifie « tourmenter, torturer avec le trepalium (instrument de torture) ».

Depuis l'A ntiquité, le travail est une malédiction.

P rométhée vole le feu aux dieux pour l'offrir aux hommes, mais ceux-là sont punis et soumis à la nécessité du travail.

De plus, Le travail a une connotation négative car il est lié à la structure de l'esclavage.

Dans les mythes mésopotamiens, les dieux ont créé l'homme pour travailler.

A u Moyen-Â ge, on parle de servitude, de tripartition des tâches et des classes sociales.

Le travail est une marque de l'humanité déchue.

L'homme est condamné de vivre avec le péché originel.

Il vivra toujours dans une condition dégradée. - C 'est à partir de cette histoire négative du travail que Karl M arx cherche à comprendre cette notion en un sens positif. Son système de pensée donne forme au matérialisme historique qui part de deux postulats : 1) l'organisation du travail détermine les rapports sociaux ; 2) les rapports sociaux déterminent les représentations des hommes (idées religieuses, politiques,…).

C 'est pourquoi « la conscience est un produit social ».

O r le travail est cette activité qui semble emprisonner l'homme alors qu'elle devrait eu contraire le rendre toujours plus libre.

La découverte de notre liberté passe dès lors par la découverte de ces deux déterminations. - Marx constate une fragmentation des consciences et des connaissances qui aliène l'homme par rapport à son travail et qui a pour origine la séparation entre pratique et intelligence (les intellectuels d'un côté, les machinistes de l'autre).

C ette fragmentation a pour effet d'aliéner la vie quotidienne, la conscience, le corps.

E t à terme, l'histoire.

Pour résoudre l'équation posée par l'aliénation à notre propre histoire, Marx recompose pratique et intelligence dans ce qu'il appelle la praxis.

À partir de là, le philosophe peut penser le travail de manière positive car « Toute la prétendue histoire du monde n'est rien d'autre que la production de l'homme par le travail humain ».

Le monde est tel qu'il est car il l'a façonné ainsi.

Il a donc le pouvoir de changer le cours des choses. 3 – Le résultat du travail. - Le résultat du travail est l'aliénation.

C 'est pourquoi il est nécessaire d'instituer un retournement pour rendre l'homme conscient et libre.

M arx décrit une phase intermédiaire, le socialisme, qui débouchera sur la société communiste.

Le travail tel que le conçoit Marx consiste en un pari sur l'histoire car en créant l'histoire, l'homme se donnera forme. Marx postule la nécessité de recomposer la praxis, et donc les consciences.

C e qui requiert la libération des forces de travail (répartir les travaux ingrats ; réduire le travail machinal car il sera progressivement confié à des machines) ; l'abolition de la propriété privée car cela aura pour effet de rendre les rapports sociaux égalitaires. - Le travail, en donnant forme à l'homme, en le poussant à trouver et à inventer de nouvelles techniques, en le faisant prendre conscience de son rapport à l'histoire, tout cela participe à rendre l'homme libre.

L'homme libre est celui qui comprend qu'il n'est pas soumis au travail mais qu'il peut agir sur lui car le travail est une activité spécifiquement humaine. Conclusion Le vrai rôle d'une philosophie est de fournir les outils nécessaires pour la compréhension d'un phénomène.

V ouloir se dispenser du travail, c'est admettre que le travail échappe à la volonté humaine.

V ouloir l'oisiveté, c'est méconnaître le caractère productif du travail sur la pensée et le cerveau.

Repenser le travail ne peut se faire sans repenser l'histoire même.. »

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