L'homme peut-il échapper au temps?
Publié le 14/09/2022
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«
L’ HOMME PEUT- IL ÉCHAPPER AU TEMPS ?
BABACAR DIOP
Institut Francophone International (IFI)
Promotion 25 Systemes Intelligents et Multimedia(SIM)
[email protected]
September 14, 2022
1
INTRODUCTION
Le temps désigne l’ensemble des dimensions temporelles : le passé, le présent et l’avenir.
Pourtant, si cette définition
semble simple, elle n’en est pas vraiment une : le passé n’existe que par notre mémoire, le présent par notre attention
et l’avenir par notre imagination.
Le temps n’est donc que ce produit de notre activité intellectuelle, qui peut ainsi
percevoir le changement, preuve manifeste du passage du temps.
Échapper au temps peut signifier se soustraire au
passage du temps, donc être immortel.Cela pourrait également signifier lutter contre le passage du temps en essayant de
se soustraire à ses effets ou en créant des choses qui résistent à son passage.il pourrait s’agir aussi d’échapper à l’idée
que nous allons mourir ou de fuir la tristesse liée à l’idée de la mort.
Si l’existence humaine se déploie dans le temps l’homme a t¬-il les moyens d’échapper à ce temps dans lequel il
s’inscrit ? Mais si nous sommes vivants, et donc mortels, sommes-nous pour autant soumis au temps, et victimes de lui
? On cherche à échapper à ce qui nous nuit : mais en quoi le temps serait-il mauvais pour nous, et que faudrait-il fuir en
lui ?
Nous verrons tout d’abord qu’il nous est impossible d’échapper au temps dans la mesure où il définit notre existence.
Mais n’avons-nous pas le pouvoir de résister à ce temps qui semble s’écouler indépendamment de nous ? Enfin, nous
examinerons dans quelle mesure nous pouvons échapper au temps ou plutôt à ce par quoi il nous fait souffrir, c’est-à-dire
à l’idée qu’il nous condamne à la mort.
2
On ne peut pas échapper au temps
En effet, le temps semble faire partie intégrante de la conscience de notre existence.
Nous sommes possédés par ses
trois dimensions.
Dans une perspective pessimiste, le passé, cette réalité qui n’est plus, hante notre mémoire dans ce que
nous avons perdu, dans nos regrets et dans nos traumatismes.
Quant au présent, il nous rappelle activement par notre
attention à réaliser notre situation actuelle dès que l’on se perd un peu dans les rêveries et les fantasmes.
Enfin, le futur
par le souci de sa prévision envahit notre imagination de crainte des mauvaises décisions et de l’angoisse de l’inconnu.
Mais la pire emprise de la conscience du temps est la réalisation, plus ou moins discrète mais toujours continue, de
notre finitude.
« Qu’on s’imagine un nombre d’hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns
étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leur semblable,
et, se regardant les uns et les autres avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour ».
Cette description sans détour
faite par Pascal montre aisément que le temps prédestine notre vie à la mort.
Notre être reconnait bien cette fatalité
quand il use des subterfuges symboliques qui nous font accepter sa réalité comme les mythes.
Il semble alors évident
qu’on ne peut se soustraire au temps, dû à son conditionnement omniprésente de notre existence.
Toutefois, dès que l’on
remarque que c’est fondamentalement l’homme qui se soucie de la temporalité, on peut encore remettre en question sa
réalité en dehors de notre esprit.
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2.1
Le temps est un processus d’observation et de calcul
« Tout le monde parle du temps, et non pas comme le zoologiste parle du chien ou du cheval, au sens d’un nom collectif,
mais au sens d’un nom propre.
Quelquefois même, on le personnifie », constate Merleau-Ponty dans la phénoménologie
de la perception.
Cet abus de langage montre à quel point nous sommes capables de donner une existence concrète au
temps.
Et pourtant, c’est la substance matérielle qui est une structure organisée dans une situation particulière, dans
l’espace parmi tant d’autres, auxquels nous ajoutons artificiellement un sens de temporalité.
Le morceau de cire, par
exemple, a subi un changement parce que sa structure a été affectée par une autre substance, notamment le feu, sans
besoin de considérer comme une progression vers le futur.
Dans une perspective plus générale, le temps n’est que le
repère du mouvement.
Imaginons deux objets quelconques placés séparément dans deux espaces clos différents.
Et que
l’on altère l’un par un élément corrosif et que l’on fait subir à l’autre une force qui le déplace.
On peut alors constater
sur le premier objet que le changement se fait sentir sur son tout tandis que dans le second objet le changement se
fait sentir sur sa position.
Ici il y a deux références particulières du changement.
La référence du tout de l’objet et
la référence de sa position spatiale.
Mais cela ne s’arrête pas là, car on peut repérer le changement par une infinité
de références.
De la position d’un élément qui constitue l’objet, de celui de son espace immédiat, d’un espace plus
grand qui contient l’espace qui le contient et ainsi de suite, que ce soit de l’infiniment petit ou de l’infiniment grand.
En
somme, le temps revêt une signification purement mathématique.
2.2
On peut transcender le sentiment de l’idée de finitude
Puisque le temps n’existe pas en soi comme une réalité concrète et qu’elle n’est qu’une réalité mentale, on peut
donc entrevoir de dépasser ses effets psychologiques.
Parlons notamment de sa représentation la plus forte dans
notre existence, notre finitude.
Le problème est que l’on alourdit souvent notre conscience à un point où on tendrait
inéluctablement : la mort.
Pourtant, on remarquera qu’il serait injuste de comparer un espace à un point.
En effet,
puisque nous sommes des êtres capables de signifier, nous sommes en mesure de remplir cet espace fini d’une ou
plusieurs raisons d’être, qui peut nous rendre personnellement heureux.
Kant critique cette angoisse d’être mort, de
périr, dans l’Anthropologie du point de vie pragmatique : « Cette pensée, le candidat au suicide s’imagine l’avoir
encore après la mort, puisque le cadavre qui n’est plus lui, il le pense comme soi-même plongé dans l’obscurité
de la tombe ou n’importe où ailleurs ».
Certains peuvent aspirer à une vie glorieuse dans le vœu d’immortaliser
leurs exploits dans la mémoire collective.
Certains peuvent passer de défi en défi dans l’excitation de leurs
adrénalines en tentant la mort.
Certains peuvent aspirer à une vie humble et stoïque favorisant la maitrise de soi face
à la destinée.
Une chose est néanmoins sûre, on peut se détacher de la dépression que le sens de la finitude nous opprime.
Notre existence peut être appelée durée.
Dans l’Essai sur l’entendement humain, Locke cherche à montrer que le temps n’est pas une notion mystérieuse.
Notre idée de la durée est tirée de la réflexion que nous faisons sur la succession de nos propres idées.
Il est évident à quiconque voudra rentrer en soi-même et remarquer ce qui se passe dans son esprit, qu’il y a, dans son
entendement, une suite d’idées qui se succèdent constamment les unes aux autres, pendant qu’il veille.
Or la réflexion
que nous faisons sur cette suite de différentes idées qui paraissent l’une après l’autre dans notre esprit, est ce qui nous
donne l’idée de la succession ; et nous appelons durée la distance qui est entre quelque partie de cette succession, ou
entre les apparences de deux idées qui se présentent à notre esprit.
Car tandis que nous pensons, ou que nous recevons
successivement plusieurs idées dans notre esprit, nous connaissons que nous existons.
[.
.
.
] §4.
Que la notion que nous
avons de la succession et de la durée nous vienne de cette source, je veux dire, de la réflexion que nous faisons sur cette
suite d’idées que nous voyons paraître l’une après l’autre dans notre esprit, c’est ce qui me semble suivre évidemment
de ce que nous n’avons aucune perception de la durée, qu’en considérant cette suite d’idées qui se succèdent les unes
aux autres dans notre entendement.
En effet, dès que cette succession d’idées vient à cesser, la perception que nous
avions de la durée cesse aussi, comme chacun l’éprouve clairement par lui-même lorsqu’il vient à dormir profondément
: car qu’il dorme une heure ou un jour, un mois ou une année, il n’a aucune perception de la durée des choses tandis
qu’il dort, ou qu’il ne songe à rien.
John Locke, Essai sur l’entendement humain [1689], II, 14, trad.
de l’anglais par P.
Coste, Le Livre de Poche, 2009, p.
320-321.
2.3
Nous sommes mortels
Peut-on arrêter le temps ?
2
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Ce tableau est un memento mori (« souviens-toi que tu vas mourir ») ; il rappelle au spectateur la brièveté
et la fragilité de la vie.
Tous les objets qui y figurent sont chargés de symboles.
L’un d’eux transmet aujourd’hui un
message identique à celui qu’il représentait dans la Hollande du XVIIe siècle : il s’agit du crâne, référence évidente
à la mort.
D’autres symboles font de cette œuvre une vanitas, c’est-à-dire un tableau rappelant la vanité des choses
terrestres.
Les coquillages, alors raretés exotiques, ainsi que les bijoux représentent la richesse ; les instruments de
musique, les plaisirs des sens ; les livres, la connaissance.
Le sablier renversé et la bougie sur le point de s’éteindre sont
là pour rappeler au spectateur que, quels que soient sa richesse, son bonheur, son savoir ou son statut social, le temps
s’écoule et conduit inexorablement tout homme à la mort.
Dans un premier temps, on pourrait penser que nous sommes les proies du temps en ce qu’il donne sa forme et sa limite
à notre existence.
Le temps s’imprime en nous sous la forme de la croissance et du vieillissement, qui nous indique que
nous allons mourir : la mortalité est bien ce qui définit toute existence.
Le temps fait donc partie de nous et il serait
en ce sens absurde de croire que nous pouvons sortir de lui et fuir ses effets destructeurs.
Cette croyance peut tout au
plus prendre la forme du fantasme de l’immortalité : on peut rêver prendre le contrôle du temps, se promener en lui,
inverser son cours, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un rêve.
Dans la Lettre à Ménécée, Épicure fait ainsi du désir
d’immortalité le pire des désirs vides, à savoir ces désirs qu’il est impossible de satisfaire et qui en cela nous vouent au
malheur et à l’excès.
Effacer les signes du vieillissement, par exemple, n’est pas échapper au temps mais se livrer à lui
par la souffrance d’un combat perdu d’avance.
2.4
Nous sommes des êtres temporels qui faisons exister le temps
A la première évidence, tout être physique est soumis au devenir.
En effet, si le changement est la marque du temps,
alors tout ce qui est de l’étendue et du mouvant en est déterminé jusqu’à la décomposition de sa structure.
Comment
pourrons-nous situer ce changement, si ce n’est par rapport à des instants du temps ? Effectivement, comme le disait
Kant dans sa Critique de la Raison pure, « le temps est une condition a priori de tous les phénomènes en général, et,
à la vérité, la condition immédiate des phénomènes intérieurs (de notre âme), et, par là même, la condition médiate
des phénomènes extérieurs ».
En effet, même les astres les plus exubérants en énergie tendent inéluctablement à leur
désagrégation.....
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