Les sciences construisent-elles leur objet ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Sciences : On utilise généralement le terme « science » pour désigner un certain type de savoir.
Science vient
d'ailleurs du latin scientia, qui est lui-même un dérivé de scire, « savoir ».
Pour les anciens Grecs, la science
constitue un savoir supérieur, une connaissance éminente qui a deux caractéristiques principales : elle porte sur
l'universel car elle s'oppose aux opinions particulières et elle est purement théorique car elle diffère du savoir-faire
pratique.
Ils considéraient par ailleurs que la philosophie était la science suprême.
Depuis l'époque moderne
cependant, le modèle exemplaire de la science est plutôt celui d'une connaissance scientifique positive, basée sur la
méthodologie de la science expérimentale.
C'est-à-dire une science qui repose sur des critères précis de vérification
permettant une objectivité des résultats.
Objet : Ce terme vient du latin objicere, verbe qui voulait dire « jeter devant ».
L'objet, c'est donc tout d'abord ce
qui est « jeté devant », ce qui se détache d'un fond confus, ou encore tout chose qui s'offre à la vue.
Pris dans la
problématique du sujet, on peut comprendre l'objet dans le sens de ce qui est l'occasion ou la matière d'une pensée,
d'une réflexion.
Par ailleurs, l'objet est ce qui est pensé, par opposition à l'acte de penser, c'est le contenu de notre
pensée et il s'oppose ainsi au sujet pensant ; tout ce qui existe est un objet pour le sujet qui est amené à se le
représenter.
Notons que Descartes considère l'objet comme désignant une sensation ou un sentiment auquel je
pense, ou une image dans mon esprit, et pas nécessairement un objet réel existant dans le monde.
La
phénoménologie moderne, pour sa part, pousse encore plus loin l'interprétation cartésienne et parle même d' « objet
intentionnel ».
Cette expression désigne le fait de mettre entre parenthèses tout problème d'existence réelle de
l'objet.
La réflexion phénoménologique ne pose pas le problème de savoir si l'objet étudié existe encore réellement
dans le monde, son but est simplement de développer le sens de son objet.
Le terme d'objet se distingue alors de
celui de réel.
Problématisation :
Nous avons tendance à considérer intuitivement que les sciences constituent une connaissance éminente d'une part
parce qu'elles portent sur ce qui est, sur ce donné qui est le monde réel et d'autre part parce qu'elles seraient
capables d'en posséder une connaissance véritable.
Aussi, considérer que les sciences pourraient construire leur
objet ne va pas sans poser problème car, cela reviendrait à dénier aux sciences leur capacité à connaître la vérité
du monde.
En effet, si les sciences construisent leur objet, elles peuvent alors très bien déterminer des lois relatives
à des choses qui n'existent pas, et elles perdraient alors leur contact avec la réalité et dans le même temps leur
position privilégiée à l'égard de la vérité.
Cela invite à se poser cette question : les sciences décrivent-elles dans
leur loi le reflet de la réalité, ou ne constituent-elles qu'un outil efficace pour effectuer des prévisions sans posséder
une véritable connaissance du réel ?
Proposition de plan :
1.
La science considérée comme une correspondance avec la réalité.
a) D'après Platon, les sciences portent sur des choses qui « ont elles-mêmes une
certaine réalité qui leur appartient et qui n'est pas relative à nous.
» (Cratyle, 386d-e) Il
considère ainsi qu'une connaissance scientifique atteint son objet tel qu'il est, et tel qu'il
serait même s'il n'y avait pas d'êtres humains pour le penser.
Les sciences permettraient
donc d'identifier les entités et les processus tels qu'ils existent réellement, elles seraient
l'instrument par lequel on atteindrait l'essence du monde en soi.
A ce titre, la théorie
platonicienne de la science est exemplaire de cette position qu'on appelle le réalisme
scientifique.
Cette position affirme que les théories scientifiques sont vraies au sens où
elles correspondent à la réalité.
La notion de vérité mobilisée est alors celle de « véritécorrespondance », et comme la théorie scientifique est censée refléter l'exacte vérité,
on parle alors métaphoriquement de « théorie-reflet.
»
b) Cette conception de la science s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle une théorie
capable de fournir des prédictions valables ne peut que correspondre à la réalité des
choses.
Le réaliste a tendance à considérer que si « ça marche », c'est nécessairement
parce que la théorie est vraie, faute de quoi, la prédiction tiendrait purement et
simplement du miracle.
En effet, si la théorie ne correspondait pas à la réalité, si celle-ci
s'était contentée de construire son objet, elle ne parviendrait pas à passer l'épreuve de la réalité, elle ne pourrait
réussir à chaque fois à prédire ce qui doit arriver.
c) Suivant cette perspective réaliste, la science ne construit absolument pas son objet, elle le « découvre ».
Ainsi
les physiciens ont-t-ils découvert des photons, des champs de force ou des trous noirs qui préexistaient dans la
nature indépendamment de leurs démarches intellectuelles.
Problème : Si l'on choisit le réalisme, l'on est obligé pour être conséquent de soutenir que chaque nouvel énoncé
effectivement intégré aux sciences est vrai et qu'il constitue un acquis définitif puisqu'il accède à la vérité et qu'il
ne peut y avoir qu'une seule vérité.
Les sciences iraient ainsi de découvertes en découvertes.
Mais il faudrait pour
cela que l'on dispose à chaque instant de critères infaillibles permettant de distinguer définitivement le vrai du faux.
Sans quoi, rien n'empêche un énoncé déclaré vrai à un moment d'être ultérieurement décrété faux ou vice versa, ce
qui est incompatible avec l'idée d'une accumulation des découvertes.
Le réaliste devrait donc posséder un verdict
absolu, mais l'histoire des sciences semble invalider une telle hypothèse d'un progrès continu de la science..
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