Les pouvoirs de la représentation ?
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«
Qu'est-ce que la représentation ? La représentation est un procédé qui apparaît d'abord en art et qui consiste à rendre visible.
Un tableau,
une sculpture, une pièce de théâtre, un morceau de musique sont des représentations de la réalité.
En effet, n'admire-t-on pas Le penseur
de Rodin, parce que l'artiste y a représenté chaque veine ? Il y a donc, dans la représentation, l'idée que l'on montre une deuxième fois.
La représentation est donc une présentation indirecte qui se fait par le truchement de quelque chose d'extérieur à la chose représentée.
Comme par exemple : le souverain est le représentant du peuple ; c'est-à-dire qu'il est l'unité qui exprime la multiplicité.
Mais alors, dans
le cadre politique, comment devient-on représentant ? Et, par ailleurs, quel statut accorder à cette représentation ? En effet, la
représentation comme fonction politique, est-ce une activité dans laquelle le représentant est soumis à ceux qu'il représente, ou bien a-til nécessairement, pour maintenir unifiée cette multiplicité (les représentés), le pouvoir ? Mais qu'est-ce que le pouvoir ? Le pouvoir est un
certain rapport entre les hommes, au sein duquel certain font faire quelque chose à d'autres que ce soit par la force, ou parce qu'ils le font
de leur plein gré.
Mais alors, quel est ce pouvoir de la représentation ? Est-ce le pouvoir des représentés qui s'exprime au sein de la
représentation, c'est-à-dire pour le truchement du représentant ? Ou bien est-ce le pouvoir de cet homme (ou assemblée) unique (le
représentant) sur les représentés ? Il semble que ‘pouvoir de la représentation' soit une contradiction dans les termes, car le représentant
n'est pas choisi pour avoir le pouvoir sur les autres, mais pour être à leur image, c'est-à-dire pour être leur porte-parole : sa fonction est
donc d'être un truchement, un vecteur pour leur volonté.
I.
Le pouvoir de la représentation.
Comme nous l'avons vu la représentation apparaît d'abord dans le monde des arts.
Et c'est aussi là que se révèle son véritable pouvoir.
Gombrich montre bien en quoi la représentation, depuis qu'elle se fit jour, a effrayé.
En effet, il explique, dans son livre L'art et l'illusion,
qu'en Egypte ou dans certaines religions, les représentations devaient être tronquées afin que leur pouvoir ne soit pas effectif.
Le pouvoir
de la représentation était immense, car l'on voyait en elle la manifestation d'une force dont les effets puissants échappaient à tout
contrôle.
Par exemple, la représentation des morts faisait renaître leur esprit.
Ainsi pour contrer le pouvoir de la représentation, il fallait
qu'elle soit imparfaite.
Un scorpion, par exemple, pour ne pas être dangereux devait être représenté sans le bout de sa queue.
L'on
constate que ce pouvoir de la représentation, même s'il est moins fort aujourd'hui, est toujours présent.
N'a-t-on pas une sensation
étrange à porter la montre ou l'habit d'un parent mort ? Le pouvoir de la représentation tient donc en ceci qu'en montrant une deuxième
fois, elle donne l'impression de faire être une deuxième fois : comme si elle pouvait donner l'existence.
Les hommes cherchant un moyen
objectif, externe, et puissant de les organiser, utilisèrent donc ce principe de la représentation.
Mais alors quel statut lui donner, et
comment trouver ce représentant ?
II.
Un représentant presque tout puissant.
Hobbes explique dans le Léviathan que les hommes doivent sortir de l'état de nature s'ils veulent
survivre, car cet état est un état dans lequel règne la crainte.
Il faut donc instaurer une puissance
supérieure capable d'organiser les hommes.
Cette puissance est le Souverain Bien, c'est-à-dire un
homme qui est le représentant du peuple.
C'est en passant un pacte que le peuple choisit ce
représentant.
Ainsi, chaque homme dit à tout autre : ‘je lui donne mon pouvoir et tous mes droits à
condition que tu lui abandonnes, toi aussi, ton pouvoir et tes droits'.
Un seul homme détient donc tout
le pouvoir : le représentant.
Ainsi pour Hobbes, le pouvoir de la représentation réside en un homme :
le Souverain Bien.
Ce Souverain Bien a dans une main le livre de la Loi et dans l'autre le glaive.
Mais
alors ce représentant tout puissant, est-il encore un représentant exprimant la volonté du peuple, ou
bien est-il un tyran ayant les pleins pouvoirs (pouvoir de vie et de mort sur quiconque) ? Hobbes
affirme qu'il reste un représentant ayant le pouvoir de faire régner la loi.
Si ce Souverain Bien abuse de
son pouvoir, alors il n'est plus le représentant du peuple, mais son ennemi, car il ne respecte plus sa
part du pacte.
Sa part du pacte est de permettre à chaque homme sa conservation et sa survie.
S'il met
en péril cette conservation, alors le peuple a le droit de le renverser.
Mais alors comment sait-on
lorsque le Souverain Bien, le représentant, abuse de son statut représentatif ? Et bien l'auteur nous
explique, dans Liberté et nécessité, qu'en général, il n'en abuse pas.
Le fait que le Souverain Bien soit
le représentant signifie que tous les hommes doivent reconnaître ses actions comme étant les leurs,
même s'ils ne les ont pas clairement demandé.
Hobbes explique que ce Souverain Bien n'aura pas
envie d'abuser de son pouvoir, car il possède déjà le Pouvoir.
Cependant, le doute persiste et le risque
est grand.
III.
Le pouvoir de la représentation : la volonté générale.
Rousseau préfère à Hobbes, une représentation moins risquée.
L'on comprend donc que le pouvoir de
la représentation est un pouvoir aussi bien bénéfique que dangereux.
La limite entre la représentation
de la volonté du peuple et tyrannie est mince, et peut être facilement franchie.
Ainsi Rousseau, dans
son Contrat social, préfère penser une représentation du peuple par le peuple.
Ainsi le pouvoir de la
représentation ne peut être dangereux, puisque les représentés sont dans le même temps les
représentants.
Et cette forme de représentation se manifeste par la volonté générale.
Ainsi chaque
homme se donnant à tous ne se donne à personne.
Les hommes constituent donc un grand corps dont
chacun est une partie.
Donc, comme la main ne peut pas attaquer le corps, le représentant ne peut pas
soumettre, sous son pouvoir, le représenté.
La représentation chez Rousseau est en effet puissante,
puisqu'elle permet d'organiser la vie en société, le respect des lois, la tranquillité et la liberté de
chacun, mais ce n'est pas un pouvoir dominateur.
Conclusion :
-
La représentation à travers les arts et les âges a toujours témoigné de sa puissance.
La
politique cherchant une telle puissance organisatrice a usé de ce procédé.
Mais certaines représentations, donnant les pleins pouvoirs à un homme sur tous les autres,
sont dangereuses.
Il semble donc que la meilleure des représentations soit la volonté générale, car son pouvoir
n'est pas néfaste..
»
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