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Les pensées, n° 172 de blaise pascal

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« Nous ne nous tenons jamais au temps présent.

Nous anticipons l'avenir comme trop lent venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l'arrêter comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste.

C'est que le présent, d'ordinaire, nous, blesse.

Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige et s'il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper.

Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.

Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l'avenir.

Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir.

Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin.

Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. QUESTIONNEMENT INDICATIF • De quel passé peut-il s'agir dans « nous rappelons le passé l'arrêter comme trop prompt »? Qu'est-ce qui justifie dans le texte que nous sommes « imprudents » et « vains » ? Que signifie exactement « vain » ici ? • Que sont le passé et l'avenir selon Pascal ? Qu'est-ce qui « subsiste » ? Est-ce la seule appréhension du temps possible ? (Peut-être convient-il de distinguer le plan du vécu de celui de la représentation.) • Pourquoi, selon Pascal, « laissons-nous échapper sans réflexion » le présent ? — Comment penser que nous puissions cacher à notre vue « le présent » alors qu'il nous afflige ? — Que signifie « nous tâchons de le soutenir par l'avenir » (de prolonger son existence dans le temps qui suit ? Et l'existence de quoi ?)? • Comment penser que chacun peut trouver « toutes (ses pensées) occupées au passé et à l'avenir » et que « nous ne pensons presque point au présent »? • Quelle appréhension du présent doit-on avoir pour concevoir qu'il puisse être notre fin ? (Ne pourrait-on dire que dans la mesure où le présent est, il ne saurait être notre fin ?) • Comment expliquer « nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre » (En prenant les expressions « à la lettre » ne pourrait-on dire qu'espérer c'est vivre ?) • Quel est l'enjeu de ce texte ? — Une ontologie du temps ? — Comment être heureux ? — Démontrer la misère de l'homme dans le temps ? C'est vers les années 1657-1660 que Pascal , qui s'est fait un nom illustre parmi les scientifiques de son temps tout en prenant le parti des Jansénistes de Port-Royal contre l'Église, commence à travailler à une « Apologie de la religion chrétienne ».

Mais, dès 1659, les premières atteintes de la maladie annoncent la mort prochaine de « cet effrayant génie » marqué depuis la plus tendre enfance par les infirmités.

Et deux années de silence, de méditation et de travail (1660-1662) ne suffiront pas à Pascal pour mener à son terme le projet initial, exposé dans sa conférence d'octobre-Novembre 1658 faite à Port-Royal « devant plusieurs personnes très considérables », de composer un ouvrage sur la « Vérité de la religion chrétienne ». Pascal laisse à ses successeurs le mystère de vingt-sept liasses classées, composées chacune d'une série de « morceaux de petits papiers », fragments écrits dans l'ordre inverse de leur entassement par paquets reliés chacun, à l'origine, par un simple fil.

Les textes sont souvent écrits à la hâte, repris, complétés, surchargés, raturés ; certains mots parfois, trop abrégés, sont illisibles.

A cela s'ajoutent des textes rédigés « sur des feuilles volantes » et séparés d'un simple trait.

Quel ordre donner à tout cela dans une publication définitive, d'autant que sans cesse de nouvelles « Pensées », trouvées ici ou là, sont ajoutées ? Les éditions successives n'en finissent pas de donner chacune leur interprétation, « les mêmes pensées formant un autre corps de discours par une disposition différente » comme l'indiqua, de manière prémonitoire, Pascal lui-même. D'où la table de concordance que l'on trouve maintenant dans chaque édition et qui permet de naviguer aisément de l'une à l'autre de ces neufs cents et quelques pensées : ainsi cette pensée, classé 172 dans l'édition de Brunschvicg, est le numéro 45 dans l'édition Tourneur & Anzieu.

Quant au texte il s'insère dans le passage suivant : « Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir.

Nous ne pensons presque point au présent ; et si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin.

Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.

» Pascal, selon l'habitude de son temps, s'est sans cesse nourri de la pensée de ses devanciers.

C'est un lecteur infatigable, et Montaigne est l'un de ses auteurs favoris, dont il reprend souvent le texte sceptique pour l'utiliser aux. »

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