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Les passions font-elles notre malheur ?

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« Introduction : La représentation commune du bonheur est celle de la passion.

On rêve d'un amour « passionnel », d'une carrière « passionnante ».

Mais que valent réellement les passions ? Ces représentations faciles du bonheur ressemblent elles à la réalité ? Elles semblent plutôt ressembler aux illusions qui accompagnent toujours les passions.

La représentation idyllique des passions nous les présente comme des valeurs sûres, mais dans la réalité, les passions tournent court, une passion prend rapidement la place d'une autre.

Elles ont l'art de faire notre malheur en nous décevant. Cependant, on ne peut pas nier que certaines passions ont la capacité d'unifier notre vie et de la rendre intéressante.

Dans ce sens la passion peut nous procurer le bonheur.

Mais quelle différence y a-t-il entre ces passions qui font notre bonheur et les passions qui font notre malheur ? Problématique : Les passions divisent l'être humain et font son malheur, cependant le bonheur n'exclut pas la passion. I : Malheur des passions. 1) La passion rend aveugle et l'homme passionné fait son propre malheur.

La passion est une monomanie, elle concentre l'esprit sur une seule chose, cela la rend dangereuse par ce que l'homme passionné ne regarde pas le danger dans lequel le jette sa passion.

C'est ce qui fait l'innocence et la grandeur tragique des passionnés ; Un joueur, par exemple, misera sans compter, emporté par la folie du jeu, un amoureux sera prêt à tout pour un simple baiser... 2) La passion aliène.

Le passionné ne pense pas à se retrouver lui-même, il se perd dans sa passion.

La passion signifie avant tout la passivité, être passionné, c'est être esclave, c'est se laisser porter passivement par le torrent de la passion. La passion mobilise à son profit tout le dynamisme psychologique.

On a souvent décrit les effets très remarquable de la passion sur le jugement.

Proust écrit par exemple : « C'est le propre de l'amour de nous rendre à la fois plus défiants et plus crédules, de nous faire soupçonner plus vite que nous n'aurions fait une autre celle que nous aimons et d'ajouter foi plus aisément à ses dénégations.

» Le passionné ne raisonne pas du tout comme l'homme équilibré, il raisonne à la fois beaucoup plus, mais à faux.

Le jaloux par exemple passe son temps à épier des signes.

Il retient tout ce qui peut justifier sa jalousie, le grossit et néglige tout le reste.

Sur de faibles indices, il construit des raisonnements qui ont une structure très rigoureuse, mais dont la base est très fragile.

C'est ce que les psychologues nomment « la logique des passions ».

Le trait le plus remarquable est que le raisonnement passionnel demeure imperméable aux réfutations d'autrui ; s'il est impossible de réfuter les constructions du passionné, c'est parce que ses conclusions, au lieu de découler du raisonnement qui les précède, sont, en réalité, posées d'abord. L'échafaudage du raisonnement n'est construit qu'après coup, pour justifier la passion.

Ainsi Othello est jaloux de Desdémone dès l'origine, pour des mobiles très profonds et en partie inconscients.

Othello qui, comme dit André Maurois, « a souffert à Venise, malgré sa gloire militaire, des préjugés raciaux », se dit au fond qu'il ne mérite pas Desdémone, qu'il n'est pas digne d'elle Ce complexe d'infériorité le trouve prêt à accueillir sans critique les plus frêles indices et les arguments tendant à prouver l'infidélité de Desdémone.

Car la conclusion a été posée d'abord, de façon profonde et inconsciente. La passion s'empare de l'intelligence, de l'imagination.

Elle nous attache à des objets souvent médiocres qu'elle recouvre de prestiges illusoires.

Par là, elle semble nous déposséder de notre self-control, nous entraîner à des actes dont nous ne cessons réellement d'être maîtres.

Aussi, nous paraît-il nécessaire de conserver dans l'acception moderne psychologique du terme passion cette signification de passivité qui, dans la tradition philosophique, d'Aristote à Descartes (reprise de nos jours par Alquié), inspire l'opposition de la passion et de l'action.

Le passionné ne se définit-il pas lui-même comme un possédé, comme la victime d'une force fatale qui s'est emparée de lui ? Celui qui subit la passion « ne peut croire qu'elle vient de lui et la considère comme une force étrangère, installée en lui, violentant ses instincts, déroutant sa raison.

Cette force toute-puissante et fatale lui inspire une sorte d'horreur sacrée ; il l'appelle divine : toute passion est regardée comme une emprise de la divinité sur l'homme, l'avarice comme l'amour (c'est Vénus tout entière à sa proie attachée), quoiqu'il la trouve en soi, l'homme la juge étrangère à soi, transcendante.

» (Dugas, «Les passions »). 3) La passion déçoit.

Une tendance générale du passionné est de grossir l'objet de sa passion par l'imagination.

C'est ce que Stendhal a appelé la « cristallisation », il associe à la possession de l'objet des satisfactions infinies, ce qu'aucune réalité ne saurait lui donner.

Le passionné est donc nécessairement insatisfait. Stendhal a très bien décrit ce processus psychologique sous le nom de cristallisation.

Une branche banale, jetée dans les salines de Salzbourg, est retirée toute couverte de cristaux, étincelante comme un bijou.

C'est une image. »

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