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Les passions décident-elles de leur objet ?

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« Vocabulaire: OBJET (n.

m., étym.

: latin ob-jectum : ce qui est placé devant ; chose).

1.

— Tout ce qui est présenté par la perception, avec un caractère stable et indépendant du sujet (objet externe) ; pour la phénoménologie, l'objet est déterminé par la visée de la conscience (cf.

sens 3).

2.

— Tout ce qui se présente à un sujet, s'offre à la pensée, et qui est distinct de l'acte de représentation ou du sentiment (donc du sujet), c.-à-d.

aussi bien le percept, l'image, l'idée, que l'objet externe ou la personne aimée.

3.

— Le but qu'on se propose d'atteindre (cf.

un objectif). PASSION: * Ce que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). Introduction Les passions décident-elles de leur objet ? Dans la rigueur de sa formulation, cette question étonne ; il est évident que la réponse est positive.

Le passionnel se définit en effet par sa capacité à « décider de son objet » ; ainsi, dans la chair du quotidien, au plus intime de la « morale sexuelle » du couple, la passion est le moment décisif, qui fait verser dans la « faute » : « je suis mariée et mère de nombreux enfants ; mais les trois derniers étant assez rapprochés, mon mari trouve qu'il serait plus sage de s'arrêter là ou au moins d'attendre un peu pour en avoir un autre.

Il nous faut donc observer la continence pendant un certain temps et ce n'est pas chose facile quoique nous fassions notre possible pour cela.

Mais tout en observant la continence, il est bien permis de se témoigner son affection par des signes sensibles et c'est là la difficulté, car une caresse en entraîne une autre et les sens sont vite excités, à' moi surtout, car mon mari résiste bien, mais moi je suis vite entraînée et la jouissance arrive sans que je puisse y résister malgré toutes les résolutions que je prends et que je cherche à tenir de mon mieux qui hélas n'est pas grand.

Et à cela je voudrais savoir s'il y a faute ? » Sans la passion dont « la caresse » est pour ainsi dire la main, il n'y aurait aucune mise en question de l'observation de cette continence qui serait alors « chose facile ». Or il y a de la passion, « et c'est là la difficulté » car elle « entraîne » vite une dépossession de soi où la « résistance » est emportée au-delà de toute volonté.

Cette description banale de la passion montre l'évident pouvoir de décision de la passion : qu'est-ce qui pourrait justement mettre en question cette évidence ? Le fragment de morale sexuelle permet d'extraire justement ce qui est en jeu dans le moment de la décision ; il n'y aurait pas questionnement si la passion décidait seule du comportement.

Il y entre de la raison qui dicte une attitude « sage » de « continence », (conséquence du nombre d'enfants et du petit laps de temps qui sépare leur naissance) prescrit la « résistance » au plaisir, aménageant ainsi des « possibles ».

C'est donc le rapport de forces entre la passion et la raison qui met en question le poids décisif du passionnel.

Rien n'empêche d'envisager que la raison soit décisive en ce qui concerne « l'objet » même de la passion : la figure du « mari » qui « résiste bien » en témoigne suffisamment.

Mais c'est aussi dans la logique de la passion que le questionnement fait irruption ; c'est par passion à l'égard de la raison que la passion au travail dans les « affections » est remise en question. Plus radicalement, le nerf du problème consiste dans l'acte de décision au moment de la passion : car si, dans son concept, la décision implique nécessairement de trancher pour faire choix, cette coupure se fait selon certains principes.

Or ces derniers sont moins prépondérants lorsque la passion intervient ; et le problème consiste à prendre la mesure de cette intervention. I.

« Décider de son objet » : l'autocontradiction de la passion A.

Une définition évidente de la passion : en être « l'objet » Dans cette perspective, remarquons combien la formule est ambiguë : en effet, elle définit la passion de façon redondante ; car il est clair que ce qui passionne « décide de son objet », c'est-à-dire que la passion fait de ce qu'elle passionne un « objet », qu'elle mènerait par le bout du nez, là où la passion le désirerait ; en quelque sorte, dans l'expérience de la passion, le sujet est transformé en objet.

Les exemples de l'avare de Molière et du joueur invétéré de Dostoïevski montrent que ces derniers ne maîtrisent plus ni leur vie et ses contraintes sociales, ni euxmêmes et leurs obligations propres, quand leur passion les prend.

Ils ne sont plus sujets car ils ne sont plus au centre de leur existence : ce n'est pas eux qui se commandent, mais bien plutôt leur passion qui le fait.

Ils ont perdu leur liberté, à savoir leur capacité à être au principe de leurs faits et gestes.

C'est précisément en quoi ils sont devenus des « objets » ; car l'essentiel de l'objet n'est pas seulement qu'on en dispose, réalité toujours disponible, car il serait placé devant soi, comme le dit l'étymologie ; il est surtout quelque chose d'inerte, de non spontané — une réalité dont le principe de mouvement n'est pas interne à soi, mais extérieur à soi.

Ainsi, le pantin est un objet, car son mouvement dépend des fils qui lui communiquent le mouvement.

L'animation a beau être là, le principe d'animation, lui, est ailleurs. B.

« Être l'objet » de la passion, c'est s'y accomplir Ce décentrement ne suffit pourtant pas à saisir le passionné comme « objet » ; ou alors l'obsessionnel qui souffre d'une idée fixe, le drogué en proie à l'addiction seraient déjà des passionnés ; il y a quelque chose de supplémentaire dans la passion qui fait qu'elle est plus qu'une mise à l'écart de soi en soi.

Quand on est « objet » d'une passion, c'est toute notre personnalité, l'ensemble de notre psychologie qui est comme suspendue à cette passion, qui resystématise l'allure même de notre être ; ainsi, la passion pour faire de ce qu'elle passionne un « objet », lui confère quelque chose comme un style auquel on la reconnaît, au-delà des habitudes.

Si elle fait bien corps. »

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