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Les historiens peuvent-ils éviter d'interpréter ?

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Interpréter est une opération mentale requise en histoire, que l'historien ne peut éviter, mais qui n'est pas propre à cette discipline. Interpréter n'a donc pas de caractère péjoratif, comme s'il s'agissait de porter un jugement totalement subjectif, voire injustifié. De nombreux savants se sont trompés sur des phénomènes, Galilée sur les marées par exemple, ce qui montre que l'interprétation est présente partout. Par contre c'est aux citoyens d'être vigilant sur l'interprétation que des chefs d'État ou des hommes politiques peuvent faire de l'histoire. Car elle est elle-même en tant que discipline soumise  à des enjeux idéologiques. Comment éviter cela cependant?

« Introduction: Aucun journaliste n'a hésité, en direct, à déclarer le 11 septembre 2001 événement historique.

Mais plusieurs interprétations ont été données pour en comprendre les causes et en anticiper les conséquences.

Avec le recul, la perception de l'événement est-elle toujours la même? Les historiens sont-ils, ou seront-ils, en mesure un jour d'en donner une version unique et définitive? C'est a priori ce que l'on attend d'eux : savoir comment et pourquoi ce qui s'est passé s'est passé ainsi. Mais l'historien est aussi un homme de son époque et l'histoire en général est une discipline qui traite du passé humain avec des documents humains et dans un objectif de compréhension des actes humains.

Est-il alors possible de ne pas avoir recours à l'interprétation, puisque tout le matériau humain est, par définition, sujet à interprétation ? Doit-on donc accepter toutes les interprétations ? Où s'arrête cette acceptation ? Et surtout : de quel type d'interprétation s'agit-il ? Est-ce une simple prise de parti subjective, ou s'agit-il de la prise en compte de la complexité des faits à comprendre ? Nous verrons dans un premier temps les handicaps particuliers à la discipline historique, contraignant ceux qui la pratiquent à un exercice d'interprétation, pour analyser dans un deuxième temps les conditions d'objectivité de la science historique, afin de déterminer en dernier lieu quel type d'interprétation est à l'oeuvre en histoire. I- La nécessité et la contrainte de l'interprétation A- La contrainte du passé Le matériau initial est l'ensemble des documents, monuments, témoignages dont on dispose sur la période concernée.

Si celle-ci est lointaine, les données peuvent être extrêmement lacunaires et il est impossible de remplir les « blancs » autrement que par des hypothèses et des interprétations qui ne correspondent pas nécessairement à la nature exacte des faits qui se sont produits, ou des circonstances et raisons qui les ont motivés.

Par définition, le passé n'est pas observable directement; donc il n'est pas non plus re-jouable dans les mêmes conditions pour effectuer une vérification expérimentale, comme en science de la nature.

De sorte que la théorie explicative de l'historien n'est jamais confrontée aux faits directs qu'elle prétend pourtant retranscrire.

Il est par exemple très difficile de comprendre la nature des peintures rupestres de Lascaux, savoir s'il n'était question que de religion ou si les peintres avaient un réel souci esthétique, car on ne dispose pas d'assez d'informations sur la vie quotidienne des hommes préhistoriques de l'endroit.

Si l'on utilise la métaphore musicale, c'est un peu comme si la partition originale de l'artiste comprenait des passages manquants.

Donc on interprète d'abord par manque d'informations, sachant que plusieurs propositions d'égale valeur peuvent être faites de ces lacunes. B-L'influence du présent de l'historien Les historiens sont eux-mêmes les produits de leur époque et du passé immédiat.

Ils sont en quelque sorte partie prenante des événements qu'ils sont amenés à commenter.

Cela amène trois difficultés : -d'une part, une vision rétroactive, anachronique: les valeurs et les représentations mentales de l'époque de l'historien peuvent influencer sa façon de cataloguer telle ou telle époque.

La connotation péjorative que suppose l'appellation « Moyen Âge » par exemple, est contemporaine du XIXe, époque d'un progrès économique et scientifique sans précédent en Occident.

Cela rejoint le jugement critique de Bergson sur l'illusion rétrospective de l'historien qui cherche dans le passé ce qui explique son présent à lui.

Il portera donc un jugement influencé par ce qui s'est passé après l'événement qu'il commente.

Ce que ne pouvaient faire les protagonistes de l'époque médivale bien sûr ; ils ne pouvaient se croire au Moyen Âge ; -d'autre part une vision idéologique : un historien d'inspiration marxiste va davantage insister sur les conditions et structures économiques, sociales, voire démographiques pour expliquer l'apparition des révolutions, des guerres ou des changements de régime.

Pour autant il ne faut pas négliger l'action propre de certains individus, qui ont su profiter de ces situations ou qui ont su renverser une opinion publique en leur faveur.

Il peut y avoir conflitd'interprétation sur ces points ; -enfin il ne faut pas oublier l'idéologie propre au pays ou à la culture de l'historien.

À l'époque de la guerre froide, les écoliers de l'Allemagne de l'Est et de l'Ouest avaient-ils droit à la même version des faits concernant le mur de Berlin ? ou sur la formation de leur pays ? De même pour le camp d'Auschwitz libéré par l'Armée rouge : pendant longtemps les historiens insistèrent sur le fait qu'il enfermait des prisonniers politiques, des résistants polonais, alors que les juifs, voués à l'extermination, étaient les plus nombreux. Mais justement, si l'on veut savoir ce qui s'est réellement passé pendant cette période, c'est bien aux historiens qu'on le demande.

Ce sont eux, en plus des témoignages, qui donnent les preuves pour contrer toute tentative négationniste.

Il ne s'agit alors plus d'interprétation mais de démonstration. II.

La pertinence de l'interprétation A- La méthode scientifique. »

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