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Les droits de l'homme sont-ils vraiment des droits ?

Extrait du document

« [1.

Différence entre les droits de l'homme et les droits qui régissent les États.] La juxtaposition des termes de « droits » et d'« homme » est déjà en elle-même un paradoxe.

Le droit est en effet toujours le droit qui existe dans un État donné.

Il s'applique aux citoyens de cet État, non à l'homme en général.

La souveraineté des États les rend libres de se donner leur propre droit.

Même si nous pensons qu'il existe des lois justes qui doivent être promulguées et appliquées dans tous les États, aucun Etat ne peut décider de cette promulgation ou de cette application pour un autre. Si aucun État ne peut prétendre édicter des lois qui s'appliquent à l'homme en général, peut-être les droits de l'homme sont-ils promulgués d'un commun accord par l'ensemble des États ? C'est à peu près ce qui se passe dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

A la différence de la Déclaration française de 1789, elle n'est pas faite par un seul pays, mais elle a l'avantage d'avoir été votée par presque tous les États (sauf quelques abstentions, dont celle de l'U.R.S.S.).

S'agit-il pour autant d'un droit à proprement parler? Pour qu'il puisse être question de droit, il faut qu'il y ait plus qu'une simple déclaration de principes, il faut encore que ces principes aient force de lois.

Pour cela, il faut une force qui les fasse exécuter, des tribunaux qui jugent des violations de ces droits.

Quand un homme a enfreint le droit, il est recherché par la police, jugé par un tribunal, et exposé à une peine.

Or, rien de tel n'existe dans le cas des droits de l'homme. [2.

Droit naturel et droit positif.] Pour penser le statut des droits de l'homme, nous en reviendrons donc à la distinction classique du droit naturel et du droit positif.

Le droit positif est promulgué par un État et vaut à l'intérieur de cet État.

À cet égard, la Déclaration des droits de l'homme peut en faire partie, si elle est inscrite en tête de la Constitution par exemple.

Mais nous dirons que ces droits continuent d'être valables, même dans les pays où ils ne sont pas proclamés par la Constitution, car ils appartiennent à l'homme en tant que tel, quel que soit le système politique sous lequel il vit.

Ils sont inscrits dans la nature humaine : c'est le droit naturel.

On dira alors que les Déclarations des droits de l'homme de 1789 et de 1948 ne font que proclamer ce droit naturel. Cela pose un problème.

Le droit naturel, en effet, n'a pas besoin d'être proclamé, ni à plus forte raison appliqué dans un pays, pour exister, puisqu'il est inscrit dans la nature humaine.

Il existe avant même qu'on en reconnaisse l'existence. Seulement, il est sans doute de la première importance qu'à une certaine époque de l'histoire, on éprouve la nécessité de dire, de proclamer, ce droit naturel.

C'est ici le statut de la Déclaration des droits de l'homme qui fait problème : elle ne relève pas du droit positif puisqu'elle n'a pas force de loi, mais elle est déjà plus que le droit naturel puisque le droit naturel n'est pas proclamé. [3.

Quel est le fondement des droits naturels de l'homme] Une autre difficulté, plus importante encore, se présente.

Si les droits de l'homme sont des droits naturels, il convient de justifier l'existence de droits naturels.

La référence à la nature est en effet ici problématique, car les rapports de force par lesquels les puissants écrasent les faibles sont aussi « naturels ».

Quand nous parlons de « nature », nous ne voulons donc pas désigner les faits, ce qui existe dans la réalité.

Nous visons plutôt l'essence de l'homme, ce qu'il est au fond de lui-même, mais auquel la réalité peut apporter un démenti.

Par là, le droit naturel se rapproche de la morale, c'est-à-dire d'un ensemble de valeurs, de normes, qui définissent le bien et le mal, ce qui doit être et ce qui ne doit pas être. Le problème est donc de déterminer quelle est cette « essence », cette « nature » humaine, cette norme morale définissant ce que l'homme doit être.

En d'autres termes, nous devons déterminer ce qui fonde les droits de l'homme : qu'y a-t-il en l'homme de sacré, d'inviolable, qui justifie que l'on parle de droits de l'homme? D'où vient l'idée de droit de l'homme ? Tout a commencé avec le théorème de Thalès lorsque les Grecs découvrirent l'universalité de la raison et de la vérité.

La théorie des droits de l'homme est la transposition, sur les plans éthiques et juridiques, du caractère d'universalité du concept: de même qu'une proposition vraie est vraie pour tous les hommes, une action juste doit être juste pour tous les hommes. L'idée de droit naturel vient explicitement de Grotius et de Pufendorf (on appelle jusnaturalisme cette école du droit naturel au XVIIe siècle) mais elle remonte beaucoup plus loin, au stoïcisme et au christianisme qui ont pensé l'humanité en termes universalistes.

À partir du moment où l'on pense qu'au-delà et en deçà du droit particulier qui gouverne la société civile il existe des droits universels, inaliénables, nécessaires, on est dans le concept de droit naturel.

«Naturel» doit s'entendre comme l'équivalent d'universel, d'inaliénable, de nécessaire.

Au siècle des Lumières, l'adjectif joue presque toujours une fonction critique et polémique contre la société présente. Une autre étape importante dans l'institution de ce concept, qui évidemment triomphera dans les diverses déclarations américaines et françaises des droits de l'homme, est à chercher du côté des réflexions engagées en Espagne au XVIe siècle à partir de la découverte du Nouveau Monde chez les représentants de ce que l'on appellera la seconde scolastique (voir chapitre 10, p.

98) et chez le grand Bartolomé de Las Casas, le défenseur des Indiens.

Le caractère humain de ces êtres découverts par l'Europe ne faisait en réalité de doute pour personne, même pas pour ceux qui les réduisirent en esclavage.

Donc ils pouvaient être convertis et baptisés.

S'ils n'étaient pas organisés en État, on pouvait passer avec eux des contrats: ils étaient sujets de droit.. »

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