Les consciences peuvent-elles communiquer les unes avec les autres
Extrait du document
«
I.
— UNE INTRODUCTION POSSIBLE.
En psychologie, il est difficile d'admettre des situations purement objectives.
Chacun de nous comprend et répond
d'une manière particulière.
Cette première constatation pose déjà la possibilité d'une communication des
consciences.
Par ailleurs, la vie quotidienne parce qu'elle est engagée dans une série d'actions diverses, nous relie par mille liens
au monde et aux autres.
Il existe, certes, des instants où notre personnalité profonde émerge et saisit sur ces situations des significations
indicibles.
Nous semblons condamnés à vivre et à mourir seuls.
Lavelle dit : « Il y a des moments où nous nous
apercevons que tous les visages que nous croisons sont indifférents ou étrangers, et nous sommes refoulés dans un
isolement où aucun regard ne vient jamais croiser le nôtre.
Toutes les philosophies à tendance existentialiste soulignent l'actualité du sujet de la communication des
consciences qui englobe deux questions relevant de domaines différents : une que nous pouvons appeler la
compénétration psychologique et l'autre, la communion des sujets.
De leur synthèse dérive la vraie communication
des consciences.
II.
— LA COMPÉNÉTRATION PSYCHOLOGIQUE.
a) Le langage, moyen de transmission de nos états de conscience.
Un état de conscience ne se constate pas comme un événement du monde physique.
Il n'est réellement perçu que
par celui qui le vit.
On peut se demander, dès lors, si le langage peut permettre de communiquer ses propres états
de conscience à une autre conscience !
Le langage est considéré comme le moyen de communication par excellence entre les hommes.
Mais les mots ont
été rattachés à des situations objectives et non à des impressions subjectives.
De plus, sous l'identité des mots appris et répétés se cache une diversité totale d'événements intérieurs.
Nous
pouvons exprimer ce que nous éprouvons, non par l'unique mot attaché à une situation, mais en cherchant librement
dans le trésor du langage, des mots qui nous semblent analyser ou traduire symboliquement ce que nous
ressentons.
Il est bien difficile de traduire authentiquement ce que nous éprouvons de vraiment personnel.
« Tout
ce qui est individuel est ineffable », dit un vieil adage.
De plus, les mots ne sont pas toujours employés et compris
dans le même sens par deux interlocuteurs.
Enfin, ajoutons que des états affectifs nuancés et complexes sont très malaisés à définir.
Toutes ces raisons
donnent parfois une impression d'isolement que G.
Gusdorf nomme : « un échec à la communion ».
D'ailleurs d'autres
obstacles s'opposent pratiquement à la traduction exacte de nos pensées.
Exposer sa pensée, c'est risquer de l'altérer.
Notre pensée n'a pas encore une forme arrêtée avant d'avoir été
exprimée.
Parfois, traduire de façon sincère l'authentique tableau intérieur exige beaucoup de courage et souvent
d'humilité.
Et puis, analyser sa pensée avec des mots, c'est lui enlever son caractère personnel.
Le mot est passe-partout
alors qu'un sentiment, même peu profond, est unique en son genre puisque la vie intérieure tout entière se reflète
en lui.
Au surplus, l'art du style parvient à communiquer au langage une originalité.
« Le style est l'homme même » dit
Buffon.
Enfin, très souvent les dispositions de la volonté empêchent les interlocuteurs de se comprendre.
Au moment où la
communication pourrait s'établir, une fausse pudeur nous en fait manquer l'occasion.
Le roman de Lesort : « Les
Reins et les Coeurs » met bien en évidence les causes qui empêchent les âmes de se comprendre.
L'auteur conclut :
« Dieu seul sonde les reins et les coeurs.
»
b) La communication des consciences par les signes naturels.
Peut-on prétendre lire directement les sentiments d'un autre grâce aux modifications de son visage, de son regard,
de sa voix ?
Les sentiments d'autrui nous demeurent invisibles.
Cependant, il existe des modifications corporelles que viennent
achever les sentiments eux-mêmes ou les faire affleurer dans le monde physique.
C'est peut-être pourquoi Lyautey préférait voir en face ses collaborateurs.
S'il y a des gestes ou signes naturels qui ne trompent pas, il en est d'autres dont la signification ne se traduit pas
aisément.
Aussi risquons-nous d'interpréter à faux, de l'extérieur, les véritables états de conscience d'autrui! Outre
qu'il faut connaître à fond celui dont on examine le visage par exemple, il importe surtout, pour être capable de
traduire authentiquement ses émotions, de pouvoir vivre les mêmes expériences que lui.
c) Le raisonnement.
L'accord qu'il détermine n'a ni chaleur, ni intimité.
Il est impersonnel chez celui qui opine et il est accord avec soimême chez celui qui le présente.
De plus, le raisonnement, tout comme le sentiment peut avoir des « infrastructures personnelles.
»
d) L'influence.
Il arrive que l'on confonde communion et influence.
Cette dernière n'est qu'une suggestion.
Certaines sont comme
des imprégnations.
Elles sont insensibles et paraissent se confondre avec le jeu des forces naturelles.
Sous forme de suggestion ou d'imitation, l'influence ne constitue pas une forme authentique de communication des.
»
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