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Le moi est haïssable. Pascal

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? Cette formule figurait dans les nombreux papiers laissés par Blaise Pascal (1623-1662) à sa mort et qui furent rassemblés par ses héritiers pour constituer les Pensées. Elle se trouve au début du fragment 455 de l'édition Brunschvicg ou du fragment 136 de l'édition Chevalier (en Pléiade). ? Le sens de cette réflexion s'éclaire si on la complète par la suite du fragment : « Le moi est haïssable : vous Milton, le couvrez, vous ne l'ôtez pas pour cela; cela vous est donc toujours haïssable. - Point, car en agissant, comme nous faisons, obligeamment pour tout le monde, on n'a plus sujet de nous haïr. - Cela est vrai, si on ne haïssait dans le moi que le déplaisir qui nous en revient. Mais je le hais parce qu'il est injuste, qu'il se fait centre du tout, je le haïrai toujours. En un mot, le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre du tout; il est incommode aux autres, en ce qu'il les veut asservir : car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. »

« Le moi est haïssable.

Pascal Cette formule figurait dans les nombreux papiers laissés par Blaise Pascal (1623-1662) à sa mort et qui furent rassemblés par ses héritiers pour constituer les Pensées.

Elle se trouve au début du fragment 455 de l'édition Brunschvicg ou du fragment 136 de l'édition Chevalier (en Pléiade). Le sens de cette réflexion s'éclaire si on la complète par la suite du fragment : « Le moi est haïssable : vous Milton, le couvrez, vous ne l'ôtez pas pour cela; cela vous est donc toujours haïssable.

— Point, car en agissant, comme nous faisons, obligeamment pour tout le monde, on n'a plus sujet de nous haïr.

— Cela est vrai, si on ne haïssait dans le moi que le déplaisir qui nous en revient.

Mais je le hais parce qu'il est injuste, qu'il se fait centre du tout, je le haïrai toujours. En un mot, le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre du tout; il est incommode aux autres, en ce qu'il les veut asservir : car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres.

» Le moi est donc doublement haïssable.

Il est haïssable aux autres et haïssable en soi. Pour les autres, l'affirmation du moi est perçue comme une menace.

Car il est dans la nature de ce moi de s'affirmer et cette affirmation se fait toujours au détriment d'autrui. Même celui qui, comme Milton, « couvre » son moi, qui rend les rapports sociaux plus aisés en tenant la bride à ce moi, ne peut l'empêcher d'être là, toujours aussi despotique sous les allures de la modestie. Et l'on en arrive donc au deuxième sens de cette formule, celui qui prédomine à juste titre dans la mémoire collective.

Le moi est haïssable parce que sa prétention à être au centre de tout traduit l'orgueil humain. Cet orgueil est pour Pascal la grande faute.

La principale qualité du chrétien doit être l'humilité.

Il doit sentir combien il est peu de chose face à l'infinie puissance de Dieu. Pascal ne souhaite pas que l'homme se ravale au rang de l'animal car il est grand par la pensée.

Mais il ne veut pas non plus que cet homme, fier de cette supériorité sur l'animal, en vienne à se prendre pour le roi de l'univers.

Ce qui lui fait écrire, toujours dans les Pensées: «S'il se vante, je l'abaisse; s'il s'abaisse, je le vante; et le contredis toujours jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible.

» ou encore, dans un autre fragment : «Il est dangereux de trop faire voir à l'homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur.

Il est encore dangereux de lui l'aire voir sa grandeur sans sa bassesse.

Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l'un et l'autre.

» Pascal se situe donc tout à fait dans la perspective du catholicisme dont il s'est fait le défenseur.

L'orgueil fait partie des péchés capitaux --- ceux qui vous envoient en enfer — et la première vertu du chrétien doit être l'humilité. Paul Valéry plaisante dans Tel quel (« Choses tues ») sur cette formule dans la bouche du défenseur d'une religion dont le principe fondamental est « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » : «Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie.

». »

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