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Le désir peut-il être désintéressé ?

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« Il est difficile d'imaginer un sujet qui ne soit pas intéressé par ce qu'il désire, le désir vise un objet qu'il souhaite s'approprier ou s'incorporer.

On distingue le désir du plaisir esthétique comme l'a fait Kant dans la Critique de la faculté de Juger, qui ne cherche pas à s'approprier l'objet ou à la consommer.

De fait, le désir apparaît de facto comme intéressé.

L'intérêt semble ici se réduire aux plaisirs sexuels ou de la table et exclut d'avance tout possibilité de désir intellectuel, désir d'être plus heureux etc.

Il s'agit de se demander ce que vise le désir, s'il vise à une satisfaction particulière, ce qu'il cache en son sein et si, toujours il n'a pour but que de satisfaire les intérêts particuliers de l'homme. 1) Le désir ne vise pas un objet en particulier. Pour Spinoza, dans l'Ethique, l'homme, cet être unitaire, est toujours un acte (action de penser, de « vouloir », de désirer), et jamais une potentialité (faculté de vouloir, de sentir, de juger).

Enfin et surtout survient ici la doctrine la plus importante et la plus nouvelle : cet être unitaire (et contingent) qu'est l'homme n'est pas un être de connaissance, mais un être de désir.

Spinoza l'affirme nettement à plusieurs reprises (notamment au livre III, qui n'est pas une simple théorie de la passivité) : « L'essence de l'homme est le désir.

» Le fondement (et le sens) de ce désir est à la fois naturel, intelligible et actif : c'est l'effort pour persévérer dans l'être.

Il y a là un dynamisme et non pas, comme le dira injustement Nietzsche qui est pourtant l'héritier de cette doctrine, une passivité végétative destinée à se conserver, une sorte d'instinct de conservation.

Bien au contraire, l'effort pour être et le désir qui le signifie ou l'exprime sont un mouvement vers l'accroissement de la puissance ; non pas certes de la domination, mais de la puissance d'exister, et du pouvoir d'affirmation.

Spinoza renverse encore une fois l'ordre des termes : ce n'est pas pour connaître que l'homme désire (comme chez Platon) ; c'est pour déployer son désir (c'est-à-dire son existence affirmative) que l'homme s'efforce d'imaginer ou de connaître.

S'il poursuit la perpétuation de son existence, c'est donc et comme corps et comme esprit.

Le désir n'est pas pour Spinoza le domaine inférieur de la sensibilité, qui serait source du mal et de l'esclavage et qu'il conviendrait de réprimer par la raison et la morale. Cette perspective platonicienne et kantienne est aux antipodes du spinozisme.

Ici, au contraire, le désir est le mouvement existentiel du corps et de l'esprit ; c'est un mouvement unique qu'on appellera modification du corps ou idée de l'esprit, suivant le point de vue et le registre adoptés.

Les passions et les sentiments (termes non spinozistes), ou plutôt les affects (affectus) ne sont rien d'autre que la conscience des transformations du corps, l'idée des affections (affectiones) du corps.

Ce mouvement unitaire du désir est originel et premier.

Mais comme le pouvoir qu'il manifeste peut aller en s'accroissant ou en diminuant, l'homme peut vivre la joie ou au contraire la tristesse, bien qu'il poursuive essentiellement toujours la réalisation et la perpétuation de son désir, c'est-à-dire la joie.

De ces deux « passions » fondamentales (trois, si, comme Spinoza le fait lui-même, on y ajoute le désir, qui est en réalité la source des deux autres) découleront tous les affects humains : amour, générosité, « force d'âme », courage, ou bien, au contraire, envie, haine, jalousie, ambition.

Le désir est bien une tendance fondamentale de l'être qui ne vise pas un objet en particulier mais l'accomplissement de l'être en général. 2) Le faux désintéressement du désir amoureux. Pour Schopenhauer dans le Monde comme volonté et comme représentation, tout amour, toute passion amoureuse cachent sous leurs manifestations, des plus vulgaires aux plus sublimes, le même vouloir-vivre, le même « génie de l'espèce ».

Cette dénonciation de la sexualité (« le grand secret »), en particulier dans le chapitre férocement misogyne des Parerga « sur les femmes et Freud pourra trouver chez Schopenhauer non seulement la subversion du moi et le primat de la sexualité, mais même l'ébauche d'une théorie du refoulement.

En perpétuant l'espèce dans l'individu, la sexualité signifie au moi sa propre mort. Les moralistes ont bien vu que la peur de la mort était aveugle, déraisonnable, mais elle ne peut être comprise et surmontée que rapportée au noyau de notre être, au vouloir-vivre indestructible.

Là encore, l'illusion est de chercher un principe d'immortalité dans l'indépendance d'une âme raisonnable.

Le désir sexuel est faussement désintéressé et libre, l'individu est en proie à des forces plus profondes, dont la volonté, l'intérêt est la survie de l'espèce.

Au-delà du caractère en vérité irrationnel du désir, il faut peut être aussi sur l'orientation de ce désir, sur l'usage que peut en faire l'homme et le moyen de le dépasser. 3) La trajectoire du désir de l'intérêt au désintérêt. Dans les dialogues de Platon, la pensée est rythmée par l'alternance d'examens laborieux, moments de dénuement où elle tourne en rond, et d'inventions inspirées, quand se découvre tout à coup par où et comment chercher.

L'un commande l'autre : la flamme ne jaillit que si l'on a péniblement frotté le briquet en tous sens ; la. »

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