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Le bien est-il aimable ?

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« Le bien est-il aimable? Si oui, la morale ne se réduit-elle pas à la psychologie de l'inclination et du désir? Si non, la morale n'est-elle pas en contradiction avec la psychologie? INTRODUCTION.

— Suivant leur tempérament ou suivant les rencontres, les moralistes prennent des visages bien divers.

Parfois, on les voit, le regard illuminé et souriant, dire le bonheur que l'on éprouve à faire le bien.

Mais il arrive aussi de les trouver sombres et durs, prêchant la nécessité du sacrifice pour quiconque veut mener une vie moralement bonne. C'est que la morale comporte deux exigences qui semblent contradictoires: D'une part, le bien qu'elle commande doit être aimable, sinon comment pourrions-nous le pratiquer? D'autre part, ce n'est pas parce qu'il nous plaît que nous devons le pratiquer, mais parce qu'il est le bien, sinon la morale n'aurait plus qu'à déterminer quelles sont les tendances de l'homme et ne serait plus, comme la psychologie, qu'une science positive.

Sous l'impression de la première de ces deux exigences, le moraliste fait valoir tout ce qu'il y a d'aimable dans le bien.

Au contraire, quand il est frappé par la seconde, tout ce qui est aimable lui paraît s'opposer au bien. Nous nous trouvons ainsi dans une délicate alternative.

Si le bien est aimable, la morale se réduit à la psychologie : elle consiste à déterminer ce qui nous paraît le plus aimable.

Si le bien n'est pas aimable, la morale contredit la psychologie et même le simple bon sens : elle commande d'aimer ce qui n'est pas aimable. Comment sortir de cette alternative et sauver la morale sans contredire.

les lois de la psychologie ? I — THÈSE : LE BIEN EST AIMABLE, ET LA MORALE IMPLIQUE UNE PSYCHOLOGIE DE l'INCLINATION ET DU DÉSIR. A.

Le bien est aimable.

— Le bien consiste à vivre conformément à la nature humaine, c'est-à-dire conformément à la raison, à, réaliser en soi l'idéal humain. Quoi de plus attirant et de plus aimable ? a) Le bien est aimable à voir.

On prend plaisir à se représenter une.

vie individuelle ou une vie sociale conforme à l'ordre.

Mais ce sont surtout.

les êtres concrets en qui nous voyons réalisé dans une large mesure le bien idéal qu'il est aimable de fréquenter.

Quant à la contemplation de Bien suprême, Dieu, elle ferait notre béatitude et nous fixerait nécessairement dans la voie de l'idéal. b) Le bien est aimable à pratiquer.

En effet, la conscience d'avoir fait un progrès ou accompli une bonne action est une douce récompense, et.

celui qui l'a expérimenté se sent porté en avant dans la voie du mieux.

D'autre part, la pratique du bien entraîne des conséquences si heureuses.

que l'homme vertueux est largement dédommagé des sacrifices qu'il aurait.

pu faire : « Si les coquins savaient les avantages de la vertu, disait FRANKlIN, ils se feraient honnêtes par coquinerie.

» B.

La morale comporte une psychologie de l'inclination et du désir.

— Le bien ne nous est pas imposé de l'extérieur par la volonté positive d'un législateur plus ou moins capricieux.

Il est exigé par notre nature. a) Par suite, la morale doit commencer par une étude approfondie de la nature humaine et par la recherche de ses aspirations les plus essentielles.

La morale se fonde donc sur la psychologie, en particulier sur la psychologie de l'inclination et du désir. b) De plus, le moraliste cherche à utiliser toutes les énergies qui se trouvent dans l'homme; pour cela, il doit les connaître et être familiarisé avec les lois de notre activité intérieure.

La morale pratique suppose donc la psychologie. II — ANTITHÈSE : LE BIEN N'EST PAS AIMABLE, ET LA MORALE S'OPPOSE A LA PSYCHOLOGIE. A.

Le bien n'est pas aimable.

— Naturellement, l'homme n'aime que lui et ne cherche que son plaisir ou son intérêt.

Or, le bien moral est essentiellement conditionné par le désintéressement et il comporte un constant sacrifice de soi. a) Faire le bien, c'est presque toujours chercher le bien des autres : la plupart de nos devoirs sont des devoirs envers le prochain. b) Même quand nous cherchons notre bien, ce n'est pas parce qu'il est agréable que nous devons le chercher, mais parce qu'il est le bien : les devoirs envers nous-mêmes ont pour but, non pas de nous procurer quelque plaisir, mais de nous conformer à la norme idéale de l'homme. B.

La morale s'oppose à la psychologie.

— a) Il y a une différence essentielle entre la morale et la psychologie : la psychologie, en effet, détermine les lois qui régissent en fait l'activité humaine, quelles sont nos inclinations et quels sont nos désirs; la morale détermine les lois auxquelles nous devons nous soumettre, ce que nous devons désirer. b) Bien plus, la morale s'oppose à la psychologie : le psychologue nous assure, en effet, que toute l'activité de l'homme est commandée par la loi d'intérêt; le moraliste, au contraire, n'admet comme moralement bonnes que les actions désintéressées. III.

— SYNTHÈSE : Il EST DIFFÉRENTES SORTES DE BIEN, ET LA MORAlITÉ EST DANS LE DÉSIR DES BIENS SUPÉRIEURS. A.

Il est différentes sortes de bien.

— L'homme est un être complexe : il est en même temps corps et esprit, sensibilité et raison.

Par suite, on observe en lui des inclinations multiples et souvent opposées : ce qui, d'un point de vue, lui paraît bon et aimable, sera jugé mauvais s'il se place à un autre point de vue. a) Il est d'abord des biens sensibles ou inférieurs.

Le bien inférieur consiste essentiellement dans les plaisirs des sens, dont le type est le plaisir du boire et du manger; mais on peut y rattacher aussi tous les intérêts personnels. b) Il est un bien rationnel ou supérieur qui consiste dans la réalisation de l'ordre conçu par la raison, d'abord dans l'organisation de sa vie et ensuite dans l'organisation de la vie sociale. B.

La moralité est dans le désir des biens supérieurs.

— a) Il n'y a pas de moralité sans désir et les psychologues ont raison d'affirmer que le désir de ce qui est aimable est le ressort indispensable de toute activité humaine.

Les moralistes eux-mêmes ne demandent pas seulement à l'homme la pratique matérielle de la loi, la légalité, comme dit KANT; ils ne reconnaissent de vraie moralité que dans une vie commandée par la volonté et l'amour du bien. b) Mais ce n'est pas tout désir qui est moral, et aimable n'est pas synonyme de bon : les moralistes n'ont pas tort de réprimer certaines de nos inclinations naturelles.

Le bien moral consiste dans la subordination rationnelle de nos tendances inférieures à nos tendances supérieures.

Le saint est un homme de désirs, mais un homme de grands et nobles désirs. CONCLUSION.

- Nous n'avons donc pas à choisir entre les deux termes de l'alternative que nous avions posée : nous les maintenons tous deux et il n'y a pas de contradiction à affirmer que le bien est aimable et que cependant la moralité ne consiste pas à faire ce qui plaît; il est également vrai que la pratique du bien demande des sacrifices, et par suite, de ce point de vue, n'est pas aimable, bien que nous ne puissions jamais choisir que ce que nous aimons. C'est que nous sommes doubles : par notre corps nous faisons partie du règne animal; par notre âme, nous sommes apparentés au monde des esprits. Quand nous nous efforçons de vivre selon l'esprit, la bête, qui est quelque chose de nous, regimbe et proteste : il faut la mater.

Quand nous nous Abandonnons aux impulsions bestiales,, c'est l'esprit, qui est notre caractéristique spécifique, qui gémit d'être sacrifié à des tendances si basses.

La moralité consiste à aimer, mais à n'aimer que ce qui est digne d'être aimé par un être qui pense.. »

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