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L'art est-il indépendant de la société qui le voit naître ?

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« Le fait que l'œuvre d'un artiste dépend de son époque est indéniable, l'artiste exprimerait la vision du monde de son époque, le style, il ne peut exprimer que ce que les découvertes de son époque lui permettent de dire, bien qu'on dise souvent qu'il est en avance sur son temps, il n'est pas pour autant devin, les œuvres d'anticipation s'inspirent dans une certaine mesure de l'époque.

Mais il y a des exceptions à cela et l'histoire de l'art renferme des surprises. Le 19e siècle fut la grande époque des décalages artistiques.

Le Moyen Age a été le modèle du 19e siècle romantique, on s'est inspiré des styles byzantins, Renaissance dans l'architecture à l'heure de l'industrie et des chemins de fer.

Aussi, contrairement à ce qu'on pourrait croire, le style antique a été remis au goût du jour à la Renaissance, l'époque classique au 18e siècle, avec le néo-classicisme au 19e siècle.

On se pose rarement la question de la pertinence d'un style vieux de plus de 2000 ans dans un monde entièrement différent.

Une œuvre d'art dépend certes de son temps mais aussi dans ce cas d'une époque plus reculée dans le temps et d'une bonne partie de l'histoire de l'art.

De quoi dépend réellement l'art d'une époque ? 1) L'art dépend de canons artistiques qui ne lui sont pas contemporains. Pour expliquer le fait qu'un art ne soit pas en adéquation avec son époque, il faut chercher des exemples dans l'histoire de l'art assez proches de nous.

L'industrie, en effet, est arrivée de manière brutale dans une Europe où les structures de l'Ancien Régime étaient encore très prégnantes.

Cette persistance se traduisait par une passion pour le Moyen Âge et par l'amour de l'architecture gothique et la nostalgie d'une Allemagne pas encore divisée par l'œuvre de la Réforme.

Cette persistance même était due à la réaction du pouvoir et d'une certaine catégorie d'intellectuels et d'artistes qui voyaient dans les idéaux des Lumières et de la Révolution française puis dans l'industrie, une menace pour la pérennité de l'art et des valeurs qui avaient permis de souder l'ensemble de la société jusqu'au XIXe siècle.

En somme, la noblesse se voyait menacée dans sa position par la montée de la classe bourgeoise naissante à l'époque de l'industrialisation.

Cette même bourgeoisie, plutôt que d'éliminer la noblesse, a voulu l'imiter dans ses attitudes et ses goûts pour diminuer la différence qu'il pouvait exister entre eux.

La noblesse imita l'art du Moyen Âge pour asseoir et perpétuer sa légitimité, et la bourgeoisie montante reprit les canons édictés par la noblesse pour la construction de ses demeures privées, dans les édifices publics, et les arts décoratifs. 2)L'œuvre d'un artiste dépend de son époque. Selon Wölfflin, Les transformations de l'architecture obéissent à une modification générale du « sentiment de la vie » dont la poésie, la musique, la mode et la religiosité contribuent à donner une image cohérente.

La cause ne précède pas le phénomène conditionné mais le contient : elle en est le contexte historique, qu'il ne faut pas confondre avec le « milieu ».

Aussi dans ces Principes fondamentaux de l'histoire de l'art, Wölfflin catégorise l'art et permet de discriminer l'art baroque de l'art classique en les opposant.

L'opposition du linéaire et du pictural par exemple permet de voir les différences entre des œuvres et de les classer tout de suite.

Par là, Wölfflin tente de trouver des traits généraux de l'histoire de l'art et non des individualités.

La démarche de Wölfflin nous fait comprendre que la démarche d'un artiste doit être en adéquation avec son époque, qu'elle émane de l'évolution générale de la société, un artiste de la Renaissance ne peut échapper à certaines caractéristiques quoi qu'il veuille réaliser.

Même un génie ne peut s'extraire de son époque, il y a des génies renaissants et des génies romantiques. Une œuvre est le reflet de son époque.

Une église baroque est forcément le résultat de la Contre-Réforme. 3) la création artistique se situe au-delà de toutes les époques. C'est justement la grandeur de l'art de dépasser les époques et de parler à l'homme bien longtemps après que la civilisation qui a vu naître l'œuvre ait disparu.

Il s'agit bien plutôt de dépasser la particularité pour viser l'universalité et toucher le plus de monde possible.

L'artiste peut arriver à cela en exprimant des éléments de la condition humaine qui ne changeront jamais : la mort, l'amour, la trahison, la solitude, la maladie, les différents âges de la vie.

On lit encore Montaigne, on admire les toiles de Jérôme Bosch, et le rire de Rabelais, bien que ces œuvres soient marquées historiquement, elles mettent au jour des aspects de la condition humaine que d'autres artistes par la suite n'ont pas su exprimer.

Les grivoiseries de Rabelais et sa scatologie ont encore une signification pour nous.

De même en écoutant Mozart, a-t-on le sentiment d'avoir une photographie du 18e siècle sous les yeux ou ressens-ton simplement des émotions à caractère presque universelles ? C'est peut être le caractère même du plaisir esthétique de ne pas être daté historiquement, et de ne pas tomber immédiatement dans l'interprétation esthétique. Conclusion. L'art dépend de son époque dans la mesure où il ne peut s'exprimer qu'avec les moyens techniques et artistiques existants.

Même le plus innovateur des artistes romantiques restera romantique dans la mesure, il sera perçu a posteriori comme le symbole, la quintessence de son temps.

L'art n'est qu'un perpétuel retour à ses fondements, au questionnement sur ce constitue la beauté.

Les différentes époques de l'histoire de l'art n'ont été que des différentes réponses à ces problèmes, réponses formulées avec des éléments hérités de l'histoire ou contre eux. Aussi ces réponses sont marqués historiquement, et ne rencontrent plus forcément d'échos aux époques suivantes.. »

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