L'âme est-elle indépendante du corps ?
Extrait du document
«
S'il est une question épineuse, c'est bien celle de l'âme, ainsi que celle de son rapport avec le corps.
Comment
définir l'âme, comment se la figurer? C'est ici que l'on peut faire jouer la dualité avec le corps.
En effet, si le corps
est du côté de la matière, on pourra penser l'âme comme une entité immatérielle, quelque chose qui se situe le
versant spirituel de l'homme.
Si le corps, c'est à dire tout ce qui est matériel, n'épuise pas la constitution de
l'homme, si la somme des composants organiques ne suffisent pas à décrire un être humain, alors cela nous renvoie
à ce qui distingue l'homme en propre, cette partie qui subsistera donc au cadavre: l'esprit, le psychisme (psychè en
grec signifie « âme »).
Commet dès lors s'interroger sur l'indépendance que peut revêtir cette substance, puisque cette indépendance c'est
précisément ce qui nous la signale? Quel sens cela a de se demander si elle échappe au corps puisque c'est
précisément par ce chemin de traverse que nous la saisissons?
I.
Platon: un corps comme tombeau
Il est possible de débuter cette partie par cette phrase de Platon: « Le corps est le
tombeau de l'âme » (il s'agit de passer par le grec où corps se dit soma, et tombeau
semè).
Or ce rapprochement n'est pas que phonétique.
Le monde sensible n'est pour
Platon qu'une simple copie d'un monde réel où résident les modèles dont elle s'inspire: le
monde des Idées.
Face à la multiplicité du monde sensible où tout n'existe que sur un
mode imparfait, corruptible, contingent, le monde des Idées contient l'essence unique et
immuable de chaque chose.
Et le Phèdre nous apprend que nous avons connu ce monde
à travers un mythe: nos âmes étaient présentes dans le char conduit par Dieu au
dessus de ce monde.
Nous avons pu apercevoir cet espace des essences, et nous en
avons gardé un souvenir.
La maïeutique est précisément cette activité dans laquelle
l'âme se souvient de ce qu'ella a entre aperçu.
Notre âme préexiste donc à son incarnation physique dans le corps.
D'ailleurs, face à la
multiplicité insatisfaisable des désirs (épithumia) du corps, Platon oppose cette unité de
l'esprit qui s'exerce à travers une volonté guidée par l'Idée du Bien.
Ses objets ne sont
pas pluriels, elle tente de se séparer progressivement et autant que faire se peut de ce
corps qui l'emprisonne, elle tente de mourir au sensible.
L'intellect, qui doit être la partie directrice de notre âme,
nous guide en dehors de ce monde où tout change sans cesse, pour nous emporter vers l'au-delà métaphysique du
monde des Idées.
L'âme est cette trace en nous qui fait que nous ne pouvons nous réduire à une existence matérielle, elle indique le
sort de l'homme comme étant celui qui doit s'extirper sa vie durant de ce corps pour sourire à la mort alors vécue
comme libération.
Mais elle signale aussi que cette dite vie n'est qu'un passage, que l'âme ne subira le corps que
momentanément, et qu'aussi elle doit se préparer à cette échappée physique que marque la mort.
L'indépendance
est donc celle d'un esclave à sa cellule.
Cependant, l'exercice de la philosophie pour Platon, en cela qu'il l'entraîne à
visualiser cet espace inédit qu'est l'espace des Idées, est une émancipation de l'âme.
Le corps est en ce sens une
limite à repousser: ce ne sont plus les désirs corporels qui dictent à l'âme son devoir faire; c'est l'intellect qui est
appelé à maîtriser cet hydre.
II.
De Malebranche à Freud: l'homme comme entité psychosomatique.
Platon pense ainsi une indépendance possible entre l'âme et le corps: l'âme existait et existera par la suite sans lui;
le corps n'est que son visage terrestre, un masque même dont il faut se délester, un poids sont il faut faire taire
l'influence.
Malebranche, dans La recherche de la vérité, nous rappelle que l'homme est un ensemble
psychosomatique indissociable: Il n'y a pas deux entités séparés, pas de division au sein de l'être humain.
Preuve en
est le sentiment que l'on a d'exister nous dit Malebranche.
Nous avons conscience de nous même, de notre
existence, par un sentiment intérieur: le sentiment, c'est précisément ce qui fait appel autant au corps qu'à l'esprit;
c'est aussi ce qui tient l'un contre l'autre le sujet et l'objet (je ne peux me dissocier, prendre de la distance avec ce
que je désire, je suis irrémédiablement lié à lui).
Je sents tacitement que j'existe tant par mon corps que par mon
esprit..
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