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L'absolutisme

Extrait du document

« A.

Une conception théologique de l'État On désigne sous le nom d'absolutisme, ou de totalitarisme, la doctrine qui accorde à l'État un pouvoir absolu. L'individu n'a pas de valeur en lui-même, il est réduit à l'obéissance.

Dans cette perspective, l'autorité de l'État ne saurait émaner des individus eux-mêmes : elle a une origine transcendante.

Ou bien le souverain est Dieu lui-même (théocratie), comme le pharaon égyptien qui est l'incarnation terrestre du dieu Horus, ou comme l'empereur divinisé de la Rome antique.

Ou bien le souverain est le représentant de Dieu sur la terre.

C'est, dans une certaine mesure, le cas des rois et des empereurs chrétiens de l'ancienne Europe.

Sans doute le roi n'est-il le maître que des affaires temporelles, l'Église présidant au domaine spirituel.

Toujours est-il que le pouvoir n'émane pas des individus et que le souverain n'est pas responsable devant ses sujets.

D'après Bossuet, l'État n'a pas à rendre des comptes aux hommes.

Le roi, « oint du Seigneur », n'est responsable que devant Dieu, et « il ne reste aux particuliers aucun droit contre la puissance publique ».

Cet absolutisme suppose une philosophie pessimiste de l'homme.

Si les sujets doivent au Souverain, représentant de Dieu, une obéissance inconditionnelle, c'est parce que l'homme, en raison du péché originel, est radicalement mauvais. Cette conception traditionnelle de l'Eglise depuis le Moyen Age s'est surtout développée au XVII- siècle avec des penseurs comme Suarez (« De Legibus »), ou Bossuet (« Politique tirée des paroles de l'Ecriture sainte »). Elle affirme que le pouvoir civil, loin d'être arbitraire, a bien un fondement, une source qui le légitime: Dieu.

La théorie du droit divin reprend et commente la parole de saint Paul: « il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu » (« Epître aux Romains », XIII).

Comment comprendre cela ? Il ne s'agit évidemment pas de dire que Dieu désigne directement les gouvernants.

Mais, de même que les évêques tirent de Dieu leur autorité pastorale bien qu'ils soient désignés par le pape, de même les souverains peuvent bien être désignés selon des voies humaines mais tenir de Dieu, et non des hommes, leur autorité.

La théorie du droit divin n'est pas une conception « magique » de l'Etat.

Dieu y définit un droit politique, un fondement à l'exercice du pouvoir, et n'intervient pas dans le mode de formation de l'Etat. De là plusieurs remarques : 1 - Le droit divin a une portée universelle.

Il faut prendre à la lettre la formule de Paul: s'il n'y a point de pouvoir qui ne vienne de Dieu, il est donc également possible de parler de république de droit divin.

Le droit divin est dans son principe compatible avec toutes les formes d'Etat et de gouvernement. 2 - En fondant l'Etat en Dieu, le droit divin prétend le fonder en raison.

Il n'y a là nul paradoxe.

D'une part, le pouvoir a un fondement, et sort donc de l'arbitraire; il a une raison de s'exercer autre que ces causes sans raison que sont le hasard des fortunes, l'accoutumance due à la durée ou l'art des gouvernants.

D'autre part, Dieu n'est pas un malin génie qui s'amuse à bouleverser à sa guise l'ordre du monde.

Il est au contraire le garant de la raisonnabilité de l'univers politique, comme il est le garant de la rationalité de l'univers physique.

Les théoriciens de droit divin du XIX siècle (J.

de Maistre, L.

de Bonald) ont particulièrement insisté sur l'idée d'une providence divine conçue comme un ordre universel et rationnel et qui seule peut fournir au politique un fondement acceptable. Bossuet écrivait déjà en 1670 que « l'autorité royale est soumise à la raison » ; le «Prince», Dieu sur la terre, ne peut, par cette raison même, y faire n'importe quoi. 3 - La théorie du droit divin aboutit à une conception absolutiste de l'Etat, conséquence elle aussi tirée des Ecritures Saintes.

S'il n'y a en effet pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu, alors « celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu » (« Ep.

aux Rom.

», XIII).

L'obéissance au souverain doit se faire sans réserve et il ne saurait exister dans l'Etat aucune instance qui puisse de droit contester ses décisions. Nous verrons au chapitre suivant qu'il serait hâtif de se fonder sur ces thèses pour identifier l'absolutisme étatique au despotisme et ne voir dans le droit divin qu'une ruse pour l'arbitraire de la volonté des tyrans.

Il faut néanmoins noter que la théorie du droit divin implique, avec ses conséquences absolutistes, une double négation.

Premièrement la négation du droit de résistance qui sera inscrit dans la déclaration de 1789 comme un des quatre droits naturels et imprescriptibles de l'humanité.

Deuxièmement la négation de la théorie de la souveraineté du peuple: certes, le droit divin n'est pas en principe incompatible avec l'existence d'une république ou d'une démocratie, puisque sa formulation le fait valoir universellement ; mais il est clair que, si la souveraineté a sa source en Dieu, elle ne saurait l'avoir dans le peuple. C'est à partir de ces deux points, souveraineté du peuple et droit de résistance, que, contemporaine à la théorie du droit divin et contre elle, la théorie du contrat social va proposer un autre modèle de légitimité au pouvoir politique et permettre de poser en des termes renouvelés, et modernes, le problème de l'absolutisme étatique. B.

L'État divinisé. »

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