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La perfectibilité ?

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« C e mot peut signifier deux choses : – la capacité pour l'homme de développer des facultés ou des qualités qui n'existent qu'en germe dans sa nature (contrairement à l'animal, dont les comportements sont instinctifs et donc fixés une fois pour toutes) ; – la possibilité de tendre, au cours de l'histoire, vers un accomplissement, une perfection plus grande de la nature intellectuelle et morale de l'espèce humaine. De fait, les deux sens sont souvent étroitement associés (chez C ondorcet par exemple).

Mais, en principe, ils peuvent être conçus indépendamment l'un de l'autre.

La possibilité de se perfectionner (premier sens) n'implique pas inévitablement celle de se parfaire (second sens).

Dire des hommes qu'ils peuvent faire des progrès (dans la connaissance, la technique, l'art, etc.) ne signifie pas nécessairement que leur histoire est celle du progrès, c'est-à-dire de la progression vers un état meilleur.

Rousseau, d'ailleurs, dissocie nettement ces deux sens de la perfectibilité pour ne garder que le premier : certes, dit-il, l'homme a développé s e s capacités depuis l'état de nature, mais ce développement a correspondu à sa dépravation (en devenant sociable, il est devenu dépendant d'autrui et hypocrite ; en devenant rationnel, il a appris le calcul égoïste, etc.). La faculté de se perfectionner, à l'aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu, au lieu qu'un animal est au bout de quelques mois ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans ce qu'elle était la première année de ces mille ans.

Pourquoi l'homme seul est-il sujet de devenir imbécile ? N'est-ce point qu'il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n'a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l'homme, reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? L'homme naturel est capable de progresser, de s e perfectionner.

C'est même ce qui va lui permettre de développer des techniques, et d'inventer la société, quittant ainsi l'état de nature.

De ce fait, Rousseau va souligner, à la suite du texte cité, que c'est précisément cette perfectibilité qui pourrait être la cause de tous les malheurs de l'homme. Problématique. Qu'est-ce qui distingue l'homme de l'animal ? Tandis que l'animal est figé dans une conduite totalement instinctuelle, l'homme, lui, est capable de se perfectionner, en utilisant son environnement à son profit.

Ce qui le prouve, c'est que l'homme peut régresser, alors que 'animal ne le peut pas. Enjeux. On trouve ici la distinction essentielle entre l'homme et l'animal, qui du même coup permet de comprendre l'opposition entre nature et culture.

Parce qu'il est capable de progresser, de s'améliorer lui-même, et pas seulement de comprendre des choses nouvelles, l'homme est de loin supérieur à l'animal.

Mais encore lui faut-il savoir utiliser ce don : la guerre comme la médecine sont des fruits de cette perfectibilité. éléments d'explication Dans le Discours sur l'inégalité, Rousseau fait l'hypothèse d'un état de nature dans lequel l'homme aurait vécu avant l'institution de la société.

C ette hypothèse doit lui permettre de mieux comprendre l'état présent, celui de l'homme civilisé et malheureux. L'homme naturel selon Rousseau est presque un animal : « un animal moins fort que les uns, moins agile que les autres, mais à tout prendre organisé le plus avantageusement de tous ».

Il n'est pourtant pas totalement un animal : s'il l'était, on ne comprendrait pas qu'il ait pu devenir ce que nous voyons.

Quelle différence y a-t-il donc entre les bêtes et nous ? Traditionnellement, les philosophes répondent que l'homme est intelligent, qu'il a une raison, bref qu'il a une nature plus « riche » que celle de l'animal. Rousseau ne se contente pas de cette perspective qui sous-estime l'influence des causes externes.

Il soutient même que « tout animal a des idées puisqu'il a des sens », et qu' « il combine ses idées jusqu'à un certain point ». Il est par ailleurs possible que l'homme n'ait « aucun instinct qui lui appartienne », ce qui lui permettrait de s'approprier tous ceux des animaux.

Mais cette question est discutée.

Elle prépare, cependant, l'introduction de la notion île perfectibilité, finalement caractéristique incontestable- île l'homme.

En mettant en avant ce concept de perfectibilité, Rousseau définit en effet la nature de l'homme connue une pure virtualité, qui ne suppose, chez l'homme purement naturel, aucune qualité déterminée, bien qu'elle les contienne toutes en puissance.

La vie solitaire, oisive et libre, de cet homme, laisse toutes les possibilités qu'il enferme en sommeil.

Dans ce texte, Rousseau indique que la faculté de se perfectionner ne développe toutes les autres facultés qu' « à l'aide des circonstances ».

Si celles-ci n'avaient pas changé, l'homme serait resté dans son état originaire.

La perfectibilité, en elle-même, ne produit rien. En outre, ce mot ne doit pas faire penser que l'homme dont les facultés se développent se dirige nécessairement vers une « perfection », un état idéal ou simplement meilleur; pour Rousseau, au contraire, cette faculté a d'abord été « la source de tous nos malheurs », puisque sans elle nous coulerions « des jours tranquilles et innocents ».

C omme le montre avec éclat l'état présent, la nature de l'homme contenait autant de possibilités de lumières que d'erreurs, de vertus que de vices, de valeurs positives que de valeurs négatives.

On peut dire que, jusqu'à présent, les défauts l'ont emporté. Mais quelles furent ces « circonstances » qui sollicitèrent des possibilités qui auraient pu ne jamais se manifester ? Rousseau parle du « concours fortuit de plusieurs causes étrangères, qui pouvaient ne jamais naître ».

Il s'agit bien d'un malheur, d'une malchance, en ce sens.

Des catastrophes naturelles ont « forcé » les hommes à vivre les uns à côté des autres, puis à s'unir en sociétés.

La nature de l'homme ne contenait aucun principe de sociabilité.

Et la vie collective explique l'apparition du langage, de l'intelligence, des passions, de la conscience morale, etc. Pourtant, il ne faudrait pas croire que Rousseau n'est que nostalgique d'un état de nature « passé » (hypothétique).

C 'est lui aussi qui écrit que l'homme devrait « bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme » (Contrat social, I, 8). La perfectibilité contient peut-être la promesse d'une certaine réalisation de soi positive, si les circonstances sont propices.

En tout cas, il est impossible de retourner à la pure nature, l'irréversibilité de l'histoire fait de nous des êtres définitivement « dénaturés ».

La réflexion pédagogique (cf.

Émile) et politique (cf.

le C ontrat social) de Rousseau est donc la recherche de « bonnes institutions », de celles « qui savent le mieux dénaturer l'homme » (Émile, II), réaliser sa nature essentielle.. »

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