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La passion est-elle une forme de dépendance ?

Extrait du document

« Introduction Il y a d'abord une équivocité du terme « passion ».

Elle désigne en premier lieu les phénomènes passifs de l'âme.

Un sujet est en ce sens affecté par quelque chose.

La passion a aussi un caractère actif et constitue une des forces vives du comportement humain.

En ce sens la passion envahit tout le sujet.

Et cette envahissement caractérise en l'homme le fait d'être aveuglé par ce qui le fait se mouvoir de telle ou telle manière.

Et ce qui détermine le caractère aveugle d'une passion, c'est que le sujet peut tout à fait rechercher quelque chose sans avoir d'objet réel.

Ainsi, le sujet a une idée abstraite de ce qu'il veut, mais il n'a pas l'objet concret censé satisfaire sa passion.

L'homme peut-il déterminer l'origine de ses passions et des mouvements qu'elle entraîne, ou bien restera-t-il toujours ignorant des affects qui conduisent ses actions ? I.

Reconnaître les passions et en être maître a.

On retrouve ce sens ancien pour lequel la passion consiste à subir une action.

Et le fait de subir amoindrit en l'homme sa possibilité d'être maître de lui-même.

D'où l'idée, que l'on retrouve déjà chez les Stoïciens, selon laquelle la passion est néfaste pour l'individu, dans la mesure où elle va à l'encontre de la quête du bonheur, de la sérénité de l'âme.

Ainsi Epictète fera la distinction dans son Manuel (écrit par un de ses disciples, Arien) entre « ce qui dépend de nous » et « ce qui ne dépend pas de nous ».

Et ce qui ne dépend pas de nous (la mort d'un proche, la maladie etc.) doit être mis à l'écart, et ce pour ne pas perturber ou freiner l'homme qui est en quête de lui-même. La source de tout bien et de tout mal que nous pouvons éprouver réside strictement dans notre propre volonté.

Nul autre que soi n'est maître de ce qui nous importe réellement, et nous n'avons pas à nous soucier des choses sur lesquelles nous n'avons aucune prise et où d'autres sont les maîtres.

Les obstacles ou les contraintes que nous rencontrons sont hors de nous, tandis qu'en nous résident certaines choses, qui nous sont absolument propres, libres de toute contrainte et de tout obstacle, et sur lesquelles nul ne peut agir.

Il s'agit dès lors de veiller sur ce bien propre, et de ne pas désirer celui des autres ; d'être fidèle et constant à soi-même, ce que nul ne peut nous empêcher de faire.

Si chacun est ainsi l'artisan de son propre bonheur, chacun est aussi l'artisan de son propre malheur en s'échappant de soi-même et en abandonnant son bien propre, pour tenter de posséder le bien d'autrui. Le malheur réside donc dans l'hétéronomie : lorsque nous recevons de l'extérieur une loi à laquelle nous obéissons et nous soumettons.

Nul ne nous oblige à croire ce que l'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenons dépendants de la versatilité du jugement d'autrui, dans l'autre nous finissons par donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.

Enfin, à l'égard des opinions communes comme des théories des philosophes, ou même de nos propres opinions, il faut savoir garder une distance identique à celle qui est requise dans l'habileté du jeu, c'est-à-dire qu'il faut savoir cesser de jouer en temps voulu. Dans toutes les affaires importantes de la vie, nul ne nous oblige en effet que notre propre volonté. b.

La passion désigne aussi chez les cartésiens des états affectifs (plaisirs, douleurs, émotions) qui encombrent l'âme puisque celle-ci est étroitement liée au corps.

Mais Descartes dira que ses affections « sont toujours bonnes de leur nature » puisqu'elles ont une fonction naturelle qui est de « disposer l'âme à vouloir les choses que la nature nous dicte utiles et à persister en cette volonté » (Traité des passions, art.

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Mais la passion ne sera vraiment exaltée qu'avec le romantisme, puisqu'elle permet d'élever l'âme.

Le sage comme l'homme du quotidien sont tous deux également exposés aux passions.

Et vivre avec ses passions peut mener à des actions. II.

La non maîtrise des passions a.

La passion influe largement sur l'imagination.

En effet, le sujet a un objet caractéristique de sa passion, et celui-ci, voulant possédé l'objet (l'amour, le jeu, etc.), associe à cette possession d'objet des satisfactions infinies, et crée ainsi une finalité illusoire : le joueur, par exemple, cherche-t-il l'argent, le plaisir ? « J'avais risqué ma vie et j'avais gagné.

De nouveau j'étais un homme » s'écrie le héros de Dostoïevski dans son délire (Le joueur, chap. XVII).

Le joueur cherche perpétuellement l'exaltation.

Et le passionné souvent se croit libre puisqu'il poursuit de toutes ses forces et de toute son âme un objectif que nul ne lui a imposé.

Mais à la lumière de Spinoza, il est clair qu'un sujet autant affecté par des objets ne peut être dit libre : « je dis que nous sommes passifs quand il se fait en nous quelque chose ou qu'il suit de notre nature quelque chose, dont nous ne sommes la cause que partiellement » (Ethique, III). b.

L'amour est signe d'une dépendance.

C'est Schopenhauer qui étayera l'idée selon laquelle la passion amoureuse, l'élection de tel ou tel individu est loin d'être accessoire.

L'objet est aimé avant même d'être connu, c'est le paradoxe du coup de foudre.

Le choix correspond à un but universel, à la procréation, car, selon Schopenhauer, « le type de l'espèce doit se perpétuer, aussi pur et authentique que possible ».

Mais ici le sujet qui entraîne l'illusion a horreur du but qui seul le mène (la procréation), et voudrait même faire obstacle à cette réalisation.

La vérité de la passion est donc la transcendance de sa fin, une fin inconnue et infinie.

L'homme s'imagine « qu'il consacre tous ses efforts et tous ses sacrifices à son plaisir personnel, alors que tout cela n'a lieu. »

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