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La notion de fait ?

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« La notion de fait. INTRODUCTION On entend souvent dire qu'en toute matière il faut s'en tenir aux faits.

Cela signifie que si l'on veut parvenir à la vérité, il faut se garder de toute hypothèse.

«, Hypothèses non fingo », disait Newton.

Et en effet l'idéal des sciences expérimentales serait, semble-t-il, de « déduire les lois des faits », selon l'expression d'Ampère.

Or ne diton pas : « C'est un fait que la terre tourne » ? On voit immédiatement que le fait, ici, n'est pas une simple donnée, mais implique une active intervention de l'esprit.

Il n'est donc pas si facile de s'en tenir aux faits, puisque la notion même de fait est moins simple et moins claire qu'elle ne paraît d'abord.

Nous commencerons par nous demander ce que c'est qu'un fait pour le sens commun. I.

LE POINT DE VUE DU SENS COMMUN — A — Analyse en extension.

Le sens commun emploie souvent l'expression « c'est un fait ».

Par exemple on dira : « C'est un fait qu'il pleut » ou : « C'est un fait que Louis XVI a été guillotiné », pour énoncer une vérité particulière. Ceux qui se sont trouvés sur la place de la Révolution, à Paris, le 21 janvier 1793, ont pu voir le bourreau décapiter Louis XVI comme je peux voir en ce moment la pluie tomber.

En un autre sens, on considère comme un fait que la terre tourne ou que le phosphore fond à 44°.

Cela signifie simplement que les deux propositions générales : « La terre tourne » et « Le phosphore fond à 44° » sont vraies et que chacun peut se rendre compte de leur vérité.

Enfin on dit aussi que c'est un fait que 2 et 2 font 4.

Le fait, ici, est l'expression d'une vérité universelle.

Pour le sens commun, il y a donc fait toutes les fois que l'on est en présence d'une certitude soit expérimentale, soit rationnelle. Un fait, c'est une « chose certaine » (Larousse). — B — Analyse en compréhension.

En effet, ce qui domine dans l'idée du fait tel que le conçoit le sens commun, c'est l'impression d'une vérité objective.

Aucun homme de bonne foi ne peut refuser de s'incliner devant les faits.

On dit encore : « Les faits sont là », pour affirmer des réalités indiscutables.

Dans le même sens, on oppose le fait au droit, comme ce qui est réellement à ce qui devrait être, mais n'est pas ; par exemple, les hommes sont égaux en droit ; en fait, ils ne le sont pas.

De même encore le fait s'oppose à la théorie, comme les réalités de l'expérience s'opposent aux constructions de l'esprit : « Théoriquement le train arrive à midi ; en fait il a toujours quelques minutes de retard.

» On voit donc que la notion de fait implique d'une part l'idée de vérité objective, d'autre part l'idée de réalité expérimentale.

Pour le sens commun, en effet, il n'y a de vérité objective que fondée sur l'expérience.

Le contact direct avec les choses est le seul moyen de connaître le vrai.

Quand le président du tribunal demande à un témoin trop bavard d'en venir au fait, il ramène son attention sur ce qu'il a vu ou fait.

Ainsi retrouvons-nous dans cette analyse de la notion de fait l'empirisme naïf que professe toujours le sens commun : il n'y a de certitude qu'expérimentale ; s'il y a des certitudes en mathématiques, elles doivent aussi reposer sur l'expérience, et c'est pourquoi on considère comme un fait que 2 et 2 font 4. — C — Discussion.

Mais c'est précisément cet empirisme qui est discutable.

Le fait serait ce qui est réellement, ce que tout le monde peut constater ; mais constate-t-on vraiment un fait ? Constate-t-on que la terre tourne ? Peut-on même constater que Louis XVI a été guillotiné ? Est-ce par une simple constatation que nous savons que 2 et 2 font 4 ? Certes, nul homme de bonne foi ne peut douter de ce qu'il constate.

Mais le difficile est de trouver quelque chose à constater.

Le même monde était offert aux constatations d'Hipparque et de Galilée.

Hipparque cependant n'avait pas « vu » que la terre tournait ; Galilée ne l'a pas vu non plus, mais il l'a compris.

La réalité est donc autre chose que ce qui nous est immédiatement donné ; le fait doit être « découvert » et non simplement enregistré.

Par exemple, nous voyons le soleil grand comme une assiette, et nous savons qu'il est « en fait » plusieurs fois plus grand que toute la terre.

Descartes avait bien vu que la connaissance sensible, celle qui nous est immédiatement donnée, n'atteint pas le réel.

Si l'on accepte la définition que le sens commun donne du fait, il faut dire qu'il est bien difficile de saisir un fait.

L'erreur du sens commun, qui est l'erreur empiriste, est de croire qu'il suffit d'ouvrir les yeux pour constater les faits.

« Ouvrez les yeux, dit Alain, et c'est un monde d'erreurs qui entre.

» Le savant le sait bien, qui attache tant d'importance à l'établissement des faits. L'analyse du fait scientifique nous permettra sans doute de préciser les conditions dans lesquelles on peut atteindre le réel.. »

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