La force, la violence peuvent quelque chose, mais non pas toujours tout (Montaigne)
Extrait du document
«
« La force, la violence, peuvent quelque chose, mais non pas toujours tout.
»
Montaigne
Commentaire d'une citation
Explication de la citation
●
La citation discute les limites du pouvoir de la force et de la violence.
Le plus notable, et l'intérêt de
cette affirmation de Montaigne, est l'emploi de deux indéfinis : quelque chose, et non pas toujours tout.
Il
est en effet paradoxal de définir l'extention et les limites d'une notion par deux indéfinis : c'est ainsi
l'existence même de la limite qui semble constituer tout l'objet de l'affirmation.
●
Etudions tout d'abord l'opposition entre ces deux groupes de mots.
La locution quelque chose, en ellemême, ne semble rien affirmer : à première vue, elle se contente de donner un contenu, qu'elle se refuserait
à déterminer, à la notion de pouvoir.
En d'autres termes, elle aurait une fonction purement grammaticale.
Mais il faut d'emblée noter que l'affirmation n'est pas équivalente à la suivante : « la force, la violence ne
peuvent pas toujours tout ».
Il nous faut donc expliciter la positivité paradoxale de cette indétermination.
N'est-elle pas pléonastique, ou tautologique? Une force, ou une violence, qui ne pourraient pas quelque
chose, ne seraient plus force ou violence.
Ce qui semble définir la force et la violence est justement leur
pouvoir de forcer, de faire violence.
Ainsi, il faut voir dans cette précision de Montaigne un effet de style,
visant à renforcer la limite qu'il impose à ces deux notions.
Plus précisément, l'indétermination marque un
refus de défnir la nature du pouvoir de la force et de la violence.
En d'autres termes, Montaigne montre ainsi
que là n'est pas l'objet de son affirmation.
Cela signifie que la limite dont il affirme l'existence est valable
quels que soient la nature et le contenus que l'on donne à la force et à la violence.
En d'autres termes,
qu'elle est vraie de toute force, de toute violence.
Penchons-nous à présent sur le second membre de l'opposition.
Les notions de tout et de toujours sont
beaucoup plus précises que celle de quelque chose.
En effet, elles sont totales, c'est-à-dire qu'elles
couvrent toute détermination possible, dans l'espace et dans le temps.
Comment comprendre, cependant, ce
toujours : l'emploi est-il strictement temporel ou métaphorique? Dans ce dernier cas, il signifierait : en toute
situation.
La négation peut nous aider à le comprendre, dans la mesure où elle ôte précision et détermination
à ce qu'elle nie.
Non pas toujours ou non pas tout sont en effet aussi peu précis que quelque chose.
En
d'autres termes, Montaigne met en regard une notion indéterminée, et la négation indéterminée de deux
notions précises.
Il nous faut donc comprendre ce toujours au sens métaphorique.
L'apposition de toujours
et de tout nous encourage de plus dans cette direction.
Il reste encore cependant deux manières de
comprendre cette apposition.
En effet, elle peut signifier que par nature, la force et la violence sont toujours
limitées; elle peut d'autre part signifier qu'il y a des espaces, des domaines, sur lesquels toute force et toute
violence, fussent-elles illimitées dans leur sphère propre, n'ont pas prise.
En d'autres termes, Montaigne
affirme soit que la force et la violence sont toujours limitées en degré, soit que leur nature les attache
toujours d'avance à un domaine propre.
Seule l'analyse des notions de force et de violence pourra nous
permettre de trancher.
●
La force se dit en plusieurs sens : vigueur, contrainte, principe d'action; de plus, ces significations
peuvent être physiques, morales, métaphoriques.
C'est en tant qu'elle s'apparente à la violence que la force
doit être ici comprise.
La violence est le caractère de ce qui s'impose à un être contre sa nature ou sa
volonté.
Lorsqu'il s'agit de la violence d'un homme, elle peut en outre avoir un sens plus précise : l'emploi
démesuré ou illégitime de la force.
(Bien faire attention au fait que l'on parle aussi de la violence d'une
passion, d'un phénomène naturel).
On s'aperçoit d'emblée que la violence caractérise une force.
En quoi
pourrait-on les distinguer, voire les opposer? En ceci que la force désigne un phénomène : une force a été
exercée, tandis que la violence spécifie le rapport de la force à ce sur quoi elle s'exerce.
Nous pouvons donc
comprendre l'énumération de Montaigne la force, la violence comme un souci de précision : la force est
comprise ici dans le sens où elle est susceptible d'être violente.
●
Ainsi, Montaigne nous parle plus de ce sur quoi force et violence s'exercent, que de la force et de
violence en elles-mêmes.
Elle affirme la possibilité parfois offerte à leurs objets de résister.
En effet, une
force inefficace est celle qui s'est avérée moins forte que son obstacle.
Nous apercevons ici le problème qu'il
y aurait à comprendre l'affirmation de Montaigne comme celle de la limitation essentielle à toute force et à
toute violence : si la force ne peut pas toujours tout, en ce sens, c'est qu'elle est susceptible de rencontrer
une force supérieure.
L'affirmation s'enfermerait ainsi dans un cercle vicieux : nous parlant de la nature de la
force, elle la déterminerait à partir de la puissance d'une force autre.
Cependant, cette force autre devrait
être comprise en un sens différent : non plus principe d'action, elle serait force de résistance.
Il nous faudra
donc retenir cette difficulté logique de définition de la force pour discuter la citation.
En outre, nous pouvons
ainsi conclure sur la juste manière de comprendre cette citation : elle affirme que toute force et toute
violence sont attachées à des domaines propres, qu'elles ne sont force et violence efficaces qu'en tant.
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