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La faute et l'erreur ?

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« Explication des termes: ERREUR : Affirmation fausse.

A la différence du mensonge, l'erreur implique la bonne foi; l'erreur, dit Platon, est une ignorance double, c'est-à-dire une ignorance qui ne se sait pas ignorante, une ignorance doublée d'une illusion. Du latin errare, « errer ».

Affirmation fausse, c'est-à-dire en contradiction, soit avec les règles de la logique, soit avec les données de l'expérience. L'erreur est à distinguer de la faute, qui possède une connotation morale et ne concerne pas tant le jugement que l'action. L'emploi de ces mots "la faute et l'erreur" implique — on le sent bien, avant même de savoir pourquoi — une nuance que leur rapprochement souligne : non seulement parce qu'il n'y a pas, à vrai dire, de synonymes, mais encore parce que toute une expérience, à la fois dans le domaine de l'acquisition des connaissances et dans celui de l'action morale, nous met en garde contre la confusion à laquelle pourrait nous conduire une défaillance de vocabulaire.

Dans le cadre de l'apprentissage scolaire, par exemple, nous remarquons que l'erreur dans le résultat révèle souvent la faute dans le travail (faute d'attention, de mémoire, de méthode), car la faute conduit habituellement à l'erreur.

De même ne peut-on dire que c'est pour autant que nous sommes déjà dans l'erreur que nous commettons la faute ? Socrate affirmait que nul ne fait mal volontairement, mais par ignorance.

A insi les termes en cause évoquent-ils simultanément au moins deux plans de pensée : l'un relatif à la morale, l'autre au savoir.

Or, dans les deux cas, il s'agit encore de considérer un état de fait et comment il a été atteint, enfin quelles sont les formes de notre responsabilité en la matière.

A utrement dit, la faute et l'erreur, bien que distinctes, sont liées par certains processus qu'il faut évoquer dans le domaine de l'action et celui de la connaissance, puisqu'il ne peut y avoir faute ou erreur que par rapport à ce qu'on aurait dû faire ou savoir, lorsqu'on vient à prendre conscience du caractère inopportun ou inadéquat des conduites et des opinions. Certes pour débrouiller ces implications, on pourrait dire en une première approximation que le mot faute est du vocabulaire de l'action et de la vie morale, tandis que le mot erreur désigne un état et une forme insuffisante de la connaissance.

Encore faut-il ajouter que la responsabilité de celui qui agit étant plus facile à déceler que celle de celui qui subit, à la faute est liée l'idée d'une responsabilité morale (et l'on retrouve ici le sens de culpabilité), tandis que l'erreur (état) ne laisse pas toujours saisir la forme de la responsabilité de celui qui s'y trouve. Mais c'est dans une dialectique entre les deux termes que l'on pourra voir comment la faute engendre l'erreur, comment, à l'inverse, l'erreur engendre la faute.

Pourtant c'est toujours la prise de conscience de la faute qui permettra de redresser l'erreur, alors que la perception de l'erreur comme telle aura conduit à rechercher la faute qui avait pu, antérieurement, engendrer l'erreur. Un certain nombre d'expressions, telles que « nos sens nous trompent », « les apparences sont trompeuses...

» tendent à montrer que nous rejetons volontiers l'erreur sur les circonstances considérées comme déterminantes lors de l'engagement dans l'erreur.

Mais cela n'est possible qu'après expérience, lorsqu'on a décelé la faute par laquelle l'erreur a pu se produire : ce qu'on exprime alors en notant que l'erreur est le fait de l'homme (errare humanum est), qu'il y a des « puissances trompeuses », comme l'écrivait Pascal.

Finalement nous rejoignons la remarque de celui qui reconnaît simplement « je me suis trompé », car il y a toujours une raison à l'erreur, qui appartenait au donné, à la situation — et dont on aurait dû se méfier.

En ce sens, l'erreur est la conséquence d'une faute de jugement; elle est liée à un défaut de méthode, dans la mesure où l'on aurait dû savoir que les éléments en cause ne sont rien d'autre qu'eux-mêmes, ou, si l'on veut, ne promettent rien, que la responsabilité de l'usage qu'on en fait ou de l'interprétation qu'on en donne incombe à celui-là seul qui en décide.

C 'est pourquoi l'ignorance est une source de fautes, non pas en tant qu'on sait être dans l'ignorance, mais en tant qu'on ne la connaît pas comme telle.

D'où le mot de Socrate se disant le plus savant des hommes pour savoir qu'il ne savait rien : celui qui est dans l'erreur, s'il se juge dans l'erreur, fait ce qu'il peut pour en sortir; l'ignorant y reste pour ne pas savoir qu'il s'y trouve.

Bref, le propre de l'erreur, c'est d'être prise pour la vérité, qu'elle soit de l'ordre de la connaissance ou du domaine de la morale.

Elle traduit une insuffisance, une présomption, une satisfaction illusoire — et c'est ce qui, en elle, révèle la faute.

Aussi la défense contre l'erreur consiste-t-elle en un moyen pour éviter la faute. Descartes constate que les grandes âmes sont capables des plus grands vices comme des plus grandes vertus, et c'est pourquoi il insiste sur ce point que ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, le principal étant de l'appliquer bien.

L'erreur, dit-il encore, est habituellement le fait de la précipitation et de la prévention: aussi exerce-t-il le doute méthodique, dont le savant fera une arme de défiance à l'égard de son savoir même.

Tout le progrès de la méthode sera, en ce sens, de multiplier les moments du doute par des précautions opératoires.

Claude Bernard écrit que le vrai douteur est celui qui doute de soi-même et non pas de la science (en tant que possible et méthodiquement accessible).

D'où ce ralentissement de la démarche, ce rythme étalé du travail scientifique où les temps de vérification et de contrôle semblent relever d'un formalisme qui décourage l'impatient.

D'où encore ce culte de l'esprit critique, ce refus de conclure (qui fait dire à Pasteur : il ne faut conclure que quand on ne peut faire autrement).

Cette attitude, si l'on en croit Bachelard, fait du savant celui dont l'affirmation habituelle est non pas « je sais », mais « demain, je saurai ». On voit donc que la faute engendre l'erreur et que l'on ne peut se prémunir contre celle-ci qu'en réfléchissant aux conditions dans lesquelles intervient la faute, c'est-à-dire l'action inadéquate.

Pourtant toute action suppose un donné tenu pour acquis, un processus auquel on fait confiance et sans lequel on ne pourrait sortir d'un scepticisme total.

Or, c'est ainsi que l'erreur, en premier lieu, engendre la faute.

Tel est le sens général du mot de Bachelard : il n'y a pas de vérités premières, mais seulement des erreurs premières.

En effet, l'enthousiasme, la passion, les données communes tirées de l'expérience empirique ou des affirmations de principe (et sur quoi s'accordent les hommes d'une même époque, d'une même société); une interprétation usuelle de toutes données fixées en catégories, systèmes, théories; les formes de pensée qui ont force d'institution, et, finalement, les manières de faire comme le langage lui-même : tout cela porte l'erreur et rend possible la faute en se mêlant, plus ou moins, aux défaillances.

individuelles.

Mais les erreurs soupçonnées, aperçues et redressées enfin, conduisent à une sorte de repentir (intellectuel ou proprement moral) susceptible de se traduire par une conduite ultérieure où la faute précédente pourra être évitée. Telle est la dialectique de la faute et de l'erreur, qui se fait jour non seulement dans l'histoire de la science et dans l'évolution des connaissances, mais encore dans toute durée vécue, dans toute expérience, toute réalisation, et non pas simplement dans le domaine (qu'on serait parfois tenté d'isoler) de l'action morale.

Certes, tout ce qui vient d'être dit peut être strictement transposé, à l'occasion de problèmes pratiques, dans une théorie des valeurs.

Or, les actes de la vie ne souffrent aucun délai et nous sentons notre engagement à l'existence, alors que nous pouvons suspendre notre jugement en matière de savoir proprement dit : Descartes le fait remarquer, mais l'on pourrait, comme lui, tirer d'une méthode — de la méthode jugée bonne — une morale qui ne serait, au fond, ni plus ni moins provisoire que les connaissances auxquelles la vie parmi les hommes nous fait participer.

Cependant la vie morale se caractérise par une forme de responsabilité plus stricte.

Elle procède, certes, de l'affirmation de la liberté, comme le jugement relatif à la vérité; mais la conscience, ici, individualise et charge — en des situations singulières — la personne dont on a proclamé la liberté absolue au regard des valeurs ! A ce niveau, plus qu'à d'autres, l'homme arrive à se sentir unique législateur et véritable sujet : et c'est pourquoi une nuance assez remarquable s'introduit entre les termes faute et erreur.

La faute est, ici, plus pesante que l'erreur, et, à la limite, paraît insupportable.. »

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